COP 22 : où en sont les banques ?
Le 22 avril 2016, 175 parties signaient l’accord de Paris lors de la cérémonie d’ouverture à la signature, au siège des Nations Unies à New York, record pour un accord international. La France, en tant qu’hôte de la COP 21, a été le premier pays signataire. Moins d’un an après son adoption en décembre 2015, le traité de Paris est entré en vigueur en novembre 2016 suite au seuil minimum atteint de 55 pays représentant au moins 55% des émissions mondiales de gaz à effet de serre en octobre dernier.
La COP 22 sera donc la concrétisation et l’application de l’accord de Paris clôturant la COP21 et dont l’objectif est de maintenir l’augmentation de la température mondiale en dessous de 2°C, en poursuivant les efforts afin de limiter cette hausse à 1,5°C.
Des engagements croissants depuis la COP21
Les banques ont divers intérêts à participer elles aussi à la lutte contre le dérèglement climatique. Celui-ci a un impact réel sur la valeur de leur portefeuille. En effet, le financement de centrales à charbon est un engagement sur 40 ans, ce qui ne sera peut-être plus rentable, voire inexistant, dans plusieurs années. De plus, les ISR (Investissement Socialement Responsables) prenant en compte les critères ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance) sont en hausse. Leurs encours sur le marché français ont atteint près de 746 milliards d’euros en 2015, avec une progression du marché de 29% entre 2014 et 2015. Enfin, la pression de la société civile et des ONG étant de plus en plus forte, la réputation et l’image des banques entre en jeu. L’indicateur de l’empreinte carbone devient donc un élément de différenciation. Depuis la COP 21, les banques sont allées plus loin dans leurs changements.
Natixis avait déjà renoncé à financer des centrales électriques au charbon et des mines de charbon thermique dans le monde entier en octobre 2015. Fin 2015, les énergies renouvelables représentaient près de 65 % de ses financements effectués dans le secteur de l’électricité. La Société Générale avait décidé l’année précédente de cesser de financer des projets de développement de mines de charbon et de centrales thermiques à charbon dans les pays de l’OCDE à revenus élevés. Depuis, la Société Générale et le Crédit Agricole élargissent leurs actions et vont cesser de financer des centrales à charbon dans le monde entier.
La Société Générale compte également renforcer son engagement envers les énergies renouvelables en développant leur financement. En 2015, elle avait annoncé le doublement des financements de projets dans le secteur des énergies renouvelables grâce à une enveloppe de 10 milliards d’euros.
Cependant, BNP Paribas reste la seule banque française à ne pas avoir mis un terme à ses soutiens directs aux centrales à charbon.
La BEI (Banque Européenne d’Investissements) a elle aussi un rôle à jouer contre le dérèglement climatique. Jonathan Taylor, vice-président de la BEI et chargé de l’action en faveur du climat et de l’énergie, a déclaré le 12 novembre lors d’un communiqué de presse durant la COP 22 que « les banques publiques comme la BEI, la banque de l’UE, ont un rôle primordial à jouer dans la mise au point de produits et d’instruments qui encouragent et maintiennent les flux de capitaux privés vers des projets respectueux du climat. ». C’est donc avec cette idée que la BEI, principal bailleur de fonds multilatéral pour le climat, fournit des fonds pour financer des projets d’action pour le climat à long terme, un des quatre domaines d’actions prioritaires fixés par celle-ci, au sein de l’UE mais également au-delà de ses frontières. L’engagement de la BEI est lui aussi croissant. En 2015, environ 27% de prêts ont été consacrés à l’action climatique. D’ici à 2020, la banque compte consacrer 35% de ses prêts globaux pour des investissement dans le climat dans les pays en développement.
Enfin, les Green Bonds se développent comme un instrument de mise en œuvre de l’accord de Paris. Le 9 décembre 2015, 27 investisseurs mondiaux, reconnaissant leur rôle dans la lutte contre le changement climatique, ont signé la « Déclaration de Paris sur les obligations vertes ». L’objectif de cette déclaration est la mise en place de standards dans le secteur des obligations vertes. Ces obligations sont un levier important pour le financement de la transition énergétique. C’est un marché encore en croissance qui représentait environ 37 milliards de dollars au niveau mondial en 2014. Cependant, le manque de critères de définition d’une obligation verte empêche d’identifier clairement celles qui financent réellement un projet contribuant à la transition écologique. Il devient donc nécessaire d’avoir des standards ainsi que des critères d’analyse permettant de labéliser un projet pour lui permettre d’être qualifié de « vert ».
L’intervention publique à l’œuvre pour une stabilité financière
La stabilité financière est également à considérer et le Comité de Stabilité Financière (FSB : Financial Stability Board) travaille explicitement sur la prise en compte des enjeux climatiques par le secteur financier.
Premièrement, l’utilisation d’un outil comme le stress-test permettrait d’analyser les risques liés aux changements climatiques afin d’avoir une vision de l’exposition des banques aux risques climatiques. En parallèle a émergé la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte et l’article 173. Ce dernier implique que les banques et les établissements de crédit doivent communiquer les risques d’endettement excessifs et risques identifiés suite aux stress tests régulièrement effectués. Cet article donne l’obligation aux gestionnaires financiers de communiquer sur les risques climatiques des actifs financiers qu’ils gèrent, d’évaluer la part des actifs verts de leurs investissements et de définir leur stratégie de réduction de l’impact carbone de leurs actifs.
De plus, en décembre 2015, le FSB a créé aux côtés du G20 la « Task Force on Climate-related Financial Disclosure » (TFCD). Des dispositifs existent déjà pour aider les entreprises à être plus transparentes sur leur stratégie face au risque climatique. Le rôle de la Task Force est de proposer un cadre cohérent et d’harmoniser ces dispositifs d’ici début 2017. Les assureurs, les banques et les investisseurs institutionnels devront publier leur stratégie, leur plan d’action et leurs investissements en vue de la transition vers un monde bas carbone. Cela permettra donc aux investisseurs de prendre des décisions avec une plus grande transparence face à ces informations et par conséquent d’être en mesure de comparer leurs différents investissements.
Les rôles de diverses institutions sont donc liés les uns aux autres, que ce soit à l’échelle nationale, des entreprises ou d’un secteur entier. C’est un travail à la fois des institutions publiques et des institutions privées qui pourront mettre en place des actions complémentaires. Cependant, la transition ne se fera pas sans difficultés et présente des risques qui doivent être pris en compte. Une évolution massive des portefeuilles vers les énergies renouvelables mais également le scénario du réchauffement climatique de 2°C pourrait engendrer une modification du rendement global des actifs en portefeuille. Le risque carbone pourrait donc remettre en cause le business modèle des banques, et plus largement des institutions financières.