La crue de Seine reste le principal risque naturel susceptible d’affecter l’Ile-de-France. Bien qu’ayant une faible probabilité d’occurrence, une crue centennale similaire à la crue de 1910 aurait des conséquences lourdes. Elle pourrait plonger pendant plusieurs semaines l’Ile de France dans une paralysie totale. Le risque de crue est un des risques majeurs que les grands groupes bancaires sont tenus d’adresser dans leur Plan de Continuité d’Activité.

Quelles sont les caractéristiques d’une crue centennale ?

Une crue centennale de la Seine en Ile de France sur le modèle de ce qui s’est passé en 1910 est un phénomène naturel, progressif avec une bonne prévisibilité (prévision de hauteur d’eau à 48h). Un tel débordement de la Seine et de ses affluents pourrait être provoqué par des épisodes pluvieux intenses et généralisées ainsi que de fortes précipitations à court terme, que sols et nappes phréatiques ne suffisent pas à absorber. La période la plus risquée se situe de novembre à mars. La hauteur d’eau dépasserait les 8 mètres à l’échelle du pont d’Austerlitz (contre 2,50m habituellement). 

Sommes-nous plus exposés qu’en 1910 ?

Par rapport à la situation de 1910, plusieurs facteurs aggravants viennent compliquer l’estimation des impacts d’une crue centennale. L’Ile de France a en effet connu de nombreuses évolutions physiques, avec une urbanisation bien plus développée, un endiguement des rivières et une accélération de l’écoulement des flots de la Seine et de la Marne. Notre société est bien plus dépendante qu’en 1910 à l’électricité et aux technologies. Les sous-sols, notamment de Paris Intra-muros sont percés, autant de passages dans lesquels l’eau peut s’infiltrer, fragilisant le sol, provoquant des effondrements. L’accumulation de forts volumes d’eau risquent de faire pression sur les murs des bâtiments, de provoquer des fissures et de les fragiliser fortement.

De plus l’Ile de France centralise une grande partie de l’activité économique et financière, très insérée dans la mondialisation. Ainsi les sièges sociaux des entreprises et les établissements bancaires et financiers seraient très fortement impactés.

Qui est concerné et quels sont les impacts ?

Conséquences grand public

La population concernée par le risque inondation en Ile de France est répartie dans les 8 départements de la Région Ile-de-France. En cas de crue de type 1910, 880 000 personnes seraient directement touchées pendant 6 à 8 semaines. Touchés par les conséquences d’une crue, 4 à 5 millions d’habitants seront concernés dans la région  (privés de transport), dont un million sera privé d’électricité et 1,5 million d’eau potable. Des coupures réseau et des difficultés d’alimentation en gaz de ville et en carburant seront également à prévoir. Certains établissements publics seront fermés. Les différents impacts se prolongeront bien après la crue pendant le temps des remises à niveau de toutes les infrastructures touchées ; en fonction des bâtiments touchés, il faudra s’attendre à de nombreux mois voire années de travaux d’assainissement et de réhabilitation. Selon une estimation basse  de l’OCDE, une telle crue causerait 30 milliards d’euros de dommages matériels et aurait un impact cumulé en cinq ans sur le PIB de l’ordre de 0,1 à 3%.

Conséquences pour les établissements bancaires et financiers

Le scénario « Crue de la Seine » a fait l’objet en 2010 d’un exercice par le groupe de place Robustesse, créé à l’initiative de la Banque de France et composé de l’ensemble des acteurs du secteur financier (banques, infrastructures, Banque de France, Représentant de l’Etat, …). Son objectif est de tester et améliorer la résilience de la Place financière de Paris, soit « la capacité du système financier à faire face à des chocs affectant ses fonctions critiques : systèmes de paiement, liquidité et soutien au financement de l’économie réelle ». Les établissements OIV (Opérateur d’Importance Vitale), dont font partie les acteurs majeurs du secteur financier, disposent de solutions de secours robustes pour assurer le maintien des processus essentiels de Place. Ces solutions font partie intégrante des obligations réglementaires. Toutefois, leur niveau d’exposition, ne serait-ce que du fait de l’implantation géographique de leurs sites et du domicile de leurs employés, reste important. A l’instar des impacts pour le grand public, une crue de Seine de plusieurs semaines perturberait fortement à l’échelle régionale la distribution des services nécessaires aux banques (fluides, télécom, électricité…). Un nombre important de sites franciliens implantés sur des arrondissements ou communes limitrophes de la Seine et de la Marne seraient directement touchés par l’inondation, au moins en sous-sol, ce qui engendrerait d’importants coûts de remises en service après la décrue. Les établissements bancaires et financiers deviendraient également inaccessibles pour une grande partie de leur personnel : en effet les transports publics seraient arrêtés, la circulation routière très difficile et la Seine deviendrait une barrière infranchissable entre rive droite et rive gauche. De même les sites de secours régionaux seraient également inaccessibles pour une partie du personnel.

Le rapport de l’OCDE dénonce à travers ses recommandations les difficultés de la France à gérer efficacement le sujet de crue. En s’appuyant sur ces recommandations et sur la nouvelle directive européenne portant sur la gestion du risque d’innovation, les experts incitent fortement l’État à se préparer à une crise de type millénaire avec un niveau des eaux de 15 à 20% supérieur à celui atteint en 1910. Au-delà de la question des moyens de sécurité civile qui seront déployés au moment où la crue surviendra, il s’agit également de préparer au mieux l’avant-crue (planification et sensibilisation) et l’après crue (reprise des activités). C’est l’objet de l’exercice SEQUANA 2016, qui sera organisé en mars 2016 par la Préfecture de Police de Paris. La coordination des acteurs de tous secteurs d’activités sera primordiale pour faire face à cette crise.