Que ce soit via des labs internes, comme à la BNP Paribas, ou par un recours aux prestataires (généralement des startups), les banques ont résolument intégré l’intelligence artificielle (IA) à leur chaîne de valeur. L’IA consiste à faire assimiler à une machine des mécanismes et des processus de traitement de données habituellement attribués à l’être humain, comme l’auto-apprentissage, l’adaptation, le dialogue ou la compréhension. Souvent freinée par des contraintes financières et surtout technologiques – le terme existe tout de même depuis 1950 – l’IA a récemment vu son développement stimulé par l’émergence du big data, permettant à de grands volumes de données d’être analysés afin de guider la décision. Quelles sont ses applications pour la banque et à quels besoins répond-elle ?

Pourquoi le secteur bancaire se prête-t-il particulièrement à l’utilisation de l’intelligence artificielle ?

Analyser les données et accélérer les processus

Tout d’abord, les banques disposent d’immenses volumes de données à traiter pour optimiser les processus et les décisions : la gestion des risques et des portefeuilles, le trading et le crédit sont des exemples d’activités dont l’analyse des données requiert une expertise pointue ainsi qu’un temps de travail conséquent. L’IA, dans cette optique, peut simplifier et écourter les processus. Par exemple, JP Morgan a annoncé en mars 2017 le lancement de son programme interne COIN (Contract Intelligence), qui analyse des contrats de prêts commerciaux en quelques secondes, en remplacement de 360.000 heures de travail par des avocats et experts du crédit. Selon la banque d’investissement, COIN ferait même moins d’erreurs que des professionnels. Parallèlement, le Crédit Mutuel déploie la solution IBM Watson – qui compte parmi les programmes d’IA les plus efficaces et polyvalents aujourd’hui – auprès de 20.000 salariés : Watson analyse les emails envoyés par les clients aux employés bancaires, leur donne un indice de priorité et peut même décider lui-même de déléguer certaines tâches, dans un objectif d’optimisation du traitement des requêtes.

S’adapter aux exigences du client 

L’autre utilisation est à trouver du côté du client, notamment en banque de détail : celui-ci fait preuve d’une exigence croissante en matière de personnalisation, de simplicité et d’instantanéité de son expérience. Autrement dit, il souhaite obtenir un service (aussi bien un conseil, qu’une assistance ou l’obtention d’un nouveau produit) plus performant et individualisé, tout en y accédant de partout et à tout moment.

Ainsi, l’offre d’une application mobile ergonomique qui propose au client les services bancaires les plus fréquents est un premier pas ; toutefois, le gain reste limité, et l’application ne représente souvent qu’une jolie façade digitale pour un traitement back-office qui, lui, frôle parfois l’obsolescence. Cependant, en octobre 2016, SEB (leader bancaire suédois) a franchi un pas supplémentaire vers l’IA en annonçant l’arrivée d’Amelia dans ses services : Amelia est une « employée digitale » développée par IPsoft à laquelle on pourra s’adresser depuis son espace client afin d’obtenir des réponses à toutes ses requêtes. Elle est capable de traiter tout type de demande en lien avec SEB ; Amelia ressent même les émotions. Elle s’exprime dans un langage spontané et trouve des solutions optimisées aux requêtes, qu’elles soient liées aux comptes du client, aux inquiétudes de celui-ci ou à sa volonté d’acquérir de nouveaux produits. Le programme est donc relié « sémantiquement » au back-office, ce qui permet une plus grande flexibilité pour la banque. Amelia s’inscrit dans la lignée des « chatbots » qui interagissent de manière intelligente avec le client et « auto-apprennent » de ces interactions.

Quels obstacles se dressent aujourd’hui contre une utilisation hégémonique de l’IA dans le secteur bancaire à long terme ?

La portée de l’intelligence artificielle est floue, presque infinie ; son objectif et ses perspectives le sont d’autant plus : a-t-elle pour vocation d’assister la performance de l’intelligence humaine, ou sera-t-elle vouée, au contraire, à la suppléer ? Aujourd’hui, un conseiller bancaire a la connaissance d’envrion 95 produits. Comment peut-il espérer rivaliser, en matière d’accessibilité, de maîtrise et de rapidité avec un conseiller robotisé comme Amelia, qui fait preuve d’une connaissance sans faille d’une infinité de produits et qui ne demande ni salaire, ni congés ? Quelles seraient les conséquences pour l’emploi dans le secteur financier ?

L’implantation de l’intelligence artificielle dans le monde bancaire devra évoluer en fonction des enjeux politiques et sociaux : aujourd’hui, plus que l’obstacle technologique, c’est l’acceptation et l’adoption de l’IA par les utilisateurs (clients et employés bancaires) qui représentent un véritable défi. Car au-delà des conséquences sur l’emploi, l’IA exige le contrôle et l’analyse des données personnelles, à l’égard desquels le client est généralement réticent. Comme le souligne le rapport de synthèse de France IA 2017, une initiative gouvernementale, il s’agit avant tout « d’anticiper les évolutions liées à l’intelligence artificielle sur l’économie (…) et la société » afin de mieux en maîtriser l’implantation.