Banques mutualistes en France : les clés de la sortie de crise
Alors qu’aux États-Unis, la crise des subprimes a joué un rôle prépondérant dans le développement des banques mutualistes, ces institutions bancaires marquent le paysage économique Français depuis le milieu du 19ème siècle. Dans un pays doté d’une forte culture agricole, artisanale et commerçante, ces banques ont vu le jour avec l’objectif premier de donner accès aux crédits à tous les métiers qui en étaient exclus auparavant.
À l’instar des banques nationales classiques, le « sociétaire » des établissements mutualistes n’est pas un simple usager : de par son statut de « client », il est en partie propriétaire de sa banque mutualiste. Il participe à la gouvernance selon le principe « un client égal une voix », et non plus une action égale une voix. Chaque établissement mutualiste ouvre une partie de son capital à ses clients. La seule façon de devenir sociétaire est d’acheter des parts sociales de la banque. Les bénéfices sont partagés et redistribués sous forme de dividendes et de taux d’intérêts réduits.
Nos voisins outre-Atlantique n’ont pas été les seuls touchés par la crise des subprimes démarrée en 2008. Les conséquences ont été mondiales et le système bancaire Français a lui aussi vacillé. Il est donc intéressant de comprendre en quoi le modèle mutualiste représente une force pour faire face à une crise d’une telle ampleur. Nous verrons ensuite quels sont les défis à relever pour tirer définitivement un trait sur ces années noires et envisager un futur plus serein en pérennisant le fonctionnement mutualiste.
Un modèle mutualiste bien implanté dans l’hexagone
Aujourd’hui, sur les sept grands réseaux bancaires Français, quatre sont des banques mutualistes : Le crédit Agricole, le crédit mutuel et le groupe BPCE regroupant la Banque Populaire et la Caisse d’épargne. Ces dernières années, le système mutualiste semblait attirer et fidéliser une clientèle Française pourtant exigeante, et devançait en 2013, les banques dites « classiques » en termes d’image.
Une meilleure répartition des risques
Les banques nationales sont très présentes sur le marché des grandes entreprises. En période de crise, lorsque les marchés financiers s’effondrent, celles-ci subissent le choc de plein fouet et cela se répercute sur les établissements bancaires pourtant perçus comme solides au départ.
Les banques mutualistes, à l’inverse, possèdent un fort ancrage dans la banque de détail sur les marchés des particuliers et des petits professionnels. L’onde de choc en temps de crise est donc plus faible pour ces banques, qui ont pu se recentrer sur la banque de proximité. S’éloigner ainsi des produits à risque leur a permis d’assainir leur bilan et de garder la tête hors de l’eau.
Une indépendance capitalistique salvatrice
L’investissement, la recherche et le développement ainsi que l’innovation sont des éléments clés pour relancer la croissance, notamment après une crise. Or, dans un système financier pro-cyclique et régulé par des normes toujours plus contraignantes, les entreprises privilégient souvent les investissements de court-termes, délaissant les investissements plus long-termistes et souvent plus rentables. Les banques mutualistes possèdent encore une fois un atout non négligeable dans ce schéma : par nature, elles sont moins dépendantes des résultats à afficher vis-à-vis de leurs actionnaires et sont moins sensibles aux fluctuations des marchés boursiers. Leur objectif n’étant pas de maximiser leur rentabilité à tout prix, elles peuvent jouer sur la durée et privilégier les investissements de moyen à long terme et avoir ainsi un avantage sur leurs concurrentes.
Les défis de l’avenir : une transformation inévitable ?
Ces atouts pour outrepasser la crise ne sont pas suffisants pour répondre aux enjeux de l’avenir, les banques mutualistes vont être amenées à se transformer et à faire face à de nouveaux défis.
Le défi numéro 1 est celui de la « Glocalité ».
Contraction de « Global » et de « Local », ce néologisme peut aussi être illustré par la célèbre expression de René Dubos : « Think global, Act Local ». L’enjeu local tout d’abord, passe par une décentralisation des banques afin de prendre en compte les réalités du terrain et d’insuffler un élan de souplesse aux institutions bancaires. Sur ce point, les banques mutualistes ont déjà de l’avance. Grâce encore une fois à leur maillage régional et à leur fort ancrage dans la banque de détail, elles profitent d’une relation client de proximité doublée d’une analyse des risques performante.
Au niveau Global cependant, l’internationalisation est indispensable. Les banques, qu’elles soient mutualistes ou non, doivent avoir une taille suffisante pour être un acteur mondial, et être ainsi en mesure d’assurer leur pérennité.
Le second défi est celui de la digitalisation
Le secteur bancaire est en pleine mutation et au même titre que les organismes bancaires classiques, les banques mutualistes doivent amorcer le virage du digital, sous peine de se retrouver devancées par leurs concurrentes. Loin d’envisager une banque 100% en ligne , les clients, qu’ils soient sociétaires ou non, sont dans l’attente d’outils et de services innovants, capables de répondre et de s’adapter à leurs nouveaux besoins. Les relations physiques de proximité ne suffisent plus à attirer et fidéliser des clients qui veulent pouvoir accéder à une majorité de services à distance sur une multitude de canaux différents. Le mutualisme doit se réinventer à l’ère du digital.
Le troisième défi est celui de la précarité.
Par nature, le système mutualiste segmente les clients : rappelons-le, son objectif principal visait à cibler une partie bien précise de la population, à la marge des circuits classiques de financement. Cette segmentation, parfois réductrice et contraire à l’idée de diversification des risques, a l’avantage de permettre une meilleure gestion des aléas de chaque catégorie. Rassembler tous ses œufs dans un même panier accroît le risque certes, mais ce dernier est alors bien mieux maitrisé. Les banques mutualistes possèdent toutes les clés pour faire émerger des niches de clientèle durables dont le risque est mesurable. Le marché des personnes âgées par exemple, via les assurances dépendance et décès, illustre un segment à fort potentiel au vue de l’augmentation de l’espérance de vie.
Pilier de notre système depuis plus de deux siècles, les banques mutualistes ne sont pas prêtes à quitter le paysage bancaire français. Leurs atouts en temps de crise bancaire sont indéniables. Il leur reste encore à relever les défis qui leurs font face pour s’assurer un avenir serein.