Une mutation majeure est en cours dans le secteur bancaire. De nouveaux acteurs de la finance, apparus depuis 2011 en France (mais présents depuis les années 2006 aux États-Unis) cherchent en effet à bousculer radicalement la relation entre les banques et leurs clients en proposant un service d’agréation de comptes.

Les agrégateurs sont des start-ups qui fournissent à un client, via une application mobile, une vue consolidée de l’ensemble de ses comptes bancaires qu’ils soient domiciliés dans un seul ou plusieurs établissements. Leur enjeu est de simplifier la consultation de la situation financière des clients tout en leur proposant des services ergonomiques de gestion de leur budget. Les avantages de l’agrégation de compte sont nombreux pour l’utilisateur, qu’il soit multi-bancarisé ou non. Il est à noter que les agrégateurs attirent également les clients mono-bancarisés qui préfèrent consulter leur compte via une application ergonomique et proposant des services innovants tels que :

  • La création d’alertes personnalisées
  • La centralisation des informations transactionnelles
  • La gestion des projets d’épargne
  • L’obtention d’une vision holistique et simplifiée des finances personnalisées
  • La catégorisation automatique des dépenses et des rentrées d’argent (plus fines que celle proposée par les banques)
  • Le développement d’une gestion proactive des finances
  • L’analyse des dépenses et alertes préventives (via la prédiction de découvert)
  • La réception d’alerte en cas de mouvement important, afin de détecter le plus tôt possible d’éventuelles fraudes
  • La recherche simplifiée des dépenses anciennes

Présentation des services

De plus, ces applications proposent généralement des visuels, graphiques, diagrammes et icônes permettant à l’utilisateur de visualiser ses opérations de façon ludique. L’autre point fort de ces applications est bien sûr la gratuité de leur utilisation.

 Quels risques et quelles opportunités pour les banques?

 Ces plateformes pourront alors accéder beaucoup plus aisément aux comptes de leurs clients. En effet, une fois la directive européenne DSP21 entrée en vigueur (janvier 2018), les banques auront l’obligation de transmettre à ces nouveaux acteurs les informations relatives aux comptes de leurs clients. Les agrégateurs et les banques devront donc communiquer de manière sécurisée, ce qui implique pour ces dernières de faire évoluer leur système d’information afin d’être en capacité, d’ici janvier 2018, de répondre aux demandes des agrégateurs. Le périmètre de DSP21 intègre deux services : les Services d’Agrégation d’Information (AIS) et les Services d’Initiation de Paiement (PIS). Les agrégateurs auront donc désormais la possibilité de proposer des services et des fonctionnalités innovantes à leurs clients, comme par exemple le paiement pour le compte de tiers. Ce service permet à l’utilisateur de demander à un intermédiaire (un agrégateur) de présenter et d’exécuter des opérations de paiement en leur nom auprès de leur banque.

Les services innovants et les nombreux avantages proposés par les agrégateurs (ou des banques secondaires proposant de telles prestations) laissent présager que l’espace client de l’agrégateur devienne l’interface privilégiée des utilisateurs, au détriment de celles développées par les banques traditionnelles, car elle correspondra mieux à ses besoins. Le risque majeur pour les banques est, par conséquent, la perte de la relation client. Cependant, en proposant des services innovants (agrégation de compte, conseil financier neutre…), les banques pourraient conserver leurs clients et même en capter de nouveaux. De plus, les données collectées via l’outil d’agrégation de compte permettent d’enrichir l’expérience client, de proposer aux utilisateurs les « bons produits » et d’affiner la définition du scoring risque.

La riposte des banques

Les stratégies appliquées par les banques sont :

  • L’acquisition d’une Fintech
  • L’entrée au capital d’une start-up
  • L’exploitation en marque blanche – ou le développement en interne – d’outils d’agrégation Cependant cette dernière option est peu utilisée due à une réglementation changeante et à l’investissement couteux que cela représente

Aiguillonnées par ces start-ups, certaines banques ont déjà réagi. Ainsi, Crédit Mutuel Arkéa et, plus récemment, le Crédit Agricole sont entrés au capital de Linxo. L’agrégateur pourra alors naturellement proposer ses services aux différentes entités de la banque verte (de la banque en ligne BforBank à LCL en passant par les caisses régionales qui le souhaitent). Les autres grandes banques déploient en priorité les solutions développées par leur banque en ligne, à l’image de la Société Générale qui s’appuie sur la solution utilisée par Boursorama (via l’acquisition en 2015 de la start-up Fiducéo). Cependant une collaboration étroite (notamment IT) entre les banques et les agrégateurs apporterait des avantages pour les deux parties et pour les clients. En effet, les agrégateurs maitrisent déjà la collecte de données via la technique du web scraping et le traitement de celle-ci mais une entente entre les banques et les agrégateurs permettrait de proposer un service plus complet et sécurisé aux clients. La mise en place opérationnelle de la Directive DSP2 devrait donc aider les acteurs du marché à identifier la solution technique et fonctionnelle optimale tout en répondant aux contraintes de sécurité.

Benchmark des solutions d’agrégation utilisées par les principales banques en France

L’émergence de nouveaux acteurs favorisée

Le potentiel de développement des agrégateurs de comptes, en France, est difficilement discutable. En 2016, 35% des Français détenaient un compte dans au moins deux banques différentes. Une tendance en faveur des plateformes d’agrégation qui ont déjà convaincu des millions d’utilisateurs, avec deux acteurs dominants sur le marché : Bankin’ et Linxo.

Bankin’ a été fondée en 2011, compte 30 salariés, est présent dans 4 pays et revendique 1,5 million de clients. La start-up, qui se veut indépendante des banques, a annoncé début janvier 2017 avoir réalisé une levée de fond de 8,4 millions d’euros. Elle proposera, en 2017, la possibilité d’effectuer des virements pour le compte de tiers (i.e. entre deux comptes bancaires de l’utilisateur ou entre l’un de ses comptes et un compte externe) et le déploiement d’une fonctionnalité de virement automatique en cas de risque de découvert. Bankin’ étudie la possibilité de conseiller ses utilisateurs pour la renégociation de leur crédit immobilier ou l’investissement / épargne, en utilisant l’intelligence artificielle. Mais bien d’autres start-ups se sont déjà lancées, comme Fiduceo (rachetée par Boursorama), Iswigo ou encore Budget Insight (utilisée en marque blanche par Banque Accord).

Les quatre principales solutions d’agrégation en France

De nouveaux services voient le jour

Pour les agrégateurs, les deux prochaines années seront charnières pour développer de nouveaux services. Au-delà de la simple consultation de comptes, nombreux sont ceux qui espèrent proposer des services de conseil budgétaire et surtout de permettre à l’utilisateur de réaliser des opérations bancaires – virements, souscriptions, etc. – directement depuis leurs applications. Ces services qui pourraient augmenter leurs revenus, aujourd’hui exclusivement constitués par la publicité poussée sur leurs applications et par une poignée d’abonnements aux versions payantes de leurs services. La directive européenne DSP2 pose donc les fondations d’un marché des paiements aux règles inédites. Alors que certaines banques usent de diverses stratégies pour ajuster leur modèle au nouvel environnement, d’autres, à l’inverse, s’assurent de leur conformité à une réglementation qui évolue constamment. L’objectif étant d’éviter d’investir dans des dispositifs coûteux dont la pertinence n’est pas pleinement avérée. Dans un tel contexte, il semble légitime de prêter une attention particulière à la façon dont seront maîtrisés les risques liés à la sécurité des moyens de paiement et du client. Ce dernier provoque désormais la mise en place d’une nouvelle dynamique sur le marché, à travers des exigences toujours plus pointues et des besoins constamment changeants.