En janvier 2016 l’Iran a été partiellement réintégré au système économique et financier mondial, suite à la levée des sanctions internationales imposées par l’ONU depuis 2006, ainsi que la levée des mesures restrictives décrétées par l’Union Européenne et les Etats-Unis. Ces sanctions, liées au programme d’enrichissement de l’uranium mené par le gouvernement perse, parachèvent des longues discussions menées entre le pays du Golfe et le P5+1 (France, Allemagne, Royaume Uni, Russie, Chine et Etats-Unis) afin d’assurer une utilisation strictement civile du nucléaire iranien.

Pendant 10 ans, les sanctions à l’encontre de l’Iran ont notamment empêché tout investissement étranger dans les domaines de l’énergie, de la défense, de la banque et de l’Assurance. De plus, les avoirs financiers iraniens détenus par des banques internationales ont été gelés, soit 32 milliards d’euros. La levée des sanctions permet donc l’accès à un nouveau marché de 80 millions d’habitants, ayant un PIB de 369 milliards de dollars et 500 milliards d’actifs financiers détenus par les banques nationales.

Panorama des sanctions : des levées partielles

L’accord du 16 janvier 2016 garantit la levée des sanctions relatives au programme nucléaire, mais pas celles relatives au respect des droits de l’homme, ainsi que celles liées au terrorisme. Or, pour les Etats-Unis, seuls 5% des sanctions étaient liées au nucléaire uniquement. 35% des sanctions en vigueur avant l’accord étaient liées en partie au nucléaire et sont donc aujourd’hui maintenues. Cela signifie que de nombreuses sanctions sont toujours en place dans les domaines des échanges financiers, de la Défense et de de l’énergie.

Ainsi, sur la base du « Executive Order 13224 » et du « Executive order 13553 et 13628 », les Etats-Unis ont interdit toute transaction avec des personnes soupçonnées de terrorisme et de violation des droits de l’homme. Cet embargo concerne particulièrement les Gardiens de la Révolution Islamique (les Pasdaran) et toute personne liée à ce groupe. Ces derniers représentent 25% du PIB iranien, ce qui limite fortement les échanges possibles entre les entreprises internationales et le pays des Mollahs.

L’OFAC (Office of foreign assets control) veille particulièrement au respect de ces règles, notamment à travers la surveillance des « US person ». L’organisme a en effet la compétence de sanctionner toute « US person » établissant des relations contraires à l’«International Emergency Economic Powers Act ». Néanmoins, la notion d’US person est relativement floue, car elle concerne aussi bien les contribuables américains que toute entité dont l’un des fiduciaires est une « US person ». Autrement dit, tout individus, entreprise ou banque ayant commercé avec une US Person peut être sanctionné en cas de non-respect des réglementations américaines. Le simple fait d’effectuer des paiements en dollars, ou bien d’avoir la nationalité américaine, autorise l’OFAC à enquêter.

Dans le même temps, depuis 2011, l’Union Européenne a mis en place des mesures restrictives en réponse à des violations des droits de l’homme. Ces mesures ont notamment engendré un gel des avoirs de personnes impliquées dans ces violations.

Enfin, le GAFI (Groupe d’Action Financière), organisation internationale qui travaille pour lutter contre le blanchiment d’argent, a maintenu l’Iran dans sa liste de pays à risque.  Cela amène les pays membres de l’organisation à imposer une vigilance accrue à leurs institutions financières dans le cadre d’échanges avec l’Iran.

Une incertitude du marché bancaire face aux autorités américaines

Suite à la levée des sanctions de janvier 2016, il aurait été possible d’imaginer les banques européennes se presser sur le marché iranien afin de pénétrer un marché encore peu développé. Pour autant, en 2016, seul une petite dizaine de banques européennes ont fait le choix de travailler avec l’Iran, et aucune banque de taille moyenne ou grande.

Actuellement, les petites banques européennes présentes sur le marché iranien ont ouvert pour 4 milliards de crédit depuis le début de l’année. Ce sont surtout les banques indiennes, chinoises et turques qui s’implantent dans le système bancaire iranien. Le dirigeant chinois Xi Jinping n’a d’ailleurs pas tardé à venir dans le pays afin de développer des partenariats stratégiques, seulement 7 jours après l’accord sur le nucléaire. Pour autant, la majeure partie des banques chinoises restent frileuses et refusent de convertir des devises ayant transitées par l’Iran.

L’amende de 8,83 milliards de dollars payée par BNP Paribas en 2014 est l’une des explications à l’ensemble de ces réticences à pénétrer le marché iranien. Les banques craignent de subir des sanctions similaires à cause du manque de clarté de la part de l’OFAC sur les pratiques autorisées et celles qui ne le sont pas. Ainsi, le montant total des amendes infligées par le régulateur américain n’a cessé de croître depuis 2007. En effet, la définition large de l’idée d’US Person, mais aussi l’absence de définition claire de ce que signifie la levée des sanctions pour le gouvernement américain, contribuent à faciliter cette incertitude. On peut ainsi noter que l’accord du 16 janvier 2016 est caractérisé par l’utilisation des termes « seek » (recherche), « may » (peut) et du conditionnel, ce qui renforce l’incertitude des acteurs financiers.

Par conséquent, les banques européennes privilégient une approche prudente. Elles renoncent à travailler avec les banques iraniennes pour le moment et attendent une clarification de la position des autorités américaines. L’élection de Donald Trump renforce cette incertitude, suite à ses déclarations concernant une renégociation de l’accord nucléaire iranien. Le vote du Congrès américain du 5 décembre, maintenant les sanctions contre l’Iran pour 10 ans, favorise également ce flou juridique, et donc ce climat d’incertitude.

L’Iran n’a cessé de dénoncer ce double langage de la part de Washington, affichant d’une part une levée des sanctions sur le nucléaire, et maintenant de l’autre côté une menace permanente grâce à l’OFAC, son bras armé en matière de contrôle.