Le développement des FinTech : quels risques pour la banque de détail ?#1
Chapitre 1 : le crédit
Hugues Le Bret, ancien patron de Boursorama et créateur du compte Nickel, déclarait le 23 juillet dernier que « Compte tenu des nouveaux usages de consommation, le mouvement de dislocation des métiers d’épargne, de tenue de compte et de crédit est inéluctable. Les clients iront taper à la porte du meilleur de chaque spécialité en fonction de leurs besoins ». En quelques mots, il résumait les menaces diffuses qui pèsent sur le modèle économique de la banque universelle. Parmi les nouveaux entrants, les FinTech (start-ups combinant « finance » et « technologie ») font le meilleur usage du digital pour proposer des services bancaires alternatifs et innovants.
Les FinTech s’attaquent à toutes les briques de l’offre bancaire et investissent les paiements, l’épargne, le crédit et les services aux entreprises et aux investisseurs. Né aux États-Unis dans les années 2000, ce phénomène a gagné l’Europe. Très dynamique en Grande-Bretagne, il se développe en France dont l’environnement réglementaire est devenu favorable, particulièrement pour le crédit auquel nous consacrerons ce premier éclairage de notre série FinTech.
En France, les FinTech se développent sur le crédit
Le secteur émergent du « financement participatif » regroupe les plateformes mettant en relation les prêteurs et les emprunteurs (particuliers ou entreprises), les investisseurs et les entreprises.
Le contexte réglementaire français a ouvert une première brèche dans le monopole bancaire. L’ordonnance du 30 mai 2014 relative au financement participatif a permis aux particuliers de financer jusqu’à mille euros par prêteur et par projet, et aux entreprises d’emprunter jusqu’à un million d’euros.
Le crédit aux entreprises est emblématique. Plusieurs plateformes dédiées ont vu le jour comme Unilend, Lendix et Lendopolis , les 3 plus importantes en montants collectés. Le poids de ce nouveau mode de financement reste modeste : le montant total des prêts octroyés par les acteurs du crowdlending est d’environ 10 millions d’euros de janvier à juin 2015. Sur la même période, les banques traditionnelles ont prêté aux entreprises non financières près de 37 milliards d’euros (total des crédits ≤ 1 million d’euros).
La part de marché des nouveaux acteurs n’est donc pas proportionnelle au bruit médiatique qu’ils suscitent. Néanmoins, ils sont appelés à se développer pour plusieurs raisons.
Les FinTech disposent de réelles opportunités de développement
Il y a d’abord un vrai besoin, en particulier au niveau des TPE et PME : elles sont le plus souvent contraintes à recourir au crédit bancaire, contrairement aux grandes entreprises qui ont diversifié de longue date leurs sources de financement, Or, le contexte réglementaire, comme les niveaux de fonds propres exigés par Bâle 3, entraîne un resserrement de l’octroi de crédit.
Avec les FinTech, les emprunteurs bénéficient d’une expérience client innovante, sans comparaison avec celle des banques. Les acteurs du crowdlending ont choisi la simplicité et la transparence : le coût du service se limite au taux du prêt, basé sur le profil de risque de l’emprunteur. Aucune garantie ou assurance n’est par ailleurs exigée.
Ces plateformes sont sélectives (moins de 5% des dossiers sont retenus) mais elles décident rapidement, sur la base de process largement automatisés : le délai constaté entre la demande de financement et la mise à disposition des fonds est inférieur à 3 semaines. C’est bien inférieur au délai global d’une banque qui additionne les délais de traitement de nombreux acteurs internes et externes : commercial, engagements, back-office, sociétés de cautionnement….
L’offre est donc différenciante. De ce fait, le potentiel de croissance du crowdlending est important, notamment sur le marché des TPE/PME qui représente un enjeu de l’ordre de 80 milliards d’euros par an. Le modèle automatisé des plateformes limite les coûts et facilite la croissance. Le parcours des leaders du marché US (ci-dessous l’historique de Lending Club depuis 2008) permet d’anticiper une croissance à trois chiffres des encours sur les prochaines années. In fine, la part de marché du crowdlending dépendra de la rapidité de réaction des acteurs bancaires.
Pour les banques, que faire ?
Le crowdlending n’est pas encore un réel concurrent pour elles, mais il fixe de nouveaux standards opérationnels. Il contribue à rendre obsolètes les process en place dans les banques et leur impose de réagir sans tarder. L’arrivée des nouveaux acteurs doit les inciter à simplifier leur offre et à automatiser leur process d’octroi : l’objectif est désormais de décider et de mettre en place les fonds en 2 à 3 semaines.
Pour atteindre cet objectif ambitieux, les banques doivent refondre leurs process sur la base d’une informatique ancienne : ce sont des projets longs et coûteux. Aussi, les alternatives consisteraient à créer des partenariats avec des plateformes de crowdlending, comme le fait Lending Club aux États-Unis, racheter des start-up ou même à créer leurs propres plateformes.
Dans tous les cas, le statu quo n’est pas possible. Le client qui a testé l’expérience FinTech s’ouvrira à de nouveaux acteurs pour se passer à terme de sa banque. La menace des FinTech est globale : c’est un écosystème où les innovations se combinent. Un agrégateur servira de base à un système de scoring personnel, permettant à une plateforme d’offrir des prêts personnels automatisés en recueillant l’épargne de prêteurs individuels… L’épargne : un autre terrain de chasse pour les FinTech, comme nous le verrons dans un prochain éclairage.