Fermeture d’un compte bancaire lié au terrorisme : où en est-on ?
En 2016, 88% des français s’attendent à ce que la France soit à nouveau victime d’un attentat important. Notre quotidien a changé avec d’abord Charlie Hebdo, puis le 13 Novembre : militaires et policiers positionnés dans les zones d’affluence, fouille des sacs et fouillle au corps à l’entrée de certains évènements…
Mais les dispositifs physiques ne sont pas les seuls déployés. On sait qu’Amedy Coulibali avait financé ses agissements par un crédit à la consommation contracté à hauteur de 6 000 euros, souscrivant avec une assurance décès. Pour certains, les signaux étaient suffisants pour détecter un projet d’attentat. Il est vrai qu’il peut être intéressant de faire de la veille sur ces signaux faibles à priori anodins, qui contextualisés peuvent déclencher une alerte.
Tour d’horizon du financement du terrorisme
On estime le capital de Daesh à 2 260 milliards de dollards : 60% provient de l’exploitation des territoires occupés (blé, orge, pétrole), 30% des extorsions (trafic d’humain, rançons, taxe, trafic d’œuvre d’art qui représente 3000 millions d’euros). Mais ce capital peut aussi provenir de ressources qui s’inscrivent dans la légalité.
Car là où le blanchiment d’argent masque l’origine illégale de capitaux en les injectant dans l’économie légale, le terrorisme finance ses activités criminelles dans des ressources de plus en plus acquises légalement. Et ce grâce à des sommes relativement dérisoires comparé aux dégats causés. Moins de 30 000 euros ont été nécessaires pour financer les attentats du 13 Novembredont l’impact économique s’est chiffré à environ 2 milliards d’euros pour la France : indemnisation aux victimes et commerçants, baisse du tourisme et de la fréquentation des grandes surface, hausse du budget de la sécurité extérieure…
Fermeture d’un compte bancaire lié au terrorisme aujourd’hui
Lorsqu’un individu fait l’objet d’une mesure de gel de ses avoirs, le simple fait de bloquer et déclarer ses virements s’avère compliqué. Geler les avoirs de la personne détectée et non pas de son homonyme, nécessite une analyse. Recueillir les éléments nécessaires pour mener à bien cette analyse prend du temps, c’est pourquoi elle est bien souvent négligée.
L’UE en collaboration avec l’ONU, a fait du gel des avoirs des terroristes une priorité : le renforcement de la legislation et des dispositifs consolide la capacité de la Commission européenne à lutter contre le terrorisme. Depuis 2015, apporter un soutien financier à une action en lien avec le terrorisme est une infraction.
Identifier, surveiller et agir sont les trois objectifs fixés par les gouvernements. Cela passe par l’amélioration des compétences des cellules du renseignement financier et de leur coopération, des registres nationaux centralisés des comptes bancaires et de paiement, et par l’optimisation des systèmes centralisés de recherche de données dans tous les états membres. Désormais les établissements financiers auront par exemple la possibilité d’accéder aux listes de l’ONU répertoriant les individus soupçonnés d’avoir un lien avec une organisation terroriste.
Car aujourd’hui, 90% des données relatives au transfert de fond transitent par le système d’information SWIFT dont les serveurs se trouvent aux USA et en Europe. Une opportunitée peu exploitée en termes de traitement de ces données. Pour assécher le financement du terrorisme, le projet de loi du Ministre de l’Économie et des Finances Michel Sapin prévoit une amélioration des capacités du gel des avoirs et une amélioration de la surveillance des transferts de fond.
Ainsi début 2016, le ministre dresse un bilan de son projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et son financement. Les effectifs de Tracfin sont passés de 94 en 2013 à 138 en 2016, le plafond de paiement en liquide s’abaisse de 3000 à 1000 euros, et tout retrait / dépôt supérieurs à 10 000 euros sur un mois est systématiquement signalé à Tracfin. Le montant des cartes prépayées, dont le rôle lors du 13 Novembre a été prouvé, sera plafonné. Toute opération d’un montant supérieur à 1000 euros entrainera forcément une prise d’identité. De plus, le gel des avoirs s’étend désormais aux biens immobiliers et véhicules.
La France porte donc des propositions concrètes pour faire reculer l’anonymat dans l’économie, surveiller et renforcer les capacités à assécher les flux financiers. Cela grâce à une plus grande capacité à exploiter les données de transferts de fonds internationaux qui passent par le système d’information interbancaire SWIFT. Le débat s’active aussi autour du gel des prestations en provenance de fonds publics.
La lutte contre le financement du terrorisme est au centre des problématiques des politiques et des acteurs de la finance à travers le monde. Si tout le monde s’accorde à dire que des mesures doivent être prises, certains s’inquiètent du futur de nos libertés individuelles.