MIF 2 : Protection de la Clientèle et commercialisation des produits des sociétés de gestion
On entend parler de tsunami, de révolution, de craintes pour les métiers de la gestion d’actifs mais qu’en est-il ? MIF 2, tirant les leçons de MIF 1 avec ses classifications en clients professionnels ou non professionnels, vient compléter les dispositifs de transparence et de protection des investisseurs. Les principes sont louables, mais sa mise en musique soulève de nombreux enjeux et évolutions pour la profession.
Une nouvelle gouvernance produit
L’introduction du concept de gouvernance produit tout d’abord, vise à responsabiliser tous les acteurs face au client et va nécessiter une adaptation des gammes de produits, des modèles de distribution et des typologies de conseil en investissements au client, tous les acteurs de la chaîne donc, au premier rang desquels le producteur.
La société de gestion, le « producteur », pour chacun de ses fonds, nouveau ou existant, va devoir définir une clientèle cible, ainsi qu’une stratégie de distribution adaptée à cette clientèle cible. Il reste néanmoins encore à définir la granularité de cette clientèle cible, ce qui devrait être abordée dans un avis complémentaire de l’ESMA (European Securities and Markets Authority), tout comme sur de nouvelles exigences autour de scénarios pouvant impacter négativement le fonds et à expliciter par le producteur.
De même au cours de la vie de son produit, le producteur devra reconsidérer l’adéquation de son produit avec cette clientèle cible et la stratégie de distribution associée, lors de nouvelles revues spécifiques et régulières, avec une fréquence fonction de la complexité du produit, ou dès qu’un événement impactant pourrait l’imposer. Cette revue doit aboutir à la prise d’éventuelles mesures, allant d’une simple adaptation à un arrêt des souscriptions, une information aux distributeurs, voire un arrêt des relations avec les distributeurs et une information du régulateur.
Le distributeur d’un produit n’est pas en reste et doit également définir sa propre clientèle cible pour ce produit, telle l’intersection entre sa clientèle globale et la clientèle cible du produit définie par la société de gestion. Si le distributeur est également le producteur, ce sera la même. Le producteur doit donc transmettre les éléments nécessaires à ses distributeurs (caractéristiques du produit, risques et clientèle cible explicites). En retour, il est demandé au distributeur de remonter au producteur les éléments de ses ventes, comme la typologie des clients qui ont souscrit dans le fonds, afin que le producteur puisse réévaluer sa stratégie de distribution, éléments probants à l’appui.
Dans le cas où la société de gestion et son fonds sont hors zone MIFID, le distributeur devient seul responsable de la définition de la clientèle cible, et devra s’assurer, contractuellement avec le producteur, d’obtenir régulièrement toutes les informations nécessaires pour pouvoir vérifier l’adéquation du produit avec la clientèle cible. Si la chaîne de distribution est multiple, avec des sous-distributeurs ou des plateformes de distribution, c’est le distributeur final, face au client, qui endosse cette responsabilité, et les obligations d’information descendante et de reporting ascendant devront suivre le circuit de distribution.
Cette gouvernance produit devra être approuvée par l’organe de direction, pour le producteur comme pour le distributeur, et devra figurer dans le rapport du RCCI (responsable de la conformité et du contrôle interne) mis à la disposition du régulateur.
Les concepts MIF d’adéquation et de caractère approprié réaffirmés et renforcés
De même la responsabilité du producteur, comme du distributeur, pourra désormais être engagée, pour chaque transaction d’un client sur un produit : sur les sujets d’adéquation du produit avec le profil du client (suitability) comme sur le caractère approprié, fonction de la connaissance et de l’expérience du client, notamment sur les instruments complexes (appropriatness). Les discussions sont encore nombreuses sur cette qualification d’instrument complexe, sur la classification des produits, avec des définitions de place attendues, notamment au sein du groupe de travail de l’AFG sur la gouvernance produit. Sur ces deux sujets, les éléments de tests face au client devront être formalisés et rendus disponibles en cas de contrôle.
Le client mieux informé et l’indépendance en question
En parallèle de ces nouveaux formalismes, plusieurs informations seront également dues aux clients et prospects : une information sur les coûts liés au produit, déjà essentiellement présente dans le DICI (Document d’Informations Clés pour l’Investisseur), une information dans un « média durable » sur les conflits d’intérêts des acteurs de la chaîne au cas où ces conflits n’auraient pas été gérés par des mesures adéquates (effet dissuasif), et la nouvelle mouture sur les inducements est finalement en grande partie conservée, à savoir un encadrement beaucoup plus stricte et transparent des rétrocessions au sens large, d’un acteur amont à un acteur aval dans la chaine de distribution. En effet, ce dernier sujet a été largement évoqué pour les acteurs de la gestion sous mandats et les CGPI, avec l’encadrement de l’usage du mot « indépendant », qui impliquera une interdiction de ces inducements (ou plus exactement obligatoirement reversés au client, comme pour les fonds de fonds depuis 2003), remettant en partie en cause le concept actuel d’architecture ouverte. Ces acteurs, pour l’essentiel, vont donc renoncer à l’indépendance mais devront divulguer leurs montants d’inducements et prouver qu’ils permettent une amélioration du service au client (ex : avec un accès à une gamme de produits plus large ou des revues régulières suivant les principes énoncés jusqu’ici). Il restera néanmoins quelques indépendants, qui se rapprocheront du modèle « fees only » déjà présent en Angleterre, où la réglementation RDR (« Retail Distribution Review ») a déjà mis en place dès 2012 une transparence de la rémunération des conseillers en investissement répartis en deux catégories: les « fees only » indépendants pour une clientèle essentiellement haut de gamme et prête à payer pour ce service, et les autres conseillers, percevant des rétrocessions, et affichant une notion d’intérêts partagés avec leurs clients ; deux pratiques acceptées culturellement outre-manche.
Une échéance proche et une pédagogie nécessaire
Il reste donc un an aux acteurs pour s’adapter, avec entre-temps quelques précisions et avis techniques complémentaires attendus de l’ESMA, puis les clients découvriront et rentreront à l’évidence dans un nouveau type de relation avec leurs gérants et conseillers. De la pédagogie auprès des investisseurs non professionnels retail reste nécessaire ; l’ESMA avait d’ailleurs publié dès 2014 un communiqué à leur intention sur ces sujets.