Et si la citation de Jean-Jacques Rousseau « L’Homme naît bon, c’est la société qui le corrompt » était vraie ?

Lorsqu’on analyse les derniers scandales financiers, tout se limite simplement à une question de comportements et de conduite des affaires. Ces gestes ont de multiples motivations, de la simple erreur ou l’omission de transparence à la recherche de profit motivée par quelques avidités. Mais que faire de cet homme, originellement bon, mais dont les gestes peuvent être déterminés par différents facteurs opposés aux nouvelles aspirations de conformité ?

L’essence même de cette éruption de régulation est de fonder un cadre réglementaire omniprésent et surtout efficace qui saurait contrer les comportements humains frauduleux.

Une théorie de la régulation efficace de la finance doit se fonder sur le postulat lucide de l’invariance de la nature humaine en général et de celle des dirigeants d’établissements financiers en particulier (voir sur ce point les derniers apports de la psychologie évolutionniste). Il est peu probable que celle-ci évolue significativement au cours des prochaines décennies… Il n’y a d’ailleurs pas lieu de s’en lamenter car la cupidité des acteurs a toujours été et restera un des moteurs les plus puissants du progrès capitaliste.

« Quelle régulation financière pour le XXIe siècle ? », Éric Pichet, le cercle les échos, mars 2012 – Éric Pichet

Depuis la crise de 2008, les différents acteurs du monde de la finance s’activent et investissent pour rendre leurs contrôles internes et leurs divisions de conformité capables de faire face à un flux massif de réglementations.

Au sein de ces établissements, les formations et les procédures se multiplient au rythme des différentes réglementations. Des campagnes de communication et de sensibilisation sont menées et adaptées aux différents métiers avec pour seul mot d’ordre : « Tous responsables ».

Aujourd’hui, cette vague législative ne faiblit pas et les établissements s’empressent d’adapter leurs procédures aux prochaines réglementations (MIF2, DDA, PRIIPS, GDPR) prévues pour l’année 2018.

Et si le fondement, l’application et le succès de ces différentes réglementations dans le temps, se trouvaient ailleurs que dans des communiqués, formations ou procédures ? Après des années de formalisme, ne serait-ce pas le moment de créer et diffuser une réelle culture conformité à travers l’ensemble des lignes métier des établissements financiers ?

Les comportements au centre de la démarche conformité

Le changement : Une approche qualitative…

De l’autre côté de la manche, le concept du Conduct Risk a émergé en 2013 et s’est définitivement installé à la table du régulateur.

En France, l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) a donné sa définition du Conduct Risk : « Le Conduct Risk peut se définir comme le risque encouru par les clients (consommateurs, entreprises, autres institutions, etc.), les institutions financières ou, de façon plus globale, par les marchés, du fait des comportements inappropriés d’un ou plusieurs acteurs des secteurs de la banque ou de l’assurance, qu’il s’agisse d’une institution financière ou de ses personnels ».

Même si le Conduct Risk ne dispose pas à l’heure actuelle d’une définition définitive, à part celle que tendent difficilement à lui octroyer les différents acteurs au regard de la nature de leurs activités, il se présente comme l’institution des usages dans le cadre d’une culture de conformité indubitable.

La diffusion d’une culture de conformité est un facteur essentiel dans la maîtrise du comportement des acteurs dans la conduite des affaires, et joue donc un rôle de premier plan dans l’atténuation du Conduct Risk. L’idée est d’apprécier et contrôler le risque de comportement en évaluant la différence entre le comportement attendu et la réalité.

Le Conduct Risk est aujourd’hui axé vers la protection de l’intérêt légitime du client. Une problématique de transparence des affaires appréciée des régulateurs qui est à présent évoquée sous une approche qualitative.

…axée sur la protection de la clientèle

Aujourd’hui, la réflexion sur le Conduct Risk se fonde principalement sur la protection et le traitement équitable de la clientèle.

En effet, le concept du Conduct Risk tend à garantir la transparence et la livraison d’une prestation individualisée qui respecte les attentes et le profil du client.

La protection de la clientèle est un sujet qui comprend plusieurs processus. Le Conduct Risk va couvrir ces processus afin d’établir une liste des bonnes pratiques pour que chaque situation puisse être traitée en toute intégrité.

L’intention du Conduct Risk est d’améliorer la communication multicanale (brochure commerciale, publicité, annonce internet, discours de vente) adressée au client afin de garantir une information claire et précise. La finalité est d’éviter le caractère trompeur de l’offre souvent associé à une ligne du contrat ou à un risque lié à un produit. A ce titre, le devoir de conseil sera aussi renforcé pour garantir cette protection due au client.

De manière générale, l’ensemble des pratiques commerciales seront revues sous l’œil du Conduct Risk. Ceci devra faire l’objet d’un recensement des potentiels risques de comportement à chaque étape de la relation entre l’établissement financier et son client.

Bien que les discussions se concentrent autour du secteur financier, les problématiques de Conduct Risk se retrouvent également dans d’autres secteurs, telle que l’industrie. Le scandale Volkswagen s’inscrit directement dans ce sujet du risque du comportement.

L’intégrité au cœur de la conduite des affaires

Une action sur l’ensemble des lignes métier initiée par le Top Management

En tant que concept linéaire, le Conduct Risk comprend une large variété de comportements. Son appréciation doit se retrouver durant toute la vie d’un produit ou d’un service. Cela démarre par l’établissement d’une gouvernance raisonnée du produit :

Toutes ces étapes peuvent être assujetties à un risque de comportement intentionnel, ou non-intentionnel, pouvant mettre à mal le traitement équitable d’un client.

Etablir les exigences du Conduct Risk et sa mise en place vont également dépendre du comité de direction de la structure. Un comité attentif et sensible aux exigences du Conduct Risk sera logiquement plus enclin à œuvrer contre ces risques de comportement.

Le comité sera également le principal initiateur de la culture de conformité. Le Top Management est en effet chargé de diffuser cette démarche par des relais qui eux, insuffleront cette culture de conformité aux différents niveaux de l’organisation. Cette prise de conscience représente la condition sine qua none à une prévention efficiente du risque de comportement.

Une prise de responsabilité au service des bons comportements

Le Conduct Risk implique 4 dimensions :

  • Garantir un discours clair et la transparence à l’attention et dans l’intérêt du client
  • Prendre ses responsabilités concernant les risques encourus pour chacun de ses faits et gestes
  • Remonter les alertes en étant réactif et sans hésitations
  • Identifier les risques de conformité liés aux différentes activités (diffusion de la culture de conformité)

Le principal attribut du Conduct Risk est d’inculquer un sens des responsabilités. C’est par cette voie que les collaborateurs seront enclins à évaluer les risques de comportement pour chacune des situations lors d’une relation d’affaire.

A cet égard, les experts en conformité évoquent l’utilisation d’outils permettant de communiquer et prouver le recours à un comportement adapté et intègre en ligne avec la culture de l’entreprise.

Mesurer et contrôler le Conduct Risk peut poser certaines difficultés compte tenu de sa nature qualitative. Les différents acteurs réfléchissent actuellement sur la mise en place d’indicateurs sur l’ensemble des activités et des étapes pouvant faire l’objet d’un risque du comportement.

Cette réflexion sur le Conduct Risk et tout le travail qu’il apporte avec lui sera un vecteur pour atténuer le risque de réputation et rétablir la confiance dans un secteur qui attise encore aujourd’hui, une grande méfiance.