L’Intelligence Artificielle peut-elle faire disparaître les métiers bancaires ?
Voiture connectée, domotique, assistants virtuels, usine intelligente… l’Intelligence Artificielle (IA) devient aujourd’hui omniprésente dans tous les secteurs d’activités de la planète. Et le secteur financier n’y échappe pas. Watson au Crédit Mutuel et chez Orange Bank, Gambit au sein de BNP Paribas, Shift chez Allianz, les solutions d’intelligence artificielle se multiplient au sein des organismes financiers. Basées sur l’analyse massive de données afin de comprendre et d’apprendre les comportements humains, ces solutions permettent de réaliser de manière automatisée des tâches récurrentes et à faible valeur ajoutée pour l’entreprise, mais aussi d’être disponible en temps réel 24h/24 et 7j/7. Et ainsi permettre une relation client sans discontinuité.
Face à ces solutions, les métiers bancaires sont donc amenés à évoluer.
La finance et l’investissement accessibles à tous grâce à l’IA
En faisant l’acquisition, en septembre, de la startup franco-belge Gambit, BNP Paribas Asset Management s’est offert les services d’une startup parmi les leaders en Europe dans le domaine de la digitalisation du conseil en investissement. Leur solution, 100% digitale, permet au client de réaliser l’ensemble de ses opérations de manière dématérialisée et sans l’intervention d’un conseiller humain. L’IA analyse les données recueillies sur le client (via un questionnaire pour connaitre son projet, son profil…) et lui attribue un profil d’investissement défini par des conseillers financiers humains. Dans le même objectif, Yomoni, s’impose aujourd’hui comme le conseiller financier accessible à tous. En effet, seulement 1000€ d’apport initial sont nécessaires pour y ouvrir un compte de placement. La solution repose sur deux IA : une première qui intervient dans la définition du profil de risque du potentiel souscripteur et une seconde qui intervient dans la définition des choix d’investissement. La validation de ces choix revenant toujours à un gérant financier humain.
Ces deux solutions permettent aujourd’hui de considérablement diminuer les frais de gestion et donc de proposer des rendements nets de frais supérieurs pour des profils de risques équivalents. Cela étant rendu possible par la diminution des traitements humains et donc des coûts de main d’œuvre. L’homme n’intervient plus que sur des tâches à haute valeur ajoutée comme la validation des choix d’investissement.
JP Morgan elle, va encore plus loin en substituant ses traders par une intelligence artificielle LOXM. Sa solution d’intelligence artificielle est si développée et apprenante qu’elle s’est révélée être plus efficace que n’importe quel trader durant sa période de test. Son prochain objectif, comprendre les besoins et les profils d’investissement de ses clients pour pouvoir leur proposer directement les meilleurs investissements du marché.
L’intelligence artificielle recentre donc le rôle du conseiller financier vers ses tâches de conseil et de prise de décision financière : moins de gestion d’administrative et d’analyse de données, plus d’accompagnement client et de prise de décision à haute valeur ajoutée.
Disponibilité 24/7 et stratégie user centric
En lançant son offre mobile début novembre, Orange Bank a elle aussi transformé le métier de conseiller bancaire. L’utilisation d’IBM Watson, permet aux conseillers de se débarrasser des tâches les plus pénibles (réponse à des questions simples) et donc de gagner en efficacité et d’améliorer la satisfaction client, en rendant l’expérience client plus confortable et plus digitale. Les clients adressent leurs demandes à l’IA qui analyse, puis redirige ensuite vers le bon interlocuteur. Chez Crédit Agricole Nord de France, Caro, le chatbot maison permet de répondre automatiquement à plus de 112 questions types de la part des clients, concernant des domaines variés tel que l’assurance, l’épargne, le crédit, le sociétariat. De cette manière l’entrée en relation se fait majoritairement via le chatbot et le client est redirigé par la suite vers un conseiller humain pour poursuivre la relation.
Ces changements dans la manière des banques de gérer la relation avec leurs clients / prospects s’intègrent donc bien dans leurs stratégies de développement actuelles : moins d’agences mais plus de digital et d’expertise pour les conseillers. Les conseillers vont en effet être amenés à devenir de véritables experts bancaires qui interviennent aux moments clés du parcours client pour accompagner les décisions structurantes, grâce aux soutiens de solutions d’intelligence artificielle. Les banques engagent d’ailleurs de plus en plus, en parallèle du développement des IA, des plans de formation et de montée en compétences de leurs conseillers afin de leurs permettre de comprendre les avantages procurés par ces solutions et les synergies homme / machine possibles.
Détection en temps réel, blocage automatique des transactions suspectes,… l’IA va révolutionner la gestion des risques
Enfin, dernier secteur du monde financier où l’IA s’invite et va révolutionner les usages : la gestion des risques et notamment le risque de fraude. Que ce soit pour la détection et la prévision des comportements à risque / frauduleux, la connaissance client, le ciblage des opérations, l’intelligence artificielle et notamment les algorithmes auto-apprenants, ou machine learning. Fortia financial solutions, jeune startup française, permet par exemple de détecter automatiquement la validité et le caractère officiel des pièces d’identité de clients / prospects, dans le cadre de processus de KYC (connaissance client). La solution analyse les images des pièces d’identité fournies par les clients et compare avec une base d’images de pièces d’identités frauduleuses, afin de détecter des points communs. Dans le domaine de la détection des opérations fauduleuses, c’est Teradata, multinationale de la gestion et de l’analyse massive de données (big data), qui propose une solution d’intelligence artificielle capable de détecter ces opérations. Par l’analyse de milliers de caractéristiques sur des millions de transactions, la solution est capable de détecter des opérations inhabituelles pouvant constituer des fraudes.
La aussi, l’apport de l’IA va considérablement modifier l’environnement de travail des collaborateurs risques et compliance. Délestés des tâches répétitives d’analyse de pièces justificatives, assistés dans la détection des opérations frauduleuses, bénéficiant de reportings automatiques et en temps réel sur leurs périmètres, les gestionnaires de risques pourront se concentrer sur les tâches à plus forte valeur ajoutée
Les solutions d’intelligence artificielle n’en sont qu’au début de leur développement. Permettant de diminuer drastiquement les couts de gestion par une automatisation des tâches à faible valeur ajoutée, tout en permettant de mieux gérer les risques et d’augmenter la satisfaction client, ces solutions vont devenir incontournables dans le futur (proche) de la banque. Aux banques d’accompagner leurs collaborateurs afin de les faire travailler en coopération parfaite avec ces nouveaux outils. Cet accompagnement sera gagnant-gagnant : le collaborateur est plus épanoui avec moins de tâches rébarbatives et la banque augmente sa profitabilité. Le temps où ces intelligences pourront remplacer à 100% l’homme est encore loin. La technologie est encore limitée et l’intervention humaine est encore indispensable. De plus de nouvelles réglementations comme la GDPR applicable au 25 mai 2018 viendront encadrer les usages. Et même si elles le pouvaient, cela serait-il mis en place ? Les clients recherchant toujours un contact humain, le 100% IA ne serait pas forcément un bon choix stratégique.