L’ADN de la Banque Privée au défi de la digitalisation de la relation client
S’adressant à une clientèle choisie et triée sur le volet, la Banque Privée n’est accessible qu’aux patrimoines importants. Le ticket d’entrée y est variable selon chaque structure : banques spécialisées indépendantes et maisons adossées ou filières dédiées des grands réseaux bancaires. Il peut aller de 150 000€ d’avoirs financiers pour la gestion privée à 5 000 000€ pour la gestion de fortune.
La gestion privée puise sa force dans l’hyperpersonnalisation de la relation client via des offres dédiées. La gestion de fortune bascule dans le « cousu-main ». La proximité avec le client est un véritable cheval de bataille.
Afin d’optimiser l’expérience de leurs clients, les banques privées répondent de plus en plus aux sirènes de la digitalisation de leurs services : consultation des comptes ou contact du conseiller en ligne, etc.
Cette tendance ne remet-elle pas en cause l’ADN et les principes de la Banque Privée ? Le digital ne s’oppose-t-il pas à la proximité, risquant de « dépersonnaliser » la relation jusqu’alors privilégiée entre client et banquier privé ?
Plusieurs typologies de clients… et des attentes diverses
L’association de l’accroissement constant du nombre de millionnaires dans les pays développés et de la revue à la baisse des critères d’éligibilité en Banque Privée scelle un constat : le nombre de particuliers à y souscrire est en constante augmentation. Cette démocratisation entraîne de fait une hausse des encours sous gestion et du Produit Net Bancaire.
Les Banques Privées misent sur une proposition de valeur basée sur 5 piliers : le suivi du client au quotidien pour une valorisation sur la durée, l’expertise, la performance dans le placement, la mise en place d’une offre dédiée à la catégorie et l’hyperpersonnalisation de la relation client.
On distingue plusieurs typologies de clientèles. Si professionnalisme, excellence et engagement de la Banque Privée cristallisent des souhaits communs, les attentes en termes de digital et de mode de relation sont variables selon le profil du client.
Profil n°1 : Le client confie à une Banque unique une majeure partie de ses capitaux. L’enjeu est alors de préserver et de fidéliser le client. Ce dernier recherche l’hyper-proximité avec le banquier et accorde de l’importance à la dimension face à face. L’ancienneté de la relation est un facteur-clé. Ainsi de très nombreuses banques ont construit leurs offres autour de l’attribution d’un conseillé privé attitré, avec un nombre réduit de clients et une forte disponibilité.
Profil n°2 : Le client bénéficie de hauts revenus qui lui confèrent une forte capacité d’épargne. Les capitaux sont confiés à plusieurs banques. Pour plus de praticité, le client priorise un fonctionnement à distance, en tout lieu et à tout instant.
Profil n°3 : Le client dispose d’un patrimoine non-financier important (ex : jeune créateur de start-up). L’enjeu pour la Banque est de saisir le prospect avec comme perspective la transformation du patrimoine non-financier en avoir financier. Le client recherche une expertise. Le mode de gestion est conseillé (le banquier adopte une posture de conseil) ou sous-mandat (le banquier s’occupe entièrement de la gestion). Son usage des outils digitaux est généralement développé.
Une récente accélération de la transformation digitale
Sûre de ses valeurs, la Banque Privée s’est d’abord tenue à l’écart de toute forme de digitalisation de ses services. La proximité et la confidentialité ont longtemps compté comme les facteurs fondamentaux de la relation client.
Ces dernières années, le mouvement digital s’est pourtant amorcé avec la mise en place de services classiques de bancarisation (consultation des comptes ou opérations de gestion en ligne), puis accéléré avec le développement de nouveaux services (outils de veille économique, réseaux sociaux de clients Banque Privée, capitalisation sur le self-care, etc.).
Cette transformation permet aux Banques Privées d’appréhender les usages développés par les technologies et de s’adapter aux attentes nouvelles de leurs nouveaux clients (jeunes héritiers de grandes fortunes, entrepreneurs de talent, cadres connectés à de multiples devices…)
La clientèle aisée se révèle adepte de services innovants. Mieux informée et familière du digital, elle exige une expérience de haute qualité et des reportings en temps réel sur ses avoirs et les nouveautés fiscales. 96% des clients de Banque Privée utilisent aujourd’hui les nouvelles technologies dans la gestion de leur compte.
En réponse aux FinTech dans l’épargne en ligne qui convoitent leur clientèle en vulgarisant des services de conseil et d’investissement d’épargne, les Banques Privées veulent se moderniser et assurer leur viabilité économique.
Des interactions humaines indispensables
Si cette mue digitale apparaît comme nécessaire, elle a néanmoins ses limites. « Une Banque Privée 100% digitale provoquerait la disparition du métier » expliquent les équipes de Hottinger & Cie Gestion Privée : la proposition de valeur des banques privées se retrouverait fragilisée. Une substitution totale par le digital des interactions humaines, indispensables en Banque Privée, comporterait le risque de ne pas comprendre pleinement le contexte du client, notamment la dimension humaine et familiale du patrimoine nécessitant conseil et écoute. Ce serait prendre le risque de donner un conseil inadapté.
L’objectif est de décliner la promesse relationnelle sur les canaux digitaux. Cet enjeu repose dans le développement d’une culture et d’un état d’esprit orientés vers le client et son expérience en ligne.
Un déploiement adéquat du digital dans la relation client en Banque Privée aboutit à une meilleure assistance à l’organisation patrimoniale et fiscale du client. La constitution, le développement, la préservation et la transmission du patrimoine doivent être soutenus par un modèle de relation client équilibré entre outils connectés et conseil. Le client peut ainsi obtenir plus de contrôle sur ses biens, davantage d’informations sur ses investissements, tout en mettant en valeur la relation qu’il entretient avec sa banque.
A l’heure où les clients passent de plus en plus d’un mode de gestion libre vers un mode de gestion conseillé voire sous-mandat, le mélange « Human-Digital » devient le socle de la réussite. Le numérique en Banque Privée n’est pas une question de survie mais une stratégie de consolidation de la relation client.