Back office des marchés : disparition ou redéfinition ?
Les progrès technologiques transforment en profondeur les pratiques bancaires. Les métiers de back office, en particulier de back office des marchés, sont directement impactés par l’automatisation des processus ou par la standardisation des opérations incitée par les régulateurs. Les traitements de back office sont de plus en plus uniformisés, ce qui favorise les opérations d’externalisation au sein de centres de services partagés. Une évolution marquante des back office est engagée.
La transformation des tâches grâce aux progrès techniques et suite à la réglementation
Les progrès techniques impactent l’ensemble des métiers et entraînent des modifications d’ordre opérationnel, notamment dans le domaine du back office.
Parmi les avancées techniques majeures, on peut recenser en premier lieu la circulation de l’information, l’automatisation de traitements de masse et la dématérialisation des pièces. Avec pour conséquences de favoriser l’orchestration des tâches, la rationalisation des processus ou encore la réduction de traitements manuels chronophages.
D’autres facteurs concourent à cette transformation : les dispositions relatives à la gestion des risques et au respect des exigences réglementations contribuent à l’automatisation des tâches et des contrôles. Toutefois, le champ étendu des réglementations et le fort accroissement des contraintes de reporting ont complexifié les choses et rendu nécessaire la mise en œuvre de réponses adaptées et, autant que possible, automatisées. Les progrès techniques permettent ainsi d’abaisser les coûts d’acquisition et d’administration et de dédier des budgets et des ressources à de nouvelles activités. Cependant, ces modifications structurelles nécessitent de nombreux investissements et requièrent un accompagnement conséquent en matière de conduite du changement et de revalorisation des fonctions.
Un exemple d’évolution des pratiques de back office de marchés en liaison avec les exigences réglementaires
Pour illustrer l’impact des réformes réglementaires en matière de standardisation, et leur incidence sur les traitements de back office, analysons l’évolution des processus de confirmation aux parties des transactions de marché.
Les confirmations doivent désormais être échangées entre les parties dans des délais impartis, dont la grille est établie selon les catégories d’instruments et selon la nature des contreparties (entités financières et/ou non financières). La volonté du régulateur est de rendre attractives les plateformes électroniques, exploitées par un nombre croissant de contreparties actives et recouvrant le champ des instruments les plus standards. Ces plateformes permettent de répondre efficacement aux contraintes réglementaires d’échange de confirmations puisque leur génération est automatique et immédiate ; les termes des transactions sont en effet rapprochés et le matching effectif génère en cascade l’envoi des confirmations. Dans ce cas précis, il ne pourra être exigé un échange des confirmations, les deux parties ayant reçu la confirmation d’instructions validées en amont. En conséquence, de nombreux établissements financiers incitent leurs propres contreparties, ou leur imposent, d’affirmer ou d’exécuter les transactions au travers de ces plateformes. En revanche, pour les contreparties peu actives ou pour les transactions sur instruments non standards, la situation s’est complexifiée. A la nécessité de rédaction immédiate de la confirmation par l’une des parties et de son envoi s’ajoute celle du contrôle du retour de l’autre dans les délais réglementaires, créant des situations tendues du fait des contraintes de suivi et de relance particulièrement chronophages.
Alors qu’il y a peu encore, les établissements financiers pouvaient adresser des confirmations contenant des clauses de consentement tacite par l’autre partie, sauf retour sous un délai donné, la réglementation impose désormais la validation et l’échange de la confirmation et soumet ainsi les back office aux obligations de délivrer très rapidement et d’en assurer le suivi. La rédaction de confirmations de transactions complexes ou de montages étant contraignante à divers titres, des disponibilités conséquentes doivent désormais y être consacrées dès l’exécution par les front office. En liaison, des procédures de relance des contreparties sont instaurées et des ressources y sont dédiées. La standardisation est ainsi fortement encouragée. En parallèle, les back office et les services juridiques étudient les possibilités de réduire le temps à allouer aux tâches manuelles, au travers de modifications des contrats cadres régissant les opérations et les modes de confirmation.
A contrario, un certain nombre de tâches de back office demeureront manuelles indépendamment des évolutions technologiques. Les domaines concernés recouvrent notamment les opérations de trésorerie ou de financement, ou encore de gestion du collatéral, où la nature des interventions est autre en termes d’enjeux financiers et de gestion du risque. Ces activités essentielles bénéficient de l’automatisation des traitements mais un nombre conséquent d’alertes quotidiennes ou à très courtes échéances requièrent un suivi permanent et une intervention manuelle très réactive. A priori, peu de changements sont à attendre d’un point de vue opérationnel en ce domaine, dans l’immédiat.
Les centres de services partagés, partenaires des établissements financiers
Confrontés à la nécessité de mettre en place des plans de réduction de coûts, les établissements financiers ont prôné la délocalisation comme levier d’économies, mais aussi l’externalisation. C’est notamment ce qu’a réalisé la Société Générale avec son projet Mikado de transfert des activités du back office titres auprès du cabinet Accenture. D’une manière générale, la standardisation des tâches au sein des back office favorise les externalisations d’activités au sein de Centres de Services Partagés (CSP). Dès lors qu’une activité ne nécessite pas d’interaction directe avec le client, elle est susceptible d’intégrer le périmètre d’activités d’un centre de services partagés, sous réserve de la mise en place des outils adéquats et de l’accompagnement nécessaire préalable auprès des équipes opérationnelles des centres de services partagés. La relation entre l’établissement financier et le centre de services partagés constitue un réel partenariat : l’établissement financier attend du centre de services partagés qu’il aille plus loin que de constituer une fonction support. Le centre de services partagés doit désormais démontrer sa capacité à engendrer de conséquentes économies d’échelle pour les établissements financiers, à générer des gains de qualité, à réduire les coûts de revient, à renforcer les contrôles, à mettre en œuvre des processus standardisés, à instaurer un partage de l’information, etc.
Bien entendu, recourir aux services d’un centre de services partagés est susceptible de générer des facteurs de résistance et des risques, inhérents aux projets de transformation majeurs. La rupture avec l’historique, les freins au changement, les erreurs dans les hypothèses sous-tendant les études de faisabilité et les conséquences en termes d’économie d’échelle ou de planning de mise en œuvre, une communication non adaptée, un manque d’engagement formel en haut lieu en constituent quelques exemples.
En conclusion, les progrès techniques et la recherche de standardisation entraînent l’automatisation et la fiabilisation des tâches. En revanche, les exigences réglementaires rajoutent des contraintes qui requièrent la recherche de solutions techniques et juridiquement acceptables. A défaut, un certain nombre de tâches manuelles demeurent, et d’autres se créent afin de ne pas réduire le champ d’activités des établissements financiers. Par ailleurs, des mesures d’externalisation de traitements de back office sont engagées, grâce auxquelles les établissements financiers peuvent rationaliser et réduire leurs coûts, et, engager des projets pour les fonctions supports exigeant flexibilité et capacité d’adaptation. L’évolution profonde des back office est en marche.