Quelle trajectoire pour la transformation numérique des banques de détail ?
Évolution des comportements client : accélération d’une tendance historique
Le trend historique montre que les clients se rendent de moins en moins en agence et utilisent de plus en plus les canaux automatiques ou à distance. On observe une baisse de la fréquentation des agences de l’ordre de 5% par an depuis environ 10 ans. Alors que plus de la moitié des français (52%) se rendaient encore plusieurs fois par mois dans leur agence il y a quelques années, ils ne sont plus que 21% à le faire aujourd’hui. Plusieurs facteurs nous amènent à penser que cette tendance va encore s’accélérer dans les années à venir, des signaux qui doivent mettre les banques en mouvement alors qu’elles sont encore loin d’avoir toutes intégré l’importance du virage du numérique.
1er Facteur – L’évolution des équipements : vers des clients mobinautes
La généralisation des équipements en Smartphones et Tablettes et l’utilisation de l’internet mobile (respectivement 56% de mobinautes et 30% des tablonautes) impliquent que l’expérience numérique est vécue au quotidien par les clients. Le nombre de Smartphones a dépassé celui des ordinateurs, d’ici 2020, les vitesses de connexions sans fil auront atteint celles délivrées par la fibre optique aujourd’hui et le temps passé sur l’internet mobile est de 36% du temps de connexion total. Ces évolutions montrent à quel point les clients seront de plus en plus enclins à utiliser leur appareil mobile au quotidien et dans tous les domaines, y compris celui de la banque, l’enjeu n’est plus seulement celui de l’internet mais du mobile.
2ème Facteur – La transformation numérique hétérogène des secteurs d’activité
Tous les secteurs d’activité ne sont pas au même stade de leur transformation digitale. L’offre clients en matière d’outils digitaux, de canaux automatisés n’est pas la même partout et certains acteurs offrent aujourd’hui des qualités de service, de suivi et de réactivité que le client ne retrouve pas avec sa banque. Il se retourne donc légitimement vers son banquier et lui demande pourquoi il ne peut pas suivre l’avancée de son dossier de crédit en temps réel ou prendre un rendez-vous avec son conseiller en 2 clics sur son smartphone. Il s’agit donc d’une réelle demande des clients qui font pression sur leur banque et qui n’hésiteront pas à s’orienter vers ceux qui répondent à leurs besoins.
3ème Facteur – La confiance de plus en plus forte des clients envers les Fintech
De nouveaux acteurs dans et hors du monde bancaire proposent des services financiers et notamment des moyens de paiement et du crédit. Selon une étude menée par Goldman Sachs, la baisse des profits des banques américaines face au crowdfunding représentera 11 milliards de dollars par an pour les 5 prochaines années. Le modèle américain est traditionnellement plus ouvert aux financements hors banque mais la dynamique existe déjà en France et la part de marché du crowdfunding est croissante (114 M€ collectés en 2014 hors dons soit deux fois plus qu’en 2013). Il faut rajouter à cela le fait que la moitié des français et particulièrement les jeunes, sont favorables à l’ouverture du marché des services bancaires à d’autres secteurs tels que la grande distribution ou le e-commerce. Cette tendance devrait être de plus en plus forte avec le renouvellement progressif des clientèles des banques par les nouvelles générations.
Quel avenir pour les réseaux d’agences physiques ?
Malgré cette accélération du changement des comportements, l’agence physique reste pour les clients un facteur déterminant dans le choix d’une banque. 38% d’entre eux jugent la proximité de l’agence comme prioritaire derrière la possibilité d’effectuer les opérations soi-même. Nous sommes donc dans une double attente de la part des clients avec à la fois la volonté d’avoir plus d’autonomie mais aussi de pouvoir se rendre en agence quand ils en ressentent le besoin.
Vers une évolution des modèles d’agence
Les modèles d’agence doivent donc évoluer pour répondre à cette double exigence. 2 français sur 3 sont favorables à la création de banques sans guichet et près de 70% attendent plus de compréhension des besoins spécifiques à chaque client et une posture axée « conseil » plutôt que « vente ». L’agence de demain n’aura plus pour rôle d’effectuer des opérations basiques et de guichet telles que les opérations transactionnelles. Les agences seront spécialisées ou divisées en espaces spécialisés avec des « conseillers experts ». L’agence comme l’application smartphone sera un canal contributeur au sein du parcours client et au-delà de l’expertise des conseillers. Ce qui fera la différence, ce sera aussi et surtout la capacité du conseiller à identifier de manière systématique et via des outils adaptés, les événements clés pour un client qui déboucheront sur une intervention humaine directe. La faible voire quasi inexistante exploitation des données que les banques ont à leur disposition ne permet pas ce positionnement du conseiller aujourd’hui. Néanmoins, plusieurs groupes bancaires s’attaquent au sujet à travers la structuration des data ou encore la refonte de CRM. L’exploitation des données permettra de dresser des profils clients précis et complets, de personnaliser la relation ou encore de développer de nouveaux partenariats avec des acteurs commerciaux, qui représentent des sources de PNB additionnel. Les banques devront cependant être réactives pour se positionner efficacement face à des concurrents comme Facebook, ayant pour ambition de développer des services financiers et maîtrisant déjà la collecte et l’exploitation des data ainsi que leur commercialisation.
Quels facteurs clés pour une transformation réussie ?
Une évolution des façons de travailler : les banques devront être capables de limiter la bureaucratie, accélérer les temps de traitement et s’inscrire dans une logique de transversalité. Les comportements de travail devront donc être plus agiles pour s’adapter aux exigences de suivi, de réactivité et de qualité de service des clients. Il s’agit avant tout d’une véritable évolution de la culture d’entreprise, des méthodes de travail et de la perception qu’ont les collaborateurs de leur travail au quotidien. L’évolution de « l’humain » est un facteur indispensable pour transformer sa relation client.
Des compétences et des profils différents : les collaborateurs en interne devront disposer à la fois de compétences métier mais également de compétences numériques face à des consommateurs de plus en plus affutés aux nouvelles technologies. Ceci implique une modification des processus de recrutement mais aussi des profils ciblés. L’agilité numérique des collaborateurs sera donc un élément clé et en particulier pour le réseau commercial mais aussi pour les opérateurs des Back Office. Les profils devront être capables d’interagir plus souvent et directement avec des clients. La fonction de Chief Digital Officer et les nouveaux profils tels que les data scientist et analystes devraient être de plus en plus présent. La fonction Marketing devrait donc naturellement tendre vers la création de structures de data analyses lorsque l’expérience permettra d’en réduire le coût et d’exploiter pleinement le potentiel du Big Data.
Un nouveau modèle organisationnel : Cette évolution des façons de travailler et des compétences s’accompagnera naturellement d’une évolution de la structure organisationnelle des front-office aux back-office. Pour les front-office il faudra répondre à la question de la revue du modèle distributif sur le territoire et à l’évolution des concepts d’agences. Les postures des conseillers seront centrées sur le conseil à valeur ajoutée dans des moments clés pour les clients avec une capacité à exploiter les données dans une logique de proactivité. Pour les Back-office, ils devront continuer à évoluer vers des activités de middle-office pour accompagner le réseau commercial et les clients sur des questions très spécifiques dans une logique « circuits court ».
Une évolution des systèmes d’information : Pour répondre à ces enjeux, les plateformes utilisateurs mises à disposition devront être plus intuitives, plus centrées sur les parcours clients avec une logique moins industrielle. Elles devront être capables de prendre en charge facilement de nouveaux outils et applications. Les cycles des projets SI devront être beaucoup plus courts que ceux qui existent actuellement et les équipes projets devront adopter de réelles méthodes agiles permettant de s’adapter rapidement à un environnement en constante mutation et pour faire face à des futurs concurrents qui maîtrisent déjà ces modes de travail tels que Google, Amazon ou Apple.La transformation numérique tourne encore trop souvent autour de projets qui cherchent avant tout à développer des outils, il est encore trop souvent une affaire technique alors que la réussite d’une transformation passera avant tout, comme nous avons pu le voir, par la culture, la vision, l’impulsion et les orientations stratégiques qui seront données par les directions générales. La capacité des banques à accélérer pleinement leur transformation numérique dépendra aussi de la réactivité des gouvernements pour faire évoluer une réglementation encore non adaptée et insuffisamment transparente pour un tel mode de fonctionnement.