Comment les banques prennent elles en compte le risque climatique ?
Les activités humaines sont à l’origine d’un accroissement de l’effet de serre qui se traduit par un réchauffement de la température à la surface de la terre. Les effets de ce réchauffement climatique se font de plus en plus sentir, et poussent les autorités publiques ainsi que les institutions internationales à agir et encourager des politiques de lutte contre ce réchauffement. Du fait de ces origines et ses conséquences, le réchauffement climatique est au cœur des enjeux économiques de notre époque. Du développement des énergies renouvelables à la lutte contre la déforestation, le futur de nos économies sera inexorablement façonné par notre réponse à l’enjeu climatique
Parce qu’elles sont au cœur de notre système économique, les banques semblent incontournables dans la lutte contre le réchauffement de la planète. En effet en tant que détenteurs de capitaux et intermédiaires, elles sont essentielles dans cette lutte qui dépend grandement de l’allocation des ressources.
La température monte au sein des institutions financières.
Face aux conséquences de plus en plus visibles du réchauffement climatique, les institutions financières surveillent de très prêt et favorisent plus que jamais les initiatives de réduction de l’utilisation du carbone ainsi que le développement d’infrastructures vertes.
En effet, les risques, les opportunités liés au changement de température de la planète, à la déforestation et à la réduction des énergies fossiles sont de plus en plus clairs à établir et quantifier, ce qui incite les banques à investir et soutenir des secteurs verts porteurs et durables. Ainsi les investissements en énergies renouvelables ont augmenté de plus de 17% en 2014 pour atteindre plus de 250 milliards d’euro en 2015, selon le rapport annuel du programme des nations unies pour l’environnement (PNUE)
L’entrée dans la transition énergétique encourage les banques à innover et profiter des opportunités de ces nouvelles évolutions. À l’image de la Banque Postale et du Crédit Agricole qui sont en têtes du classement des banques françaises en termes de stratégie RSE (selon une étude Xerfi) et proposent à leur clientèle un panel de produits et services éco-responsables (éco-crédit à taux zéro pour la banque postale et Tookam la banque en ligne éco-responsable du crédit agricole)
Gestion d’actifs : décarbonisation des portefeuilles
La gestion d’actifs est l’activité où le réchauffement climatique est le plus en plus pris en compte notamment en Europe où les principales sociétés de gestion d’actifs ont saisi l’opportunité que représente les investissements en stocks et fonds bas carbone.
De plus en plus de fonds et investisseurs institutionnels à l’image de BT Pension Scheme au Royaume Uni et FRR en France, ont décidé de réduire ou de supprimer l’emprunte carbone dans leurs portefeuilles en l’intégrant à la décision d’investir. L’idée consiste à ne sélectionner que les compagnies dont les émissions de gaz sont moindres dans leurs industries afin de réduire l’emprunte carbone dans leurs portfolios tout en continuant à maintenir le niveau de diversification sectorielle dans les investissements.
D’autres ont préféré plutôt désinvestir des secteurs qui ont une émission de carbone forte tels que les compagnies d’extraction de charbon etc. Ainsi le Fond Souverain Norvégien applique cette politique suite à une décision du parlement en mai 2015, ou Axa qui a décidé de désinvestir dans le charbon en en vendant plus de 500 millions d’actifs.
Enfin, les investisseurs souhaitent réduire leurs investissements dans les énergies fossiles ou émettrice de gaz à effet de serre. Cette tendance se voit à travers le développement d’index Fossil Free indexes qui permettent aussi à ceux qui optent pour une stratégie d’investissement passive d’incorporer les considérations climatiques dans leurs portfolios.
Le financement de projet, un enjeu majeur dans la lutte contre le réchauffement climatique
Qu’il s’agisse de financement de projets professionnels ou particuliers, les banques sont de plus en plus enclines à financer des projets dit « verts » et augmentent ainsi leur participation à une économie durable. Ce financement se fait à plusieurs échelles et concerne en Europe le secteur de l’énergie essentiellement. Ainsi, si en Allemagne la banque KfW, a mis en place avec la Commission Européenne, le programme – ELENA qui s’allie aux collectivités locales pour financer la rénovation thermique des logements et structurer une économie locale autour de cette problématique, en France, le développement des énergies renouvelables est encouragé par l’établissement de partenariat entre grands groupes et institutions financières. À l’instar de Domofinance la joint-venture entre BNP Paribas Personal Finance et EDF, qui a financé plus de 440 000 dossiers de rénovation énergétique de logements depuis 2003.
Ce financement de projets verts s’accompagne aussi d’une réduction affichée du financement des industries lourdes et des énergies fossiles. La Société Générale en France a décidé de doubler son financement dans les énergies renouvelables d’ici 2020 tout en arrêtant de financer le développement de mines de charbon et centrales thermiques au sein des pays riches de l’OCDE.
Conscientes des enjeux mais aussi de l’opportunité que représente la lutte contre le réchauffement climatique, les banques ont aussi adopté des politiques sectorielles exigeantes afin de réduire l’impact carbone tout en améliorant l’efficacité énergétique. Ces décisions passent notamment par des investissements en infrastructures durables, gestion des déchets et viabilisation des réseaux dont beaucoup de pays émergents manquent encore.
Les greens covenants, un outil essentiel mais encore peu utilisé dans la lutte contre le réchauffement climatique
Les covenants sont des contrats qui permettent de protéger les prêteurs en imposant certaines conditions sur le prêt octroyé ou sur la situation financière du débiteur. Aujourd’hui, les covenants ne prennent pas assez en compte les risques climatiques et restent trop centrés sur l’aspect financier des entreprises malgré les conséquences directes que peut avoir le réchauffement climatique sur la capacité de remboursement des entreprises.
Les green covenants, qui prennent en compte les risques liés au réchauffement climatique, restent peu communs, même si certains pays ont déjà franchi le pas, notamment en Chine où ont été lancé les crédits verts par le SEPA (State Environnement Protection Agency) qui empêche les entreprises ne répondant pas aux normes environnementales d’obtenir des prêts bancaires.
Le green covenant peut être un outil puissant pour la lutte contre le réchauffement climatique puisqu’il empêche l’accès au financement aux entreprises polluantes ou ne respectant pas les normes environnementales.
C’est la raison pour laquelle, la transition énergétique engagée par la France par exemple, encourage les entreprises à prendre en compte les risques financiers liés aux conséquences du réchauffement climatique tout en demandant aux banques de prendre en compte le risque climatique dans l’octroi des crédits et la gestion de leurs portefeuilles.
Une réponse encore timide face à des opportunités multiples
Institutions internationales comme organisations non gouvernementales s’accordent pour dire que les réponses apportées pour la lutte contre le réchauffement climatique sont très insuffisantes aux vues des enjeux. Le manque de régulation et de soutien de la part des autorités publiques explique en grande partie ce constat. En effet, les réglementations prudentielles en vigueur ne donnent pas assez de place aux risques environnementaux et ce malgré les appels de la Banque Mondiale, et les nombreuses initiatives de cette dernière . Les initiatives de lutte contre le dérèglement climatique émanent en général des banques elles-mêmes (green covenants, financement de projets verts etc.) et ne sont pas contraignantes à l’image des principes de l’équateur. Quant à la lutte contre le risque systémique, elle ne contient pas encore la prise en compte des risques environnementaux.
En tant qu’acteur essentiel de notre vie économique, les banques ne sont pas assez encouragées et les politiques d’incitations à l’échelle mondiale restent très faible malgré les coûts des effets du réchauffement climatique sur les communautés. En effet, la discussion entre états reste difficile et les intérêts de chacun rendent la prise de décisions effectives à grande échelle presque impossible.