Monnaies alternatives #1 : les monnaies locales
Internet et plus généralement le développement des technologies associées au sentiment d’une situation économique inefficace et dégradée, ont fait apparaître de nouvelles façons de réaliser des transactions entre particuliers et professionnels avec des systèmes monétaires parallèles à celui des monnaies dites « légales » ou « officielles ». Ces systèmes monétaires parallèles se distinguent entre les systèmes monétaires locaux et les systèmes monétaires et de paiement généralisés ayant une dimension beaucoup plus internationale et disposant d’un système de cotation similaire à celui des monnaies officielles.
Nous allons essayer de comprendre en 2 actes, quels sont les enjeux et les risques portés par ces monnaies alternatives à la fois pour les territoires, pour l’économie, pour les acteurs financiers du marché que sont les banques et pour les consommateurs. Aujourd’hui, nous traitons dans notre 1er acte la question des monnaies locales.
Qu’est-ce qu’une monnaie locale ?
Une monnaie locale ou monnaie complémentaire, est une monnaie non soutenue par un gouvernement national et qui ne dispose pas d’un cours légal à proprement parlé. Inexistantes il y a encore 5 ans, une trentaine de monnaies locales cohabitent en France et à peu près autant sont à l’étude. Une monnaie locale peut prendre différentes formes, virtuelle ou physique et sa valeur d’échange est généralement simple soit 1 unité de monnaie locale = 1€.
Pourquoi les monnaies locales se sont développées ?
Déjà de 1932 à 1933 pendant la grande dépression et dans un contexte économique difficile, une expérience de monnaie locale a été introduite dans la ville de Wörgl en Autriche. Elle avait pour vocation de re-dynamiser l’économie sur le territoire pour contrer le chômage, réduire la dette et limiter les impacts de l’inflation. De nombreux résultats positifs ont été observés mais, perçue comme une violation du pouvoir de la banque centrale cette initiative a été interrompue.
De la même façon les monnaies locales ont connu un réel essor après la crise financière de 2008 et ne cessent encore aujourd’hui de prendre de l’ampleur, avec notamment la création il y a quelques jours du « Nissart » dans la capitale Azuréenne.
Enfin, la loi de Juillet 2014 sur l’économie sociale et solidaire reconnaît officiellement le titre de « monnaie locale complémentaire » ce qui a poussé un certain nombre de collectivités locales à saisir l’opportunité de développer leur propre monnaie complémentaire .
Quels sont les avantages et les risques portés par ces monnaies locales ?
L’utilisation d’une monnaie locale complémentaire présente un certain nombre d’avantages pour le territoire concerné :
- Soutien à l’économie locale : une monnaie locale est par définition utilisable sur un territoire restreint, elle favorise donc le soutien à l’économie locale et plus particulièrement la consommation de produits fabriqués localement. La consommation de produits locaux tend donc à favoriser l’exploitation des ressources propres au territoire comme la main d’œuvre
- Dynamisation de l’économie : une monnaie locale circule beaucoup plus rapidement qu’une monnaie classique ce qui accélère significativement la fréquence des transactions et dynamise l’économie du territoire
- Affranchissement fiscal : une monnaie locale n’est pas toujours en conversion paritaire avec l’euro, ceci peut entraîner un déport de la TVA et donc permettre un allègement fiscal dans certaines circonstances. Le consommateur, par ce mécanisme, supportera également une charge de TVA moins importante. Le risque de fraude pointé du doigt par le conseil économique, social et environnemental n’est pas non plus sans impact sur le paiement de la TVA.
Néanmoins, l’utilisation d’une monnaie locale n’est pas sans conséquences
- Contrôle du système monétaire : une prolifération importante des monnaies locales pourrait rendre difficile le contrôle de la masse monétaire en circulation sur le territoire. Les mesures prises notamment par la BCE pour agir sur l’économie pourraient alors se révéler moins efficaces que prévu
- Manque d’ouverture nationale : une monnaie locale ne peut être utilisée que sur un territoire donné. Elle n’est pas échangeable à l’échelle nationale et son utilisation importante peut conduire à un manque d’ouverture économique du territoire
- Des flux perdus pour les banques : Les monnaies locales échappent aux transactions bancaires classiques. Ce mode de fonctionnement entraîne une perte de flux pour les banques qui par un effet multiplicateur sur les territoires, n’est pas sans conséquences sur leur revenu
Quelles évolutions ?
Les monnaies locales ne représentent pas un risque majeur pour la stabilité de la monnaie européenne, mais cela dépendra néanmoins de la multiplicité des initiatives que l’on pourra observer dans les prochaines années et donc du sentiment de santé économique des consommateurs et des entreprises. D’autres monnaies doivent être contrôlées de manière beaucoup plus importante car elles sous-tendent quant à elles des enjeux majeurs pour l’économie et les échanges nationaux ou internationaux (blanchiment, financements illicites, produits d’investissements…). Il s’agit des monnaies virtuelles généralisées telles que le Bitcoin, ce sera le sujet de notre second chapitre…