L’intelligence artificielle au service de la relation client en banque de détail : quels cas d’usage ?
Il y a un an se créait le fonds Big Data et AI de Serena Capital doté de 80M€ pour investir dans les start-up européennes du big data et de l’intelligence artificielle (I.A.). Le ticket d’entrée, pourtant élevé, a attiré les assureurs Allianz, MACSF et Maif, ainsi que BNP Paribas et BPI France. Les enjeux liés à ces technologies sont de plus en plus importants pour ces acteurs confrontés à une concurrence exacerbée et à des attentes clients toujours plus fortes. Dans le même temps, le cabinet Athling, mandaté par l’association française des banques (AFB), estime « [qu’]il y a un foisonnement de projets menés au niveau des directions […] [mais que] ces projets s’apparentent plus à des études de faisabilité (proof of concept) qui testent des idées à petite échelle ». Les attentes liées à la technologie sont grandes et les projets qui en résultent ne les comblent pas toujours.
Pour autant, un vide reste à combler. Alors qu’en 2017 la confiance des clients pour leur banque a augmenté d’un point par rapport à 2016, le nombre de français prêts à ouvrir un compte ailleurs que dans une banque a augmenté de trois points dans le même temps. Il est clair que la banque de détail n’a pas encore répondu à tous les enjeux du moment.
La concurrence progressive des géants de l’internet et l’essor des Fintech (robo-advisors, agrégateurs, etc), de la Blockchain, des cryptomonnaies et des banques en ligne est le fruit de la maîtrise technologique, du big data et de l’intelligence artificielle. Ces mêmes outils sont à la portée des banques dites « traditionnelles » qui les exploitent encore timidement, tandis que l’agilité des nouveaux acteurs permet de répondre à un nouveau contexte client :
- Besoin de simplicité
- Instantanéité des échanges et une simplification des opérations
- Davantage de transparence
- Des personnes hyper-connectées
- La volatilité du client
Quels sont les impacts de l’I.A. sur le conseil et le parcours client ?
La plus-value pour le client en matière de conseil après incrémentation d’une intelligence artificielle se manifeste au niveau de la connaissance client grâce à la data collectée. Cet aspect est enrichi par l’utilisation d’un assistant virtuel, tel qu’IBM Watson adopté par le Crédit Mutuel et plus récemment par Orange Bank, qui permet de proposer au client les services d’un conseiller augmenté recentré sur son rôle premier, celui de conseiller financier répondant aux besoins spécifiques de ses clients. La personnalisation accrue de l’accompagnement du client va s’étendre grâce au big data et au deep learning, proposant des conseils en gestion de budget, la préparation des rendez-vous clients et des comptes rendus… Mais les solutions proposées ouvrent déjà la voie à de nouveaux oracles capables d’anticiper les besoins comme c’est le cas de l’entreprise d’I.A. Layer 6, récemment acquise par le groupe Banque TD . Ce rôle prédictif implique également une anticipation des comportements permettant d’accroître la présence des banques dans les moments de vie importants du client (chômage, naissance, décès, …).
La rapidité d’analyse, notamment en matière de risque et de crédit, que permet l’I .A. est aussi garante d’une plus grande cohérence dans le temps en matière de conseils tandis que les conseillers bancaires changent et leur approche avec.
Puisque l’instantanéité est le nouveau credo, les chatbots et l’assistance 24h/24 y répondent et se couplent avec l’optimisation des centres d’appel et de la gestion des courriers électroniques. Amélia, l’employée virtuelle utilisée par la banque SEB, permet à la fois de répondre aux requêtes en ligne, de réduire le volume d’appels et de le concentrer sur un support à plus forte valeur.
Le client souhaite par ailleurs un parcours sans coutures. L’I.A. s’y emploie en favorisant l’omnicanal, tandis que Alipay va jusqu’à proposer Face ++ qui permet une identification rapide du client et de payer par reconnaissance faciale. Ce parcours s’étend jusqu’aux agences, peu à peu désertées, qui doivent se réinventer pour devenir des espaces de libre-service, à l’exemple de Bank of America qui teste l’agence sans employés, et proposer des interactions avec des agents virtuels.
L’innovation n’a-t-elle jamais été sans risques ?
La dépendance accrue des systèmes à l’intelligence artificielle fait bien sûr écho à la question de la fiabilité, des bogues et de la cybersécurité. Ce qui amène à celle des responsabilités entre banque, client et fournisseur d’I.A..
Le client va également s’intéresser à l’utilisation qui est faite de ses données personnelles, dont une partie non-structurée provenant des réseaux sociaux, sites de réservation et applications. L’opacité des processus de décision reposant sur des algorithmes, déjà mise en cause en tant que telle, va aussi faire peser des soupçons de discriminations cachées. Enfin, les démarches commerciales ciblées qui accompagnent l’utilisation du big data risquent d’être jugées intrusives.
Les banques auront donc à fixer dans leurs conditions générales de vente les finalités d’utilisation des données personnelles et obtenir le consentement pour chacune. La question est d’autant plus délicate que s’apprête à entrer en vigueur le nouveau règlement européen RGPD le 25 Mai 2018. Au-delà, il y a toute une pédagogie, des protocoles et un encadrement à mettre en place afin d’emporter l’adoption par le client de l’intelligence artificielle.