Chine – Quand le marché bancaire tremble face aux géants du web et des télécoms
La place du web en Chine est toute particulière. En 2015, parmi les 1,37 milliards de Chinois, 648 millions avaient accès à internet et naviguaient en premier lieu sur mobile ou tablette, c’est-à-dire « anywhere anytime ». Le recours au web mobile est de plus en plus fréquent, que ce soit pour réaliser des achats ou accéder à des services en ligne divers.
Certains acteurs du web chinois se sont fait une place de choix sur le marché intérieur du pays. C’est le cas de Baidu, le moteur de recherche équivalent à Google et quatrième site le plus consulté au monde. La nouvelle de son entrée sur le marché de la banque en ligne a donc suscité de nombreuses réactions. En effet, l’État chinois n’a que récemment ouvert le marché bancaire, historiquement très régulé et réservé aux acteurs publics, à des acteurs privés de divers horizons. Différents positionnements ont été pris par les nouveaux entrants : certains se placent par exemple sur le marché de la banque en ligne en tant que pure players d’autres qui sont pas issus du web se consacrent simplement à la création de services en ligne.
La diversification du marché bancaire en Chine grâce aux acteurs privés
Les acteurs du web
Les grandes institutions étatisées du secteur bancaire chinois ne permettent pas à chacun d’accéder au crédit aisément. Les PME et entreprises non nationales ne peuvent guère faire appel à elles pour se financer, ce qui constitue un frein économique.
La première banque privée et en ligne chinoise autorisée par la Commission Chinoise de Régulation du Secteur Bancaire (CBRC) en juillet 2014 a été WeBank, que l’on doit à Tencent. Ce dernier détient la messagerie WeChat, extrêmement populaire dans le pays. Elle a été suivie en juin 2015 par MyBank, de la plateforme marchande incontournable Alibaba. Cette dernière dispose d’un vivier de 500 millions de clients et illustre les avantages des géants du web : une base client immense associée à une multitude de données et des capacités de traitement colossales. Baidu, avec sa banque en ligne dénommée Baixin Bank, est depuis quelques mois le dernier d’entre eux à investir le marché bancaire.
Baidu a établi un partenariat avec Citic Bank – doté d’un capital de deux milliards de yuans – et espère développer l’offre la plus large possible en termes de services financiers en ligne (placements, crédits, gestion d’actifs…), soutenus par le réseau physique de Citic Bank.
Ces nouveaux acteurs se positionnent en véritables plateformes financières puisqu’il ne s’agit pas uniquement de gérer son compte en ligne. En effet, ils permettent de placer de l’argent, gérer un portefeuille d’investissements ou encore emprunter et proposent des prêts qui s’adressent aux particuliers et PME ; répondant à une demande forte jusqu’alors sans réponse. MyBank (Alibaba) aurait ainsi enregistré trois milliards de yuans en quatre mois d’existence. Fin septembre dernier, WeBank (Tencent) a de son côté estimé à trois milliards de yuans le montant des prêts accordés à un million de particuliers.
Les acteurs des télécoms
Les banques en ligne ne sont toutefois pas exclusivement venues du monde de l’internet. Si Lenovo avait tenté d’obtenir une licence en mars 2014 avec Baidu et n’avait pas réussi, le fabricant de téléphone et opérateur chinois Xiaomi, est présent depuis mai 2015 suite à la création de Huoqibao. Le service est plutôt orienté fonds de placement car il s’appuie sur l’expertise de E-Fund Management, spécialisé en gestion de fortune en Chine.
Les parts de marché à prendre sont celles que les banques nationales dédaignent. C’est pourquoi les nouveaux établissements privés ciblent, entre autre, les prêts aux PME et entrepreneurs, le domaine des soins aux personnes âgées, de l’économie d’énergie et de la protection de l’environnement.
En Europe, le marché bancaire connait des évolutions similaires
Sur les autres continents, le marché bancaire fait également face à des transformations majeures. Les entreprise déjà établies du secteur doivent faire face à de nouveaux entrants, tels que les startups, ou encore les acteurs des télécoms ou du retail, qui sont prêts à répondre à des attentes clients en pleine évolution et non toujours satisfaites par les offres existantes.
Pour ce faire, elles s’appuient notamment sur les fintechs au travers de rachats, comme celui de Fiduceo par Boursorama en avril dernier, ou de partenariats. La BNP participe quant à elle au financement du fond français Partech Shaker créé en 2014, qui vise à soutenir des startups. Cela lui permet à la fois de réaliser une veille mais aussi d’être un interlocuteur privilégié pour se rapprocher d’un de ces acteurs en cas d’opportunité. Le groupe BPCE contribue de son côté à un challenge d’open innovation consacré aux fintechs. Ces démarches, tout comme la mise en place de partenariats à long terme avec des startups venues de l’univers des technologies, sont des moyens efficaces d’accélérer l’innovation et d’acquérir des compétences technologiques. Les fintechs sont en effet souvent très spécialisées, d’où le nom de « unicorns » parfois employé.
L’annonce récente de l’opérateur Orange de se lancer dans la banque mobile fait écho à ce qui se passe en Chine. En effet, Orange prévoit le lancement en France de sa banque mobile au cours de l’année 2017. Pour ce faire, l’opérateur est en pourparlers avec Groupama Banque dont il projette de se rapprocher. A l’instar des géants du web chinois, ses clients, au nombre de 28 millions, constituent un atout. Par ailleurs, ses 850 boutiques lui assurent un réseau de distribution physique non négligeable puisque les clients restent attachés à la possibilité d’avoir un interlocuteur physique. Son expérience du mobile constitue aussi un facteur facilitant. Enfin, tout comme les acteurs chinois avaient lancé au préalable des services de paiement comme l’Alipay d’Alibaba, Orange bénéficie d’un retour d’expérience et d’une première incursion dans le monde de la banque via son service de paiement mobile Orange Cash.
Finalement, les géants du web chinois tirent parti de leurs atouts financiers ainsi que de leur notoriété dans le pays et de leur base client pour se lancer dans la banque en ligne. Ils profitent en particulier de deux facteurs : le fort taux d’équipement mobile de la population associé à son utilisation intensive pour un large panel de services, ainsi que le faible développement du marché de la banque privé et de l’offre de prêts destinés aux PME et particuliers.
Cet essor de la banque mobile en Chine n’est pas sans similitude avec la progression du mobile banking et autres offres en ligne dans le reste du monde, de même qu’avec l’incursion d’Orange dans le monde bancaire.