Quelle réglementation pour encadrer l’activité Fintech ? – Tour du monde
Contraction de Finance et Technologie, le terme Fintech désigne des starts-up offrant des services financiers via des technologies innovantes et cherchant à délivrer une expérience client fortement digitale. D’après l’étude « Fintech and the evolving landscape », les Fintech ont levé plus de 22 milliards de dollars en 2015 à travers le monde. 51% de ce montant concerne l’Amérique du Nord, quand l’Europe représente 13% des montants collectés durant la même période.
Parfois pris de vitesse par ces nouvelles arrivantes sur le marché, les régulateurs légifèrent aujourd’hui pour assurer l’encadrement de leur activité.
En quoi consiste la réglementation ?
Une réglementation actuelle à deux vitesses
En France, dès lors qu’une entité souhaite exercer des activités bancaires, d’assurance ou de services d’investissement, celle-ci doit obtenir un agrément de l’ACPR. Par conséquent, ces établissements sont soumis à de fortes contraintes réglementaires telles que la régulation prudentielle (accords de Bâle III) ou encore les régulations de conformité (devoir de conseil, protection de la clientèle…).
A l’inverse des établissements financiers traditionnels qui couvrent le plus souvent l’ensemble des activités financières, chaque Fintech tend à se spécialiser sur un créneau bien précis : service de paiement, financement des particuliers / professionnels, gestion du compte-courant…
En pénétrant le marché par segment, ces starts-up bénéficient ainsi d’une réglementation plus souple. En effet différents statuts, moins contraignants que les statuts bancaires, d’assurance ou de sociétés de gestion sont accessibles aux Fintech. Les principaux étant CIF (Conseiller en Investissement Financier), IOBSP (Intermédiaire en Opération de Banque et Service de Paiement) ou encore IFP (Intermédiaire en Financement Participatif). Par exemple, la start-up française de crédit aux PME, Lendix, 32ème au classement 2016 Fintech 100 de KPMG, est enregistrée comme un Intermédiaire en Financement Participatif auprès de l’ACPR.
Une volonté des régulateurs de mieux encadrer les Fintech
Selon une étude menée conjointement par Capgemini, l’association européenne Efma et le réseau social LinkedIn auprès de 8 000 clients de banque de détail dans 15 pays, 50,2% des clients déclarent utiliser les services d’au moins un acteur alternatif aux établissements traditionnels pour des opérations de banque au quotidien. Au vu du développement des investissements dans les Fintech et de leur utilisation croissante par les clients, les Banques Centrales ainsi que les régulateurs financiers internationaux souhaitent renforcer la réglementation liée à ce secteur. L’objectif affiché n’étant pas de les encadrer fortement mais plutôt de les accompagner dans un cadre réglementaire adapté, ne freinant par leur évolution.
Quelles sont les principales initiatives prises par les régulateurs mondiaux ?
L’attribution de licences bancaires
Le régulateur bancaire américain, l’OCC (Office of the Comptroller of the Currency) a annoncé fin 2016 le lancement d’attribution de licences bancaires aux Fintech offrant trois activités (dépôts, chéquiers et prêts). Jusqu’à présent, ces starts-up n’étaient pas soumises à un contrôle strict et devaient uniquement s’enregistrer auprès de la SEC et des Etats dans lesquels elles opéraient. En contrepartie de l’attribution de la licence bancaire, ces sociétés devront mettre en place des procédures de contrôle et de maîtrise des risques, des capitaux et liquidités solides et des mesures de protection des consommateurs.
Le système de sandbox
Ce système consiste à obtenir la permission du régulateur local d’expérimenter en situation réelle les nouveaux services dans un cadre réglementaire spécifique et allégé. Plusieurs pays ont adopté récemment ce type de système :
L’exemple Britannique
L’une des premières places financières au monde, la capitale Britannique s’est lancée très tôt dans la régulation et l’accompagnement aux Fintech. Ainsi en plus du système de sandbox, la Financial Conduct Authority (FCA) a lancé en 2014 le projet Innovate qui permet de donner des conseils aux sociétés à propos de la régulation lors du lancement d’un nouveau produit.
L’exemple Suisse
Souhaitant attirer les Fintech au sein du pays, le Conseil Fédéral souhaite introduire en 2017 une licence bancaire spécifique à ce secteur et créer un cadre favorable ou les starts-up pourront tester leur modèle, hors des contraintes réglementaires habituelles. Ces sociétés ne seraient donc pas soumises aux lois strictes de l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA).
L’exemple Singapourien
Voulant devenir le 1er hub d’Asie des Fintech, le régulateur local Monetary Authority of Singapore (MAS) a lancé fin 2016 un programme de régulation sandbox encourageant ces jeunes sociétés à expérimenter et innover. Si l’expérimentation devient un succès, la société devra néanmoins, après un délai prévu à l’avance, se mettre en conformité avec la réglementation.
La réglementation proportionnelle à la taille des acteurs
En juillet 2016, l’AMF et le Gouverneur de la Banque de France ont inauguré le forum Fintech rassemblant les acteurs Fintech et les régulateurs afin de faire évoluer le cadre réglementaire et l’adapter au développement de ces starts-up. En parallèle, un pôle de spécialistes dédié à l’innovation et aux Fintech a vu le jour en collaboration entre l’ACPR et l’AMF, leur permettant de n’avoir qu’un seul interlocuteur réglementaire. Néanmoins, dans le cadre du respect de l’équité de traitement , le système de sandbox ne sera pas appliqué à la France, qui prône un système de proportionnalité des règles visant à « adapter la réglementation à la taille et aux risques encourus par les acteurs » selon François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France et président de l’ACPR.
S’il semble y avoir une concurrence au niveau des actions menées par les régulateurs mondiaux afin d’attirer les Fintech sur leur territoire respectif, une réglementation trop restrictive ne pourrait-elle pas au contraire freiner la croissance de ces jeunes sociétés, voir représenter une menace ?