Paiement NFC, applications mobiles, baisse des retraits dans les distributeurs… Les règlements en cash reculent au profit des paiements électroniques. Les espèces seraient-elles en voie de disparition ?

Le 04 mai dernier, la Banque Centrale Européenne (BCE) publiait un communiqué annonçant l’arrêt de l’émission des billets de 500 euros à horizon 2018. Les coupures « Ben Laden », qui représentent 3% du nombre de billets d’euros en circulation, seraient principalement utilisés dans le cadre de blanchiment, fraude fiscale et financement d’activités illégales. L’argument est remis en question par l’Allemagne et l’Autriche qui y voient un premier pas vers la fin totale de la monnaie fiduciaire.

En effet, la carte bancaire est aujourd’hui utilisée dans 49,5% des paiements, une part qui progresse plus rapidement que les autres moyens de paiement. Les transactions en espèces sont plafonnées à 1000€ en France (pour les résidents fiscaux) et les retraits d’espèces limités à 300€ par jour. Par ailleurs, les nouveaux moyens de paiement sur internet et sur mobile séduisent de plus en plus les consommateurs en offrant rapidité et praticité.

Les sans-abri équipés de lecteurs de carte bancaire

De nombreux arguments sont avancés en faveur de la disparition complète de la monnaie fiduciaire, considérée comme « inefficace et chère ». La délivrance d’espèces demeure en effet une charge importante pour le système bancaire. En cause notamment, les frais d’entretien des distributeurs automatiques de billets (DAB), les frais d’assurance, le transport des fonds, soit environ 2,6 milliards d’euros en 2011. En plus de favoriser la lutte contre la fraude, le travail au noir, la corruption et le blanchiment, la fin des espèces pourrait également résoudre des problèmes de sécurité. La Suède aurait constaté entre 2008 et 2011 une baisse radicale du nombre de braquages de banques, de 110 à 16, expliquée selon la Fédération bancaire suédoise par la diminution d’espèces détenues dans les coffres des agences.

Le Danemark et la Suède sont deux pays pionniers en matière de digitalisation des moyens de paiement. Le Danemark étudie un projet de loi permettant aux commerçants de refuser tout paiement en liquide. En Suède, les consommateurs abandonnent progressivement les espèces, les DAB disparaissent peu à peu et de nombreuses banques n’acceptent plus les dépôts en cash. Exemple frappant, les sans-abri qui commercialisent des exemplaires du magazine Situation Sthlm sont désormais équipés de terminaux mobiles pour les paiements par carte bancaire ou les transferts par téléphone. Même les églises participent au mouvement : chaque dimanche, les fidèles peuvent désormais verser leur dîme grâce à l’application de paiement Swish.

Enfin, autre enjeu plus macroéconomique, la suppression de la monnaie fiduciaire faciliterait surtout la relance de la croissance à travers l’inflation, grâce à une politique de taux d’intérêt négatifs. L’absence de pièces et de billets empêcherait la thésaurisation en cash afin d’éviter les pénalités bancaires et favoriserait la consommation.

Le cash, « une des plus grandes innovations de l’humanité »

Des paiements plus faciles, des coûts moins élevés pour les banques et les professionnels… Le modèle cashless ne présenterait-il que des avantages ? Selon certains experts, la réponse est non. Entre 2010 et 2013, le nombre de foyers victimes de débits frauduleux sur compte bancaire a progressé de plus de 60%. La plupart des banques ont cependant amélioré leur service en offrant des garanties de remboursement intégral en cas de fraude sur Internet, avantage du digital sur le physique.

Les banques non plus ne sont pas à l’abri : près d’une centaine de banques ont été visées depuis 2013 par une vague de cyberattaques utilisant le programme Carbanak, causant des pertes financières estimées à un milliard de dollars.

Par ailleurs, pour Niklas Arvidsson, chercheur à l’Institut royal de technologie, « le cash, c’est une des plus grandes innovations de l’humanité qui a permis le développement des sociétés ». La forte dépendance au réseau électrique et à Internet générée par le « tout digital » créerait un modèle néfaste pour la société.

Enfin, de nombreuses associations de défense des droits des citoyens soulèvent la question suivante : dans une société privée de monnaie liquide et donc d’anonymat, qu’en sera-t-il des libertés individuelles ?

« Le cash ne disparaîtra jamais, parce qu’il y aura toujours des réfractaires aux paiements électroniques » résume un expert. L’Allemagne reste en effet très attachée aux paiements en espèces qui offrent liberté et anonymat. Il est néanmoins certain, la tendance est à un recul de l’usage des espèces. L’enjeu majeur est désormais de déterminer qui contrôlera nos futurs moyens de paiement : les banquiers, les opérateurs de téléphonie ou les réseaux sociaux ?