Depuis près de 2 ans, les établissements financiers investissent activement dans l’utilisation de la nouvelle technologie du Blockchain (également appelée Distributed Ledger Technology) et se préparent par conséquent aux évolutions stratégiques de demain.

La Blockchain : un potentiel levier de développement pour les établissements financiers

Depuis toujours, les contraintes d’efficacité, de rapidité et de fiabilité qui conditionnent le bon fonctionnement des marchés supposent des investissements conséquents et continus dans la technologie. Pour un établissement financier, investir et maintenir la qualité de ses moyens technologiques est un facteur clé de succès voire même dans certains cas un facteur différenciant qui permet d’afficher un avantage concurrentiel. La Blockchain, en tant que technologie disruptive, apporte potentiellement des avantages nombreux et amène par nécessité les établissements financiers à revoir leur business model.

Envisager l’adoption de la Blockchain c’est réfléchir à de nouveaux axes de développement pour l’organisation : nouveaux produits, nouveaux services, nouveaux marchés, etc. Il s’agit d’une réflexion en profondeur sur l’offre de services future et sur le positionnement de son organisation. En effet, dans un système financier, la Blockchain permet par exemple de supprimer les intermédiaires étant donné que le système lui-même opère toutes les opérations et les sécurise pour tous les participants. Par ailleurs, la mise en place accélérée de la technologie oblige les établissements financiers à se rapprocher de Fintech spécialisées et à établir de nouveaux partenariats stratégiques. Autant d’évolutions que les établissements financiers se doivent de considérer non seulement selon l’angle technologique mais avant tout sur le plan stratégique.

A ce stade, et avant la mise en service à grande échelle de la technologie, il reste d’abord à bien identifier les cas d’usages les plus judicieux, les partenaires avec qui s’associer ainsi que la future offre à développer. Dans la tendance actuelle, avec de plus en plus de banques qui testent la Blockchain, il est également important de bien identifier les conséquences du développement de cette technologie pour pouvoir positionner son organisation dans le système de demain.

Les possibilités et impacts de la Blockchain sont nombreux

Par essence, la technologie Blockchain a de potentiels impacts dans pratiquement tous les métiers des établissements financiers. Le marché des capitaux par exemple tel qu’il existe aujourd’hui pourrait être sensiblement simplifié sur plusieurs processus clés : de la mise à disposition d’actifs jusqu’au règlement et à la livraison de ceux-ci de manière rapide et sécurisée. Il n’est même pas étonnant de voir que la Blockchain va permettre l’apparition de nouveaux marchés. L’expérimentation entre BNP Paribas Security Services et SmartAngels pour émettre et échanger sur un marché secondaire des titres d’entreprises non cotées en est un premier exemple.

L’exemple du marché des capitaux n’est pas le seul et nous pouvons citer d’autres projets prometteurs : le canal de transfert d’argent sécurisé est en test chez Barclays (qui s’appuie sur la FinTech américaine Circle) ou bien l’outil identifiant les tentatives de fraudes (alliance Crédit Mutuel Arkéa et IBM). Dernièrement, le projet Ethereum (déjà mentionné dans notre précédent article) est devenu le projet le plus soutenu financièrement dans l’histoire du crowfunding atteignant 160 millions de dollars.

En plus d’impacts sur différents métiers et activités, la Blockchain va nécessairement impacter tous les participants du système financier. D’un côté, les émetteurs sont attirés par les propriétés de désintermédiation de la technologie pour simplifier un processus lourd ainsi que par la possibilité d’améliorer la liquidité de leurs titres.  De l’autre, les investisseurs sont impactés dans le sens où la technologie leur promet une vision synthétique de leurs investissements, fiable et claire de leurs participations ainsi qu’un potentiel accès au marché secondaire via de nouvelles plateformes adossées à la technologie pour négocier les titres. Les régulateurs sont également impactés par l’émergence de la technologie et se doivent de lancer des réflexions sur les enjeux et risques (ex : confidentialité des données) liés à la Blockchain ainsi qu’à l’évolution de la réglementation pour accompagner l’adoption de celle-ci.

En résumé les impacts engendrés par l’adoption de la Blockchain sont divers et il y a de nombreuses opportunités à l’entrée qui peuvent intéresser des acteurs différents. C’est la raison pour laquelle l’identification de ces opportunités couplée à la vision stratégique de l’organisation est la première étape essentielle avant de commencer à expérimenter la technologie.

Des premières expérimentations prometteuses

Les premiers partenariats au sein des établissements financiers ont été entérinés et des structures dédiées ont spécialement été mises en place. Les établissements les plus avancés ont d’ailleurs déjà créé et maintenu un premier produit (transaction de « letter of credit ») sur une plateforme (HSBC et BoA Merrill Lynch), avec des gains potentiels faramineux notamment réalisés au sein de la chaine de distribution. Le 10 août dernier, 15 membres du projet R3CEV (Barclays, BBVA, BNP Paribas, Commonwealth Bank of Australia, Danske Bank, ING Bank, Intesa Sanpaolo, Natixis, Nordea, Scotiabank, UBS, UniCredit, US Bank and Wells Fargo) ont également accompli de manière commune des transactions sur ce même produit (Letter of Credit). Pour rappel, ce projet rassemble au total plus de 50 établissements financiers (article du 3 mars).

Mais il n’y a pas que les établissements privés qui font la course au Blockchain. Les régulateurs internationaux, eux aussi, s’interrogent activement sur le sort à réserver à cette technologie. L’attraction particulière générée depuis plusieurs mois par les banques force les autorités à la considérer au plus tôt. Alors que certains régulateurs dénoncent pour le moment la vulnérabilité du système et émettent certains doutes sur la stabilité financière d’une telle technologie, d’autres annoncent pouvoir bientôt accorder des agréments à des entreprises utilisant le blockchain, comme la Financial Conduct Authority (FCA) en Grande-Bretagne. En France, même si l’intérêt de l’ACPR pour cette technologie se matérialise à travers le Forum FinTech et le pôle FinTech-Innovation, la technologie est encore dans une phase exploratoire.

Il est donc primordial pour les établissements financiers de considérer la blockchain comme une innovation technologique potentiellement génératrice de croissance. Cependant, il convient d’aborder ce sujet non pas exclusivement avec une vision technologique mais également stratégique (positionnement). Les possibilités offertes par cette technologie sont en effet nombreuses et les premières expérimentations semblent déjà confirmer tout son potentiel.