L’avènement du digital et du multicanal pousse les Centres de Relation Client (CRC) bancaires à faire évoluer leurs organisations, leurs compétences, l’outillage des conseillers, les processus de traitement des demandes et plus globalement le pilotage de l’activité.

De nombreux projets de transformation des CRC sont actuellement en cours dans les banques, impulsés par la multiplication des canaux de contacts, l’évolution des outils du marché et la prise en compte des besoins clients. Ces projets, impulsés par un grand mouvement de digitalisation, visent à optimiser les coûts de traitement des flux et à améliorer l’efficacité et la qualité de traitement par la mise en place de nouvelles technologies. L’état des lieux actuels des flux traités par les CRC bancaires classiques (hors CRC des banques 100% digitales qui s’appuient principalement sur les canaux web) montre que la  multiplication des canaux digitaux ne phagocyte pas pour autant les flux traditionnels que sont le téléphone et le mail.

Dans la course frénétique du tout digital, quelle stratégie adopter ? Et comment améliorer la relation client pour se démarquer face à la concurrence ?

Le téléphone : un canal qui garde une place de premier ordre ?

Le client digital reste en effet attaché à une relation téléphonique instantanée et personnalisée avec une réponse immédiate du conseiller en CRC, en particulier en cas d’indisponibilité de son conseiller en agence. Du reste, même s’il tend à décroître, le canal téléphonique entrant reste un flux majeur et incontournable dans l’activité des CRC bancaires.

La généralisation d’un numéro national d’accès au CRC à l’aide d’un Serveur Vocal Interactif (SVI), ainsi que les débordements des agences vers les CRC, permettent une véritable continuité de service. De cette façon, la banque garantit l’accessibilité des clients à ses services, avec pour objectif un même niveau d’offre (palette large d’opérations grâce à l’authentification), de compétences et de délégation qu’en agence, sur des horaires étendus.

Le flux téléphonique est suivi de loin par le flux mail, qui monte cependant en puissance. Ce dernier est principalement accessible des clients en mode sécurisé via leur espace d’échange. Pour autant, si les attentes des clients restent fortes sur ces deux canaux historiques, le niveau de satisfaction est en baisse et la prise en charge demeure perfectible. En effet, les flux téléphoniques sortants restent de leur côté réservés à des équipes spécifiques en CRC, qui réalisent des campagnes commerciales, essentiellement en mode « preview » et « progressif ». Quant à l’envoi de SMS sortants massifs ou ciblés (confirmation de rdv par exemple), ils sont peu utilisés, notamment pour des raisons de coûts.

Des axes d’amélioration sur lesquels les banques devraient sans doute se pencher avec attention.

Des canaux WEB encore marginaux dans la relation client bancaire mais plus pour longtemps !

Si les canaux digitaux se combinent avec les canaux traditionnels pour offrir une expérience client cohérente et globale, on observe toutefois une maturité très variable des clients face à ces nouveaux canaux, ainsi qu’une disparité croissante des  pratiques.

Le web-call-back est aujourd’hui largement mis en œuvre par les banques pour permettre aux clients d’actionner une demande de rappel immédiat ou différé à partir des pages de leur site web. Ce canal est majoritairement utilisé comme outil d’aide à la vente lors d’une souscription en ligne. Il coûte relativement cher dans la mesure où il déclenche un appel sortant du CRC vers les clients. Malgré sa généralisation, il reste peu utilisé par les clients qui le perçoivent comme intrusif dans leur parcours d’achat. Il présente cependant un intérêt grâce à de nouvelles fonctionnalités étendues à des canaux autres que le web (mises en place dans des secteurs autres que la banque), comme le SVI-Call-back (le client peut se voir proposer un rappel différé dans le cas d’un temps d’attente long sur le SVI), ou le Smart SVI-Call-back (maintien de sa position dans la file d’attente pour un rappel différé).

Le chat permet une mise en relation sous la forme d’une discussion écrite en temps réel pour accompagner la vente et l’après- vente. Il cible plutôt une population jeune et habituée à ce mode de communication. Il est intéressant pour les banques car moins coûteux que le web-call-back et plus apprécié par les clients. Il reste cependant assez peu déployé au sein des CRC bancaires classiques (des pilotes sont en cours). Il devrait s’imposer avec l’avènement de la messagerie instantanée, qui arrive dans le paysage de la relation client digitale avec de réels atouts : une large adoption par les plus jeunes, une solution innovante et différenciante en mobilité pour la relation client, une utilisation intuitive.

La visio conférence accentue la personnalisation de la relation client et permet de mobiliser des experts à distance. Les solutions sont matures techniquement mais peinent à se généraliser. Ce canal n’est quasiment pas déployé en CRC bancaires du fait d’usages conseillers/clients encore à créer.

L’utilisation des réseaux sociaux par les clients est en forte croissance.  Cependant, beaucoup de banques ne les traitent pas en CRC pour plusieurs raisons : un enjeu d’image, des compétences nouvelles qui existent déjà dans des Directions Communication ou Directions Digitales. Les CRC bancaires qui s’organisent pour traiter ces flux mettent en place un service dédié. Twitter et Facebook ont les principaux réseaux utilisés par les banques pour faire de l’après-vente, afin d’apporter des réponses rapides aux questions des clients, en particulier en cas de problèmes.

Une gestion multi-flux à optimiser

Si les CRC se sont réorganisés pour répondre aux enjeux multicanaux, la gestion multi-flux doit encore être optimisée. En effet, les pratiques montrent que l’outillage, le routage et le pilotage des flux restent encore la plupart du temps « silotés » par canal. Les outils de traitement de flux utilisés pour l’activité CRC restent nombreux et disparates, même si leur hétérogénéité est la plupart du temps masquée par des interfaces conseillers unifiées au niveau du poste de travail. Il n’y a pas de véritable intégration native multi-flux dans les solutions, permettant d’assurer une orientation optimisée de l’ensemble des flux froids, tièdes et chauds vers les bonnes compétences pour traitement.

Les stratégies de mises en relation « callblending » ou « media-blending » sont très peu mises en oeuvre, soit parce que les outils déployés ne le permettent pas, soit pour des raisons d’organisation et de conduite du changement. Le « call-blending » se heurte à une nature d’activité très différente entre les appels sortants et entrants, ce qui constitue un frein au déploiement. Le « mediablending » est une bonne alternative car il permet de traiter des canaux asynchrones, notamment dans les banques : mail ou chat, en complément d’une activité téléphonique. Si les conseillers en CRC bancaires sont de plus en plus polyvalents dans le traitement des deux principaux flux, les répartitions d’activité restent souvent faites de façon manuelle, avec une alternance des plages de traitement par canal. Les outils spécifiques de prévision et planification sont principalement utilisés dans des centres importants (> 1000 conseillers), dans des contextes sociaux et RH complexes (multiplicité des types de contrat, accords spécifiques, etc.), dans le cas de conseillers multi-activités, ou encore dans le cas d’une co-gouvernance entre central et local. Enfin, les managers n’ont pas de vision globale et consolidée du pilotage de l’activité, par manque d’agrégation automatique d’indicateurs à chaud/à froid pour l’ensemble des canaux disponibles.

Bien loin de disparaître, les medias traditionnels s’imposent aujourd’hui comme des compléments nécessaires et attendus par les clients des banques classiques. Vecteur d’une relation plus humanisée, ils contribuent à renforcer les interactions de la banque avec ses clients. Sans doute un levier pour les banques traditionnelles pour faire la différence face à des CRC de banques 100% digitales. Loin d’une présumée guerre tradition versus digital, à elles de tirer pleinement profit de l’ensemble de ces canaux et de savoir relever le défi d’une omnicanalité sans couture !