Loi Macron : Bilan sur la mobilité bancaire
Un peu plus d’un an après l’entrée en vigueur de la réforme issue de l’article 43 de la loi Macron (LOI n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques), quel bilan est à tirer sur la mobilité bancaire en France ?
Un service de mobilité bancaire désuet avant l’application de la loi
L’article 23 de la loi Macron a été voté pour alléger le poids des démarches administratives à entreprendre pour pouvoir changer de banque. Avant son application, les démarches de mobilité bancaire étaient uniquement à la charge du client, qui devait contacter individuellement son employeur, l’administration fiscale, le fournisseur d’accès à internet afin de mettre à jour ses coordonnées bancaires.
En 2014, selon un rapport sur la portabilité du compte bancaire émis par le ministère des Finances, seulement 4,5% des clients changeaient de domiciliation bancaire, chiffre bien inférieur à la moyenne des banques européennes de 11%. Ainsi, près de 10 000 comptes bancaires étaient transférés chaque jour en France, soit 3,5 millions de comptes clôturés. La raison principale de ce transfert était la réduction des frais bancaires. Selon un sondage OpinionWay pour Boursorama en 2016, 47% des clients estimaient ces frais trop élevés : entre 70€ et 210€ par mois selon le type de consommateurs. De surcroît, les frais bancaires ont augmenté en raison de la généralisation des frais de tenue de compte introduits pour compenser les effets des taux bas sur les revenus issus du crédit immobilier. Les autres causes du changement de domiciliation bancaire sont le manque de récompense pour les clients fidèles, la qualité des services, la compétence et la disponibilité des conseillers, la faiblesse des rendements et la renégociation du crédit immobilier.
La loi Macron, une opportunité pour le consommateur
L’article 43 de la loi Macron amende l’article L. 312-1-7 du code monétaire et financier sur la mobilité bancaire. Cette modification est une réelle opportunité pour le consommateur puisqu’elle simplifie la procédure de changement de banque et permet aux clients de réduire ses frais bancaires. l. L’objectif de la loi est donc de dynamiser la concurrence entre les acteurs du secteur. Depuis l’entrée en vigueur, le client signe le mandat avec sa nouvelle banque et celle-ci engage gratuitement les démarches de changement auprès de l’ancienne banque. Le client doit simplement fournir un RIB. La nouvelle banque, quant à elle, récupère auprès de l’autre banque la liste des prélèvements, des salaires et des impôts. Le client choisit l’ensemble des opérations qu’il souhaite transférer vers son nouveau compte bancaire et la nouvelle banque contacte les émetteurs de prélèvements et de virements pour changer les coordonnées bancaires. Le changement de domiciliation bancaire doit se faire sous un délai de 22 jours.
Cependant, ce changement s’applique essentiellement aux comptes courants. En effet, il est impossible de posséder légalement deux livrets A. Il faut donc d’abord clôturer le livret A dans l’ancienne banque avant d’ouvrir un livret A dans la nouvelle banque. Quant au transfert du PEL et du PEA, cela peut générer des coûts. Le transfert des contrats d’assurance vie n’est pas réalisable. La loi Macron s’applique donc pour les 3 cas suivants :
- Un compte individuel transféré vers un autre compte individuel
- Un compte joint transféré vers un autre compte joint
- Un compte individuel transféré vers un autre compte joint
Par ailleurs, la mobilité bancaire n’est pas applicable aux professionnels et concerne uniquement les comptes utilisés dans un cadre personnel.
Un an après, un bilan en demie-teinte
Alors qu’un important volume de transferts de comptes a eu lieu lors de l’entrée en vigueur de la loi en février 2017, la procédure simplifiée pour changer de banque n’a pas révolutionnée la mobilité bancaire. En effet, Sepamail en charge des échanges d’informations liés à la mobilité bancaire, a traité deux fois moins de demandes qu’anticipé par différentes études avant l’entrée en vigueur de la loi. La loi Macron a donc principalement renforcé la concurrence entre les établissements bancaires. En effet, elle a incité les banques à être attentif à la satisfaction des clients. Les gagnants de cette mise en application sont principalement les banques en ligne, qui proposent des frais bancaires inférieurs aux établissements traditionnels. La montée des nouveaux acteurs, comme Orange Bank ou N26 amène à populariser davantage le dispositif de mobilité bancaire.
Ce bilan mitigé s’explique par deux raisons : les freins psychologiques des clients et les anomalies rencontrées lors de l’application du dispositif.
Tout d’abord, les clients, même insatisfaits par leur banque, ne sont pas enclins à quitter leur établissement bancaire, notamment du fait de leur contraction d’un crédit immobilier. Selon le CCSF (Comité Consultatif du Secteur Financier), 17% des clients affirment rester dans leur banque pour conserver leur taux de crédit actuel, récemment renégocié à la baisse, et les avantages liés à leur ancienneté ou à leur contrat. De surcroît, si le client souhaite changer de banque pour obtenir un taux de crédit inférieur, il ne peut pas bénéficier du dispositif de la loi Macron qui s’applique uniquement aux comptes courants. Même si le site de comparaison des banques « Meilleurebanque » a observé une hausse de ses fréquentations en 2017, seulement 1,2 million de mandats de mobilité ont été signé entre le 6 février 2017 et le 6 février 2018 selon le CCSF. Sur les 22% de consommateurs qui ont souhaité changer de banques en 2017 , seulement 24% de ces consommateurs ont réellement effectué le changement. En effet, 44% des clients n’ont pas su déterminer quel établissement bancaire choisir et 43% des consommateurs ne voulaient pas prendre les risques liés au changement.
Par ailleurs, de nombreuses anomalies survenues lors de l’application de la loi ont représenté un frein à la mobilité bancaire. Selon le CCSF, la majorité des bénéficiaires s’estiment satisfaits du dispositif (85%), même si près 4 consommateurs sur 10 ont rencontré des difficultés. L’anomalie principale concerne le transfert des opérations : 22% des consommateurs ont observé que toutes les opérations récurrentes n’étaient pas domiciliées dans la nouvelle banque. Ainsi, 13% des consommateurs ont dû réaliser eux-mêmes le changement de domiciliation. 14% des consommateurs indiquent que la procédure a dépassé le délai imposé par la loi. Cependant, ce retard est généralement de la responsabilité des entreprises qui rencontrent des difficultés à tenir le délai de 10 jours pour changer les coordonnées bancaires des personnes à qui elles font des virements. De plus, dans le cadre du risque de fraude, les entreprises préfèrent prendre contact directement avec leur client pour confirmer les nouvelles coordonnées bancaires.