Banque – Startups : une relation en mouvement #1 Le financement des startups
Cet article est le premier volet d’une série traitant de la relation entre les banques et les startups. Alors que l’esprit entrepreneurial est de plus en plus présent en France, il est temps pour les banques de se pencher davantage sur les jeunes pousses d’aujourd’hui.
Le présent article apporte un éclairage quant au rôle des banques dans le cycle de financement des startups et montre en quoi ces dernières tendent à évoluer pour mieux s’adapter aux jeunes entreprises.
Cycle de financement des start-up : la place des banques
Il est difficile de poser une définition claire et partagée d’une startup, il en existerait d’ailleurs presque autant que de startups elles-mêmes. Afin de s’y retrouver, les acteurs du financement des jeunes entreprises partagent une segmentation simple fondée sur leur stade de développement.
Le premier de ces stades est celui du Love Money, alors même que la startup est en gestation, l’entrepreneur reçoit généralement des fonds de la part de son entourage principalement.
Vient ensuite la phase d’Amorçage au cours de laquelle il est question de réaliser une première version du produit ou service proposé et d’en tester la pertinence. Les Business Angels ou des acteurs institutionnels tel que BPI France interviennent à ce stade.
Suit la phase de croissance, au cours de laquelle la jeune entreprise est réellement lancée à la conquête de son marché et éprouve son business model. C’est la phase qui intéresse le plus les capital risqueurs car, tout en étant un peu plus sure que les phases précédentes, elle promet, si l’entreprise croit fortement, des retours sur investissements maximisés.
Enfin, le stade suivant est celui du développement : l’entreprise fait fructifier son activité. Des fonds moins risqués ou encore le marché interviennent alors pour financer l’entreprise. Plus stable, l’entreprise est également plus à même de convaincre les banques de leur accorder des prêts
Au premier abord, les banques ne semblent donc pas très présentes dans ces différents stades de vie des jeunes entreprises ou du moins interviennent à un niveau de maturité plus avancé. Mais alors quelle est leur place dans le financement des startups ?
Les banques ont manifestement un rôle à jouer. Les startups on en effet un fort besoin de capital, et donc de se financer, notamment sous forme de prêt bancaire. Néanmoins, il est compliqué pour de jeunes entreprises au profil risqué de se voir octroyer un prêt. Pour se prémunir du risque que représente les startups, les banques ont souvent besoin de garanties ; savoir que des capital-risqueurs sont engagés et prêts à investir est par exemple un plus. De leur côté, les capital-risqueurs, eux aussi sont à la recherche de garanties, sont rassurées lorsque ils constatent que des banques sont déjà engagées auprès des startups en question. Les entrepreneurs se retrouvent donc souvent pris dans un cercle vicieux ou personne ne s’engage à leur côté, personne n’osant faire le premier pas.
Deux modèles radicalement différents, une incompréhension (longtemps) partagée.
En mars 2015 Le guide des Bonnes Relations Banques Startups, livre blanc à l’initiative de France Digital et du Crédit Mutuel Arkéa, met en exergue un constat simple : il y a une incompréhension mutuelle entre les entrepreneurs et les banquiers. Et pour cause, d’un côté d’importantes structures avec une organisation formalisée, de l’autre de petites entités innovantes à l’organisation en gestation et toujours mouvante : tout semble les opposer jusque dans leur modèle.
Pour comprendre cette opposition, la notion de risque est une notion clef. Du côté des banques, la gestion des risques est essentielle ; les exigences de solvabilité et de liquidité font l’objet d’une réglementation toujours plus rigoureuse. Du côté des startups, le risque et l’instabilité font partie du quotidien et la capacité à se remettre en cause, pour éventuellement « pivoter », changer de business modèle, est vitale.
Conscientes du potentiel de croissance des startups, les banques expriment tout de même une véritable volonté d’accompagner l’innovation. D’ailleurs, les chiffres 2010 de l’INSEE sur la question nous apportent un éclairage inédit : 33% des entrepreneurs ont recours à l’emprunt bancaire. Elles sont donc de fait un acteur majeur, bien que discret, du financement des startups. En comparaison, le capital-risque, qui a investi près de 759 millions d’euros au premier semestre 2015, ne répond au besoin de financement que de très peu de startups « élues », 244 en tout pour le premier semestre 2015, et moins de 10% pour l’année 2010.
Financement du bas de bilan, forme de financement bancaire privilégiée des startups.
Les banques financent majoritairement les startups par le prêt, le financement par la dette évite aux entrepreneurs de diluer leur capital auprès d’investisseurs extérieurs et de conserver ainsi le contrôle de leur entreprise. Le prêt bancaire suppose néanmoins de respecter un échéancier de remboursement bien précis et donc d’assurer une activité un minimum pérenne en vue de ce remboursement, ce qui n’est pas toujours le cas.
Le prêt bancaire est considéré comme une forme de financement peu risquée. L’analyse de l’activité selon une grille d’évaluation est préalable à l’octroi du crédit pour limiter le risque de défaut de paiement. Pour les startups, cela constitue bien souvent un problème compte tenu de l’inadéquation entre la grille d’évaluation ; qui analyse l’historique de la société, calcul des ratios de rentabilité, et les startups évaluées ; dépourvues d’historique, dont la valeur se calcule d’après des prévisions financières et dont le business modèle est incertain.
Conscient de cet écart, le secteur bancaire commence à s’adapter à ces clients un peu particuliers. Ainsi, la Banque Populaire a récemment mis en place un crédit dédié à l’innovation, Innov&Plus, garanti à 50% par le Fonds Européen d’Investissement en cas de pertes. La Caisse d’Épargne a quant à elle élaboré une nouvelle grille d’évaluation pour l’octroi des prêts, davantage fondée sur l’analyse des prévisions financières, de l’équipe entrepreneuriale et de l’opportunité saisie, s’inspirant des analyses menées par les capital-risqueurs.
Financement du haut de bilan, l’intérêt des banques pour accompagner le développement des startups.
Les banques vont plus loin. Elles s’intéressent de plus en plus au financement des startups en fonds propres. Soit en passant par un fonds d’investissement, dans lequel elles investissent ou qu’elles créent, soit en investissant directement dans les startups.
Plus risquée, cette activité de haut de bilan est également plus adaptée au financement des startups. Cela permet aux banques de devenir des partenaires de choix des entrepreneurs, comme le sont les sociétés de capital-risque.
En 2010, Crédit Mutuel Arkéa a ainsi participé à la création d’ISAI, le fonds d’investissement « des entrepreneurs Internet » et en septembre 2015, la banque a acquis 86% de la startup fintech Leetchi pour pas moins de 50 millions d’euros. En 2015 encore, BNP Paribas a investi près de 15 millions d’euros dans près de 11 fonds d’amorçage, notamment chez Partech Venture, ex-filiale du groupe et société de capital-risque reconnue en France. La Banque Postale a quant à elle lancé son propre fonds d’amorçage et développement, XAnge Private Equity, et ce dès 2004.
La relation entre les banques et les startups ne date pas d’hier mais elle connait aujourd’hui un véritable renouveau du point de vue du financement. Les banques s’intéressent de plus en plus à l’éco système entrepreneurial et font de plus en plus d’efforts pour répondre au besoin de financement par le bas et le haut de bilan des startups.
Nous assistons à un tournant dans cette relation entre banques et startups. En effet, de nombreuses initiatives favorisant une synergie entre le secteur bancaire et le monde entrepreneurial voient le jour comme nous le verrons à l’occasion d’un prochain article.