Banque de demain : dessinons quelques tendances
Le paysage financier poursuit son évolution en se concentrant davantage sur le client et l’expérience qui lui est proposée. Wavestone observe en continu les tendances du secteur pour construire la banque du futur : intelligence artificielle, nouveaux moyens de paiement, accompagnement client de bout-en-bout, opportunités sur le marché des professionnels ou sur l’épargne font partie des pistes évoquées ci-dessous.
L’intelligence artificielle pour une gestion intelligente des finances
Une technologie qui se confirme dans le paysage bancaire
« Nous sommes à l’âge de l’intelligence artificielle (IA), nous pouvons créer des choses qui changent le monde. »
C’est en ces termes qu’Eric Schmidt, Président exécutif d’Alphabet Inc. (la maison-mère de Google, ndlr.), donnait le ton du salon VivaTechnology à Paris en Juin 2017. Caractérisée de « nouvelle électricité » par Andrew Ng — expert mondial de l’IA — cette technologie touche maintenant de nombreux secteurs. L’intérêt grandissant pour l’IA va de pair avec la multiplication des usages qui y sont associés.
Que ce soit pour améliorer l’expérience client en y ajoutant une dose de personnalisation, prédire les comportements des consommateurs grâce au Big Data, répondre à des questions contextualisées ou encore développer une meilleure connaissance client, l’IA devient omniprésente. Stéphane Richard — PDG d’Orange — estime que « l’intelligence artificielle est déjà entrée dans nos vies, de façon presque imperceptible ». L’opérateur a misé sur le robot Watson développé par IBM pour proposer un conseiller bancaire virtuel disponible 24h/24 pour les clients de sa banque mobile Orange Bank. La finance est d’ailleurs l’un des secteurs où l’IA crée le plus de bouleversements. L’émergence des Fintech combinée aux progrès constants de cette technologie représentent une extraordinaire opportunité pour les banques de se réinventer.
Des solutions centrées sur le client et ses besoins
C’est dans ce domaine qu’interviennent des startups comme Personetics, vainqueur du prix « Best of show » lors du Paris Fintech Forum 2017. La startup israélienne allie intelligence financière, maîtrise du langage naturel et capacités cognitives avancées pour offrir une expérience client personnalisée et contextualisée. Ses solutions sont aujourd’hui utilisées par plus de 35 millions de clients via des partenaires bancaires comme BNP Paribas et Société Générale, convaincus par la proposition de valeur de la start-up. Jason Curtis, son directeur commercial en Europe, décrit la solution comme une « plateforme technologique d’intelligence artificielle et d’analyse prédictive qui permet, de façon proactive, de comprendre le parcours du client et de lui proposer des messages pertinents pour l’aider à gérer ses finances et ainsi améliorer sa satisfaction ».
La force de l’intelligence artificielle réside dans sa capacité à toujours plus apprendre les besoins des clients (i.e. à chaque clic) puis à les mémoriser pour personnaliser l’expérience en temps réel, en tenant compte d’éventuels changements. Plus le moteur obtient d’informations, plus il est performant. Cette puissance permet de développer des chatbots de plus en plus complexes, capables d’effectuer des opérations contextualisées et de faire des propositions plus pertinentes. Personnifié et proactif, le chatbot développe une relation privilégiée avec le consommateur en tenant compte des interactions précédentes. La richesse de sa base de données lui permet d’apporter des réponses adaptées en continu et de prédire les besoins futurs. Cet ensemble de caractéristiques contribue à la création d’un lien de confiance et d’un attachement que l’on peut presque qualifier d’émotionnel. Les bénéfices sont alors réels : le client devient plus engagé et n’hésite pas à interagir avec l’entreprise, quel que soit le canal, promouvoir un produit ou un service sur les réseaux sociaux ou via le bouche-à-oreille.
« Selon le cabinet Gartner, les chatbots pourraient représenter 85% des interactions de service client d’ici 2020. »
La ferveur actuelle autour de l’utilisation des chatbots associée à de l’intelligence artificielle est accélérée par les progrès technologiques et les multiples initiatives lancées par des géants comme Amazon, Google et Facebook. A titre d’illustration, les développeurs de Facebook Messenger ont créé plus de 100 000 bots en 2017 (contre 30 000 en 2016, soit une augmentation supérieure à 200% !). Selon le cabinet Gartner, les chatbots pourraient représenter 85% des interactions de service client d’ici 2020. D’autres acteurs comme Datasine tirent profit de l’IA et du Big Data pour enrichir d’aspects comportementaux et psychologiques la segmentation client. Ces profils comportementaux sont utilisés pour, entre autres, adapter les stratégies marketing des banques ou créer des portefeuilles d’investissement personnalisés. Quelle que soit l’étape du parcours du client, la personnalisation est un facteur de différenciation clé pour les banques. L’intelligence artificielle est donc en passe de devenir une technologie fondamentale pour un accompagnement digital individualisé et intelligent, mais également pour répondre à des enjeux tels que la personnalisation de masse, une meilleure compréhension du client ou encore l’enchantement de l’expérience utilisateur.
Le paiement, catalyseur de nombreuses innovations
Les moyens de paiement en soutien à l’évolution de la consommation
Les applications mobiles ne manquent pas quand il s’agit de proposer de nouveaux services et de nouvelles expériences, et le marché des moyens de paiement ne fait pas exception. Des initiatives émergent par exemple au sujet du paiement à plusieurs. Issue de l’accélérateur de startups Le Camping, SharePay rend possible le partage des dépenses en proposant une carte de paiement à laquelle sont associés différents comptes bancaires. Il est maintenant envisageable de partager le paiement du loyer avec ses colocataires ou les frais des prochaines vacances entre amis. D’autres acteurs comme ShareGroop se positionnent sur ce marché en s’intégrant directement aux plateformes de vente des e-commerçants partenaires. Par exemple depuis juillet 2017, des groupes de voyageurs peuvent choisir ShareGroop comme moyen de paiement sur le site d’Air France. L’initiateur de la réservation n’a plus besoin d’avancer le paiement des billets pour les autres voyageurs. Chaque membre peut régler sa part en ligne et bénéficier ainsi de l’assurance rattachée à sa carte bancaire. Il existe donc une réelle volonté de mettre au point des solutions plus simples et innovantes qui répondent à l’évolution des pratiques des consommateurs.
C’est en ce sens que d’autres applications comme LyfPay optent pour l’agrégation de plusieurs services de paiement sur une seule interface. A l’instar de Paylib, solution de paiement mobile développée par plusieurs banques françaises, l’application LyfPay rassemble sept acteurs du monde de la finance et de la grande distribution parmi lesquels Crédit Mutuel ou Carrefour. L’outil tout-en-un permet de payer en magasin, régler ses achats sur Internet, rembourser ses amis ou même réaliser un don à une association tout en intégrant plusieurs cartes de paiement et programmes de fidélité. Ce type de solution représente une aubaine pour les commerçants souhaitant enrichir leur connaissance client, car ils peuvent offrir une expérience plus fluide et proposer plus facilement des recommandations pertinentes, personnalisées et ciblées.
La finance en temps réel : quand le paiement devient instantané
La fluidité de l’expérience passera aussi par les paiements en temps réel. Véritable substitut du paiement monétique, l’instant payment constitue — ni plus, ni moins — un nouveau moyen de paiement. Il s’agit en réalité de virements instantanés entre comptes bancaires. Dès 2018, tout individu pourra émettre et recevoir un virement instantané, et ce à tout moment (24/7). L’argent sera disponible sur le compte du bénéficiaire 10 secondes plus tard. Les autorités européennes (European Retail Payment Board, European Payment Council et European Banking Authority) y voient une façon de soutenir la croissance des échanges économiques entre les états européens. Tout comme les travaux de migration SEPA, la mise en place de l’instant payment requière une harmonisation des pratiques des acteurs du secteur à l’échelle continentale, qui devront se doter des infrastructures nécessaires. Générateur de mutations majeures et profondes de l’écosystème des paiements, cette solution pourrait, à l’avenir, se substituer à la carte bancaire. Carrément ! La tendance du temps réel s’applique justement aussi aux cartes bancaires. À l’image des cartes proposées par certaines néobanques comme N26 et Revolut, plusieurs banques en lignes comme ING Direct développent des cartes bancaires gérables en temps réel depuis une application mobile. Les clients peuvent désormais instantanément visualiser leurs transactions, bloquer la carte en cas de perte ou de vol mais aussi modifier les plafonds de retraits ou de paiements.
L’accompagnement des clients de bout-en-bout dans leur projet : un nouveau défi pour les banques
Les acteurs financiers traditionnels aspirent désormais à devenir le partenaire de vie du client, de l’accompagner durant les événements les plus importants comme un mariage, une naissance ou un achat immobilier. C’est sur ce créneau qu’est positionnée la startup « Cadre de vie ». Spécialisée dans l’immobilier, Cadre de Vie accompagne les internautes dans la recherche de leur futur logement en fonction de points d’intérêts tels qu’une école, un lieu de travail, ou encore selon des temps de trajet. Plus concrètement, il s’agit d’un portail qui offre un accès à 200 000 logements géolocalisés et à des outils de matching entre les souhaits des clients, la réalité du marché et leurs capacités de financement. Cadre de Vie propose différentes API à des entreprises comme BNP Paribas qui cherchent à se positionner plus en amont du parcours d’achat immobilier pour détecter les besoins de financement des clients ou prospects.
L’Open Banking pour accompagner le client et enrichir l’offre de services bancaires
Depuis quelques années, les régulateurs stimulent une concurrence forte dans l’industrie financière. Longtemps perçu par les banques comme une menace, ce mouvement d’ouverture appelé « Open Banking » représente en réalité une opportunité d’être présent tout au long du parcours client et de s’orienter vers une expérience utilisateur personnalisée. Grâce aux API, l’Open Banking offre aux banques la possibilité de construire des plateformes de services bancaires et d’accroître la distribution de ces services avec un enjeu déterminant : conserver la relation avec les clients ! À travers ce modèle de plateforme de services, les clients ont désormais accès à tous les produits et services bancaires, indépendamment de l’entité qui les fournit (Fintech ou banque traditionnelle).
Il est évident que les solutions innovantes prolifèrent et éveillent la curiosité des clients. Des clients qui recherchent à la fois des frais moindres et un écho à leurs valeurs personnelles dans celles défendues par l’entreprise qui propose le service. Les banques ont donc un fort intérêt à se rapprocher des innovateurs afin de construire un écosystème de solutions à inscrire dans le parcours de leurs clients. Pionnier, le Crédit Mutuel Arkea a mis en place une réelle démarche d’open innovation pour accélérer la digitalisation de ses produits, services et expérience client. La banque construit un véritable écosystème d’acteurs innovants avec notamment Linxo (voir ci-après) pour imaginer de nouvelles offres. D’ailleurs, en mai 2017, Crédit Mutuel Arkea a annoncé le lancement imminent de sa propre Fintech prénommée « Max ». Développée en interne, Max permettra aux clients d’accéder à un panel de services de banque et assurance, de conciergerie et de conseils personnalisés. Il semble de plus en plus évident qu’en travaillant ensemble, les banques et les Fintech pourront innover plus, et plus rapidement.
Du côté des Fintech, des startups comme Linxo développent également des briques technologies sous forme d’API qu’elles mettent à disposition des banques traditionnelles. Initialement agrégateur de comptes, Linxo propose aux banques telles que HSBC ou BforBank d’utiliser sa marketplace Linxo Connect. Ainsi, les clients des banques peuvent souscrire à des nouveaux services comme Grisbee qui fournit des conseils financiers sur-mesure. Une manière pour la banque de se repositionner sur le parcours client et de proposer les meilleurs services à tout moment.
Des opportunités sur le marché des professionnels et de l’épargne émergent doucement en France
Le marché des professionnels, jusqu’ici moins bien servi, est de plus en plus dynamique en termes d’innovation. Outre-Atlantique, c’est le modèle du « one-stop-shopping » qui s’impose. Des entreprises comme Intuit proposent aux professionnels une multitude de services pratiques et efficaces. Avec presque 5 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2016, l’entreprise a développé un véritable écosystème de services innovants parmi lesquels on retrouve des solutions phares telles que Quickbooks, un service de gestion et de facturation, Turbotax qui facilite le remplissage des déclarations d’impôts ou encore le portefeuille ProConnect, un ensemble de services fiscaux pour les comptables.
Sur un marché français en retard, la banque a l’opportunité de se positionner en partenaire du développement des professionnels et de maintenir une relation client de qualité. Elle a l’occasion de repenser les offres au-delà des produits et services génériques et d’appliquer le modèle de la plateforme bancaire. Ce modèle ouvre à coup sûr le champ des possibles en permettant par exemple de proposer aux clients des services intuitifs comme Payfit. Créée en 2016 avec l’intention de faciliter la gestion des fiches de paie pour les PME, la startup a étoffé son portefeuille de fonctionnalités en proposant de nombreux services financiers et RH. Les 600 clients de Payfit mettent un espace dédié à disposition de leurs collaborateurs pour gérer les notes de frais, les congés et les absences. Ils utilisent également cette solution pour éditer leurs déclarations sociales de manière automatique. Avec plus de 19 millions d’euros levés, la startup sera en mesure de déployer son offre dans toute l’Europe très rapidement.
Concernant l’épargne, les Fintech accélèrent pour proposer des moyens indolores de mettre de l’argent de côté. Alors que la startup Piggou arrondit les sommes réglées par carte bancaire, HiBruno s’appuie sur Facebook Messenger pour analyser les habitudes de dépenses de l’utilisateur et l’aider à épargner à son rythme. Aux Etats-Unis, Acorns arrondit, elle aussi, chaque dépense au dollar supérieur et place la différence sur un portefeuille d’investissement. Côté européen, la startup londonienne Plum utilise de l’intelligence artificielle pour déterminer le montant à mettre de côté en fonction des dépenses quotidiennes de l’utilisateur.
« Les banques ont l’opportunité de rendre l’épargne plus simple pour tous et ainsi attirer une cible plus large de clients. »
En France, ce mode d’épargne sans contraintes, mobile et quasiment transparent se démocratise très lentement. En effet, l’épargne demeure un produit compliqué et réservé à une population plus initiée. De plus, les consommateurs restent très attachés aux formats classiques d’épargne (livret A ou assurance-vie, par exemple). Tout comme HiBruno s’appuie sur différents canaux de communication (notamment Messenger) pour accompagner les clients dans l’acte d’épargne, les banques ont l’opportunité de rendre l’épargne plus simple pour tous et ainsi attirer une cible plus large de clients.
La banque de demain prend forme sous nos yeux ! L’intelligence artificielle devient la technologie incontournable pour accompagner le client dans son parcours avec le support de chatbots de plus en plus prisés. Le secteur du paiement, quant à lui, poursuit son évolution. De nouveaux moyens de paiements continuent de voir le jour en s’adaptant toujours plus aux comportements des consommateurs. C’est dans ce contexte que le rôle de la banque évolue progressivement vers un accompagnement client de bout en bout, parfois bien au-delà des offres bancaires traditionnelles. L’une des façons d’y parvenir est de s’ouvrir à l’écosystème d’innovation en mettant en place des plateformes bancaires de services internes et externes.