MIFID 2 : nos banques françaises sont-elles prêtes ?
Un peu plus d’un mois après la mise en application de la directive européenne MIFID 2, comment les banques traditionnelles françaises se sont préparées à l’arrivée d’une directive qui veut changer les rapports établis dans la finance et amorcer une nouvelle manière de conseiller le client final ?
Alors que MIF 1 avait permis la baisse des coûts unitaires de transaction et l’apparition de nouveaux systèmes de négociations européens avait vu le jour. La directive européenne méritait des « ajustements » selon Jörgen Holmquist, directeur général marché intérieur et services de la commission européenne en 2010, car l’investisseur final ne bénéficiait pas réellement des baisses de prix en raison des coûts de mise en œuvre de nouvelles technologies et de la diminution des tailles des transactions.
La révision de MIF 1 portée par MIF 2 rédigé à la suite de la crise de 2008 et adopté en 2014 par les membres de l’Union Européenne vise à rassurer et bénéficie à l’investisseur final en portant son action sur la protection des clients, la transparence et l’efficience des marchés.
Les banques traditionnelles françaises ont donc été fortement impactés par la directive MIFID 2 applicable depuis le 3 janvier 2018 et déploient sa mise en application malgré des points qui doivent encore être éclairci.
Réapprendre à communiquer avec le client
Le contrôle pré / post trade de MIFID 2 impose aux banques d’établir un profil client précis. Le but étant de proposer le produit financier adéquat en fonction du profil d’investisseur et de sa situation actuelle. Ainsi, les banques devront soumettre des questionnaires réglementés, attribuer une identification des personnes physiques par un code national pour définir un profil et proposer des produits ciblés répondant au « principe de meilleure exécution » imposé par MIF 2 pour le client final.
Les banques doivent désormais être capables de communiquer à leurs clients le coût des produits financiers et les commissions perçues avant (ante-post) et après (ex-post) la transaction ainsi que tout au long de la durée de vie du contrat relatif au produit financier contracté. C’est donc une modification de leur business model à laquelle sont confrontées les banques qui devront communiquer un prix de coût et de charge à chaque étape du contrat qu’ils ont encore du mal à estimer. Une difficulté supplémentaire s’ajoute pour les banques puisqu’elles ne savent pas comment réagiront les clients quand une simulation de l’impact de l’ensemble de ces coûts sur le produit financier en termes de performance leur sera remise avant la transaction et tout au long de la durée de vie du contrat du produit financier.
Les banques d’investissements sont aussi concernées. Ainsi, les banques doivent désormais communiquer et accompagner leurs clients en amont des opérations financières. Par exemple, les banques d’investissement doivent anticiper les transactions et donc accompagner leurs clients dans la demande de code LEI (identifiant d’entité juridique) dont la détention devient obligatoire pour pouvoir passer des ordres sous MIFID 2. Le problème étant que l’INSEE, l’organisme qui attribue le code LEI en France, est actuellement dans une situation d’engorgement liée aux demandes de code LEI.
De profonds changements d’organisation
La directive MIFID 2 impose également des modifications organisationnelles pour pallier aux insuffisances de la directive MIFID 1. Le premier point concerne le Reporting Des Transactions sur les instruments financiers aussi appelé RDT. Ce reporting permet la détection des abus de marché en conservant le détail de chaque transaction financière. Son périmètre a été étendu sous MIF 2 et complexifié avec 65 champs obligatoires contre 23 sous MIF 1 concernant les données à enregistrer pour chaque transaction.
Les banques traditionnelles françaises ont eu recours pour la plupart à un mécanisme de déclaration agréé rapportant le détail des transactions financières (Approved Reporting Mechanism ou « ARM ») agissant pour le compte des banques afin d’effectuer et transmettre au régulateur de RDT. Le choix d’un ARM devient un nouveau coût et un risque à maîtriser pour les banques puisqu’elles doivent s’assurer de la qualité des données, mettre en place des équipes pour le traitement, l’analyse et la résolution des données en cas de rejet.
A l’image du Reporting Des Transactions, MIFID 2 est un challenge pour les banques qui ont du apprendre à faire travailler toute les fonctions de la banque de manière transversale (équipes Front, Middle et Back Office ainsi que les équipes Compliance, Legal, Marketing et Communication) pour répondre à l’enjeu principal de MIFID 2, à savoir, la protection des investisseurs et la réduction de l’asymétrie d’information par la communication.
Enfin, pour réussir et répondre aux exigences de MIFID 2 sur la relation distributeur – client, il faut également que la relation producteur – distributeur soit transparente. Ainsi, les producteurs devront alerter les distributeurs lors de variation significative comme une baisse de 10% de valorisation, les distributeurs devront alors alerter les clients finaux. Ce schéma s’applique également au produit à effet de levier pour chaque multiple de 10. L’enjeu étant de « ne pas effrayer le client final mais bien de l’accompagner dans ses choix » comme le précise J-M Catala de Groupama Asset Management.
Des points qui restent à éclaircir
La directive vise une protection de l’investisseur notamment via la protection de ses données au sein de l’Europe. Le Brexit est donc un point d’attention à suivre, particulièrement au niveau des ARM qui ont pu être utilisés par des banques de l’Union Européenne mais hébergés au Royaume-Uni. Il faudra donc statuer sur la question des données hébergées hors Union Européenne lors des négociations post-Brexit.
Ensuite, la facturation des coûts de recherche des analyses financières aux gestionnaires d’actifs est un point bloquant pour les distributeurs et pas seulement les banques. En effet, la difficulté est d’estimer un prix pour un service qui était jusqu’à présent considéré comme gratuit et de savoir comment répercuter ce nouveau coût soit en absorbant ce coût ou en le faisant payer au client.
Enfin la question des sanctions est au centre des débats actuels. Comment L’AMF sanctionnera si toutes les réglementations liées à MIFID ne sont pas mises en place dans les banques ? A cette questions l’AMF ne précise pas si un plan de sanction va être mis en place, elle relate toutefois, qu’elle est consciente des difficultés liées à la mise en place des processus et à l’interdépendance des textes entre les différents acteurs et qu’elle prendra en compte les efforts des banques à traiter en priorité les points les plus critiques et présentant un planning détaillé des points restants à mettre en conformité.