Birmanie – La modernisation du secteur bancaire, au service du développement économique
Engagée depuis le printemps 2011 sur la difficile voie de l’ouverture économique et démocratique, la Birmanie est à l’heure actuelle le pays le moins développé économiquement d’Asie du Sud Est. Symbole de ce retard, essentiellement accumulé pendant les soixante ans de dictature, le pays est l’un des moins bancarisés au monde avec seulement 20% de la population ayant accès à des services financiers. Le secteur bancaire, dominé par les banques d’État, souffre de plusieurs maux : méfiance populaire, taux d’intérêts strictement encadrés, inadéquation des infrastructures financières. Et la Birmanie se prépare à rejoindre le marché unique de la Communauté économique de l’ASEAN.
Un système financier affaibli, dominé par les banques et contrôlé par l’État…
Plusieurs facteurs expliquent la faiblesse du système bancaire birman :
- Le taux d’intermédiation bancaire: cet indicateur a progressé dans l’ensemble des pays de la zone ASEAN entre 2001 et 2011, sauf en Birmanie. Et s’il a progressé depuis, grâce à une augmentation conjuguée des crédits et dépôts bancaires, il demeure encore le plus faible de la zone.
- La composition du système financier: comme pour ses voisins en développement (Laos, Vietnam), le système financier birman est peu diversifié (constitué à 90% par les 27 banques du pays) et caractérisé par une économie informelle étendue, le prêt sur gage ou la thésaurisation constituant un héritage historique profondément ancré.
- L’influence tentaculaire de l’État: l’état via les banques, notamment publiques et semi-gouvernementales, intervient dans plusieurs pans de l’économie. Prenons l’exemple de la « Myanma Economic Bank ». Plus grande banque du pays, contrôlée par le ministère des Finances, elle joue un rôle de trésorier national en finançant des entreprises publiques ou d’autres banques.
Concernant les banques privées, une majorité appartient à des conglomérats d’affaires qui préfèrent octroyer des crédits aux « cronies ». Pour limiter leur périmètre d’action, le gouvernement a profité de la crise de 2003 pour mettre en place des exigences strictes comme un taux de prêt élevé ou des restrictions des prêts à court terme.
…mais un système en mutation commençant à s’internationaliser
Souhaitant réintégrer le concert des Nations, le gouvernement s’est lancé depuis 2011 dans un programme de réformes visant à moderniser son système bancaire. Cela s’est traduit par des évolutions réglementaires qui ont notamment permis à la Banque Centrale d’assurer son rôle de régulateur et de superviseur. Ainsi en 2014, la Banque Centrale est redevenue indépendante pour la première fois depuis 1960. Désormais, elle peut définir et mettre en œuvre les politiques monétaires et de change avec pour objectifs la stabilité des prix et la maîtrise de l’inflation.
Parallèlement à ces évolutions réglementaires, la modernisation du système de paiement a été lancée en 2011. Deux axes ont été privilégiés.
Le premier concerne l’augmentation du nombre de distributeurs. Ainsi, depuis 2012, Mastercard et Visa coopèrent respectivement avec 9 et 8 banques nationales, pour environ 600 et 800 distributeurs.
Le deuxième concerne le développement de nouveaux services de paiement visant à augmenter la part des paiements électroniques. Les établissements de transfert bancaires internationaux comme Western Union ou MoneyGram ont ainsi noué des partenariats avec les plus grosses banques locales permettant d’envoyer de l’argent en Birmanie depuis plus de 120 destinations. Le développement du secteur financier ainsi que le développement de l’accès à Internet et aux services bancaires mobiles sont également susceptibles d’apporter une nouvelle dynamique au secteur bancaire.
Enfin, l’extension des services bancaires s’est accompagnée d’une libéralisation entamée en 2014. La Banque Centrale a ainsi décidé en 2012 d’abaisser le plafond des taux d’intérêts. Mais le symbole le plus fort de ce virage reste incontestablement l’octroi de licences à neuf banques étrangères, interdit depuis 1963 et la nationalisation par la junte de 14 banques étrangères. Même si ces banques ont des activités limitées à l’heure actuelle, elles peuvent néanmoins proposer leurs propres produits financiers, accorder des prêts ou enregistrer des dépôts domestiques et étrangers. Ces banques sont censées contribuer au développement du secteur bancaire national en participant au marché interbancaire, en prêtant aux banques nationales ou en participant à des opérations de change. À terme, elles devraient être autorisées à ouvrir une succursale dans un lieu unique contre 75 millions USD d’apport minimum de capital.
Une libéralisation clef pour le développement économique
Un secteur financier bien développé peut être un catalyseur pour stimuler et soutenir la croissance économique en mobilisant de manière plus efficace l’épargne domestique, en aidant à exploiter les transferts étrangers et en améliorant l’efficacité de l’allocation des investissements. L’ouverture du secteur financier à la participation étrangère peut jouer ce rôle dans la croissance et le développement du secteur bancaire. L’un des objectifs de la banque est de fournir le crédit nécessaire au développement économique d’un pays. Or, de larges pans de l’économie et de la population birmane n’ont pas d’accès aux services bancaires. Les institutions financières étrangères peuvent permettre d’accroître l’épargne des ménages (détournant ainsi de fonds de l’économie souterraine) en restaurant la confiance de la population dans les institutions bancaires. En effet, les banques locales sont souvent accusées d’être alliées du pouvoir central. De plus, l’internationalisation peut également permettre d’apporter concurrence, innovation et expertise dans le financement de projets et le management des risques, incitant les institutions locales à améliorer leurs capacités.
La libéralisation n’est pas une fin en soi, mais doit conduire à un système financier plus sûr et plus compétitif, au service des besoins de l’économie du pays. Les leçons tirées de l’histoire du développement de nombreuses économies le montrent : la libéralisation financière est partie intégrante du processus de développement, mais cette libéralisation doit être pensée et planifiée afin d’éviter de futures phénomènes de dérégulations ou de crise économique qui porterait atteinte au mouvement d’ouverture et des espoirs suscités par la victoire du parti d’Aung San Suu Kyi aux élections législatives de Novembre 2015.