Dématérialisation et nouveaux modes de souscription : les banques traditionnelles ont encore du travail
Cela ne vous a sûrement pas échappé, mais il y a quelques semaines, la Société Générale annonçait le lancement de son offre d’ouverture de compte courant par « selfie » (biométrie faciale), une première sur le marché bancaire français.
Cette innovation n’a pas manqué de faire parler d’elle, tant le secteur bancaire est aujourd’hui préoccupé par la dématérialisation. Et tout particulièrement lorsqu’il s’agit d’inventer de nouveaux modes de souscription. En effet, comme le souligne l’étude réalisée par le cabinet Wavestone en partenariat avec l’EFMA, « Pour les banques mobiles, c’est la première étape du parcours client qui détermine si elles vont être capables d’atteindre leurs objectifs d’acquisition ambitieux (…). Ce processus, traditionnellement long et complexe, doit maintenant être digitalisé pour améliorer la fluidité ».
La problématique de la dématérialisation des parcours de souscription n’est pas nouvelle : les enjeux qui lui sont liés ne cessent d’évoluer, portés par des technologies en évolution constante, des clients toujours plus exigeants, et des incertitudes structurelles importantes auxquelles sont confrontées les banques traditionnelles.
Selfie, streaming, chatbots, parcours 100% digital : des modes de souscription en constante évolution
Ouvrir un compte en ligne, consulter son espace personnel, contacter son conseiller via l’application mobile… autant d’options qui n’en sont plus pour toute banque qui se respecte. La digitalisation de la relation client fait désormais partie des propositions incontournables. Mais quand il s’agit de souscription, c’est un peu moins évident : le 100% digital et la dématérialisation intégrale peinent à s’imposer pleinement au cœur des banques traditionnelles.
Pourtant, on assiste aujourd’hui à l’émergence de technologies qui modifient profondément les parcours de souscription. Si les champs d’application sont nombreux, trois domaines sont particulièrement impactés :
- Information/Conseil – Grâce aux chatbots, ces intelligences artificielles qui comprennent le langage humain, un service client est dorénavant capable de répondre de manière quasi instantanée et à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit aux questions de clients ou prospects. Portées par le « machine learning » et leur capacité à apprendre de leurs interactions avec l’humain, ces technologies deviennent de véritables atouts pour la proposition d’offres personnalisées et l’automatisation des parcours de souscription. Dernier exemple en date : la Société Générale a lancé son chatbot « Sobot » pour répondre aux questions des clients sur l’application, et annonce également travailler avec la startup OWI (intelligence artificielle) sur le traitement automatisé de ses emails.
- Vérification d’identité – Ce qui était jusqu’à présent réalisé par un opérateur humain peut désormais être automatisé. Plus besoin de vous présenter en agence pour prouver votre identité : les technologies de reconnaissance, portées par les progrès de la biométrie, se développent rapidement. Et les banques en profitent : en Angleterre, Atom Bank utilise notamment la reconnaissance faciale et vocale afin de séduire les 18-35 ans ; en Inde, la banque 100% mobile Digibank lancée en 2016 par DBS propose l’ouverture d’un compte bancaire en 90 secondes grâce à la reconnaissance biométrique.
- Souscription multicanale – Les canaux mobiles prennent de l’ampleur grâce à l’amélioration des performances des appareils : l’échange à distance par visioconférence avec un conseiller, le développement d’application mobiles enrichies et plus performantes, la biométrie, etc.
Les nouvelles fonctionnalités disponibles sur smartphones obligent les banques à repenser leurs parcours de souscription via des solutions omnicanales. Pourtant, bien que nouvelles et en constante évolution, ces technologies sont déjà utilisées par de nombreux concurrents des banques traditionnelles. Et ces dernières accusent souvent un certain retard.
Dématérialiser…pour rester dans la course
Pour les banques traditionnelles, continuer à innover via la dématérialisation des modes de souscription est d’autant plus important que leurs concurrents ont déjà pleinement intégré ces démarches.
C’est particulièrement le cas des fintechs qui font très souvent figure de modèle en ce qui concerne l’expérience client. Nées dans un monde déjà digitalisé, ces startups de la finance se sont bâties sur le numérique, et ont souvent pensé leur modèle par le prisme du 100% digital. Tout comme les banques mobiles ou néo-banques, leur offre mobile est particulièrement développée : par exemple, la néo-banque N26 propose désormais la souscription à un crédit consommation via mobile.
La concurrence vient aussi de nouveaux acteurs issus de secteurs d’activités différents à l’image d’Orange Bank, ou des GAFA. Ces entreprises qui se lancent dans l’offre bancaire bénéficient d’un avantage de taille : une connaissance fine des clients grâce à l’exploitation d’importants volumes de données (notamment grâce aux offres jumelées téléphonie et banque proposées par les opérateurs télécoms). Et quand il s’agit d’améliorer l’expérience client, en particulier l’expérience mobile, c’est non négligeable : chatbots, anticipation des besoins, parcours de souscription personnalisés, conseil individualisé, tarification adaptée…
Cependant, si l’enjeu est important, la mise en place de la dématérialisation des modes de souscription n’est pas aussi évidente qu’elle pourrait sembler l’être.
Dématérialiser ? Pas si simple pour les banques traditionnelles.
Dématérialiser entièrement les modes de souscription n’est pas si simple. Les obstacles sont nombreux, et viennent en grande partie d’un cadre réglementaire lourd et exigeant. Le législateur impose en effet des vérifications précises de l’identité des nouveaux clients dans le cadre de la lutte anti-blanchiment d’argent et financement du terrorisme. Et effectuer de telles vérifications ne va pas de pair avec une souscription en 2 clics. Si les technologies de biométrie tendent à faciliter ces démarches, les intégrer aux lourds systèmes d’informations des banques n’est pas évident. Il en va de même pour les indispensables systèmes de partage des éléments dématérialisés qui doivent maintenant faire le lien entre la banque en ligne, la souscription mobile et les agences physiques.
Mais l’un des principaux obstacles que rencontrent les banques traditionnelles est la nécessité de ne pas perdre un de leurs avantages compétitifs : leur réseau d’agences physiques. En effet, en 2016, et malgré une forte attirance pour le digital, 56% des français indiquent souhaiter conserver une relation avec un conseiller attitré. Face à la fermeture des agences bancaires, la réponse des banques traditionnelles à l’évolution des modes de souscription ne peut pas être uniquement digitale. Pour se démarquer, elles doivent réinventer le métier de la relation client et capitaliser sur leur réseau de conseillers, en misant sur la forte valeur ajoutée qu’il peut apporter.
Dématérialisation ou phygitalisation ?
L’évolution des modes de souscription au sein de banques traditionnelles ne se fera pas sans dématérialisation. Néanmoins, les réticences des clients à réaliser certaines opérations en ligne (souscrire à un crédit immobilier par exemple) laissent penser qu’elle ne sera pas l’unique réponse.
Et si la faiblesse des banques – leur coûteux réseau d’agences – devenait finalement leur principale force ? C’est ce que défend le principe de « phygitalisation » (allier digital et réseau « physique »). Et l’idée est séduisante.