Le phénomène des fintech souffle depuis quelques temps le vent du renouveau sur le marché bancaire et assurantiel. Quelle en est l’origine ? Est-il véritablement porteur d’innovation ? Quelques éléments de réponse avec Mourtaza Asad-Syed, Co-fondateur de Yomoni.

En guise d’introduction, pouvez-vous présenter rapidement votre parcours et votre service ?

Yomoni est une start-up qui vise à simplifier la gestion de patrimoine et à libérer l’épargne longue. Nous sommes partis d’un constat simple : en moyenne, sur les 20 dernières années, les Français ont reçu 1% de rendement sur leur épargne, soit 4 fois moins que les américains. Parce que les chemins sont compliqués, que le jargon est omniprésent et que la transparence est rarement au rendez vous,  ils laissent dormir leur épargne sur des comptes non rémunérés, ils privilégient des placements à faible rentabilité ou ils sont orientés vers des produits à frais élevés. Nous avons donc souhaité offrir au plus grand nombre une gestion financière personnelle efficace, en se basant sur un modèle de distribution direct.

Quels sont les éléments différenciants de votre offre comparée à celle des acteurs traditionnels ?

En créant Yomoni, nous avons voulu construire une proposition de valeur forte, axée autour de trois points clés :

  • La simplicité : la souscription de produits d’épargne plus complexes est souvent perçue comme lente et compliquée, notamment dû au besoin de se rendre en agence pour finaliser la démarche. Nous avons donc cherché à faciliter le passage à l’acte en raccourcissant l’entrée en relation, en proposant notamment une souscription en 15 minutes en ligne et en abaissant le niveau d’entrée à 1000 euros, désormais accessible à tous les français qui épargnent
  • L’efficacité : Nous avons pris le meilleur de la gestion institutionnelle pour la rendre disponible dès 1000 euros. Ainsi, nous construisons une allocation diversifiée de long terme à partir de modèles quantitatifs sophistiqués, et nous utilisons les fonds indiciels (par exemple des ETF) pour s’exposer aux classes d’actifs et régions du monde à moindre coût. L’humain reste au centre de la décision comme garde-fou, avec un comité d’investissement de trois professionnels. La recherche de performance est au cœur de notre offre (cf. performances annuelle publiée en fin de semaine), au même titre que la recherche du profil de risque adéquat à chaque client durant sa vie
  • La transparence et la tarification raisonnable : Nombre de français hésitent à souscrire à des assurances-vie de peur des (nombreux) frais cachés et qui ne génèrent globalement pas de performance pour les clients mais existent plutôt pour rémunérer les distributeurs. En cela nous avons choisi un modèle de distribution en direct et une tarification à l’année, avec 0 frais à l’acte

Pour les français, la confiance est clé dans la relation avec leur banque, et celle-ci passe notamment par le rôle du banquier. Comment les fintech, pour la majorité présentent sur internet, peuvent compenser l’absence de réseaux physique ?

Effectivement, les activités financières, notamment l’épargne, reposent sur la confiance. Pour que celle-ci se développe, il faut incarner cette relation. La preuve de cela est l’attachement des Français à leur banquier. C’est une personne clé, qui connait votre situation et qui vous a potentiellement alloué du crédit, vous permettant de réaliser vos projets.

Néanmoins, les Français n’apprécient pas pour autant leur banque. En effet, celle-ci semble vouloir affaiblir la relation que vous avez avec votre conseiller, que ce soit dans le rythme soutenu des rotations de personnel en agence, ou dans les faibles marges de manœuvre laissées aux agences.

Chez Yomoni, nous avons souhaité incarner cette confiance par le téléphone ou par le chat. Surtout, les interlocuteurs sont des experts des sujets traités. Enfin, du fait du modèle de distribution directe, l’équipe qui prend les décisions de gestion est aux côtés des conseillers qui sont en lien avec les clients. Nous assumons notre responsabilité lors des échanges, à l’inverse du conseiller en agence qui n’est en aucun cas responsable de la mauvaise performance d’un placement, alors même qu’il doit s’en justifier auprès des clients. La confiance passe aussi par la transparence : transparence des frais, transparence des processus, transparence des performances. Le modèle en temps réel et disponible 7/7 24/24 permet aux fintech d’être plus transparentes et franches dans leurs échanges.

Les prises de positions au capital de fintech par des acteurs traditionnels se multiplient. Comment imaginez-vous l’évolution des liens entre ces deux types d’acteurs ?

Selon nous, deux modèles existent :

  • Le modèle « Big pharma », associé aux biotechs. Dans ce secteur où l’investissement est massif et risqué, les grands laboratoires ont su créer un écosystème où scientifiques et entrepreneurs essaient de développer leurs molécules, avant que les projets les plus prometteurs ne soient achetés à prix d’or par un des géants du secteur. Ce modèle fonctionne bien, notamment grâce à un système de « super-star » autour des start-up les plus prometteuses qui font miroiter des profits mirobolants. Dans ce système, la R&D se retrouve externalisée, moins risquée mais pas pour autant moins coûteuse.
  • Le modèle « Télécom », symbolisé notamment par la réussite de Free. Lors de l’ouverture du marché, une multitude d’acteurs étaient présents. Contrairement aux laboratoires, les acteurs traditionnels n’ont pas réussi à acquérir les jeunes pousses les plus prometteuses : ces dernières ont continué à se développer jusqu’à devenir un des nouveaux majors du secteur.

Le secteur financier tend à s’orienter vers le modèle pharmaceutique : les grands acteurs, notamment bancaires, sont bien installés et reposent sur un modèle assez compliqué car il s’appuie sur de multiples activités (tenue de compte, moyens de payements, etc.) tout en étant encadré par une réglementation riche et en constant renforcement. C’est déjà ce qui s’est passé avec les banques en ligne, désormais toutes dans le giron d’un grand groupe, peut-être que les fintech iront plus loin en collaborant les unes avec les autres pour créer un écosystème de services financiers connectés et efficaces pour le client final.

Plus généralement, qu’apportent les fintech au secteur financier aujourd’hui ?

Les fintech ont enfin tourné l’innovation vers le client. Une première étape est l’optimisation des processus par des outils classiques utilisés dans bien d’autres industries. À titre d’exemple, Yomoni parvient à se différencier nettement grâce à des outils devenus la règle dans d’autres secteurs mais qui restent encore novateurs en banque, tels qu’un CRM unique, la dématérialisation des dossiers clients, etc. Je pense que cette vague de jeunes acteurs est comparable à l’arrivée du lean pour les manufacturiers : cette phase a été utile pour rendre la production plus efficiente, prérequis à la véritable innovation. Ensuite, les fintech focalisent toutes leurs énergies vers la réponse à une question simple : quelle valeur ajoutée chaque expérience, chaque interaction apporte à mon client ? Gain de temps, meilleure compréhension, meilleure prise de décision. Les banques traditionnelles se focalisent sur une approche défensive tournée autour de la limite des risques liés à chaque client ? Couplé à des S.I. vieillissants on obtient des parcours complexes, des contrats compliqués et une disparition du conseil par principe de précaution.

Les fintech vont probablement pousser les acteurs traditionnels à repenser leurs modèles pour les rendre plus efficients, en termes de distribution par exemple.