Dans un contexte de plus en plus contraignant avec un durcissement de la réglementation, une pression sur les tarifs, un changement aussi bien au niveau des produits que de la clientèle, et un développement inévitable des nouvelles technologies, l’univers de la gestion d’actifs est engagé dans une transformation en profondeur et aborde une nouvelle étape de son développement.

Comment expliquer la « révolution » constatée dans l’industrie de la gestion d’actifs au cours des dernières années ?

Face aux changements majeurs constatés dans l’industrie de la gestion d’actifs, les sociétés de gestion doivent assurer une constante innovation dans les solutions proposées pour assurer une amélioration de l’expérience client.  En effet, l’environnement de la gestion d’actifs connait une concurrence accrue qui s’intensifie à mesure que les exigences réglementaires se font plus strictes et que le besoin de transparence vis-à-vis des clients s’impose comme une nécessité.

Une réglementation de plus en plus accrue qui impacte négativement les marges des gérants

Parmi les principales réglementations ayant impacté l’industrie de la gestion d’actifs , nous pouvons lister les suivantes :

  • UCITS V: vise de manière générale à améliorer l’efficacité du marché unique en facilitant la libre circulation au sein de l’UE des OPCVM qui se conforment à un ensemble de règles communes dites de coordination et portant notamment sur l’ouverture du capital, les instruments financiers éligibles et la division des risques
  • MiFiD2: vise à renforcer la transparence des opérations des acteurs financiers pour protéger les consommateurs des produits financiers
  • PRIIPs: vise à uniformiser l’information précontractuelle remise aux investisseurs non professionnels pour les produits d’investissement et dépendante d’actifs sous-jacents
  • Volcker rule : vise à éviter le financement d’actifs risqués par des dépôts garantis par l’Etat fédéral. Cette loi interdit notamment aux établissements bancaires de pratiquer le proprietary trading, c’est-à-dire la spéculation pour leur propre compte, et prévoit aussi de fortes restrictions sur la détention de participations dans des hedge funds ou des fonds de private equity.
  • Solvency 2 : impose aux assureurs de placer leurs actifs, non pas seulement en fonction du rapport rendement / risque, mais aussi de la relation risque / consommation de fonds propres.

MiFiD2, PRIIPs, Volcker rule, UCITS 5, Solvency 2, … sont donc autant de réglementations auxquelles les sociétés de gestion doivent faire face et qui pèsent de façon inéluctable sur leurs marges. En effet, pour assurer une conformité aux nouvelles exigences réglementaires, les sociétés de gestion ont recours à des ressources consacrées à la compliance, au risque et au contrôle interne. Ces ressources induisent donc une hausse des charges alors même que les frais de gestion sont en baisse et que les investissements dans les produits à fort rendement sont de plus en plus faibles.

Comment donc surmonter cette problématique de coût ? Deux solutions s’imposent :

  1. Une consolidation de l’industrie pour les très grands groupes qui mettent en place une politique d’acquisition et qui bénéficient de ce fait d’économies d’échelle. A l’instar d’Amundi qui s’est porté acquéreur de Pioneer (filiale de gestion d’actifs d’Unicredit) ; Oddo qui a acquis Meriten & BHF Bank et enfin Rotschild & Co Gestion qui a annoncé un projet de fusion avec la Compagnie Financière Martin Maurel.
  • Il est à noter que pour éviter toute fusion qui pourrait être « destructrice de valeur », certaines sociétés de gestion envisagent plutôt une mutualisation de moyens à travers des partenariats avec leurs concurrents.

Une hyperspécialisation pour les petites structures qui cherchent à se différencier en se spécialisant sur des niches tout en conservant de meilleures marges. A l’instar de THEAM, issu de la fusion entre BNP Paribas CIB et BNP Paribas Investment Partners, et spécialisé en gestion indicielle, systématique active, garantie et alternative.

Une évolution des profils des investisseurs qui nécessite une constante adaptation et innovation dans les solutions proposées par les gérants

Outre le volet réglementaire qui oblige les gérants à concevoir des solutions répondant aux nouvelles contraintes, l’industrie de la gestion d’actifs connaît également un changement majeur au niveau de sa base clientèle. Autant d’éléments qui confirment le besoin des gérants à assurer une constante innovation dans les solutions proposées.

La croissance démographique constitue une bonne nouvelle pour les gérants dans le sens où cela représente plus d’épargne à gérer. En revanche, cela nécessite également une adaptation dans les produits offerts par les gérants car la différence générationnelle suppose forcément des attentes clients/aptitudes au risque différentes.

  • A titre d’exemple, les « baby-boomers » favorisent des performances durables en prenant moins de risques contrairement aux plus jeunes générations qui quant à elles sont plus aptes à prendre des risques dans leurs choix d’investissements.

Par ailleurs, les investisseurs accordent de plus en plus d’importance aux résultats de leurs placements plutôt qu’à leurs performances relatives ; ce qui explique le regain de popularité des « multi-asset solutions ».

  • Ce sont en effet, des solutions qui offrent un rendement plus élevé à moindre coût à travers un portefeuille diversifié classique intégrant plusieurs classes d’actifs et une allocation plus dynamique

L’ère du numérique et des nouvelles technologies : un nouvel enjeu qui bouscule la gestion d’actifs

Les nouvelles technologies impactent de façon inéluctable l’industrie de la gestion d’actifs et créent aussi bien des menaces que des opportunités pour les sociétés de gestions classiques.

La principale menace concerne la possibilité à de nouveaux acteurs – notamment certaines entreprises du Web comme Google, Facebook ou Amazon –  de pénétrer le marché de la gestion d’actifs. Ces nouveaux acteurs ont un avantage certain lié à leur capacité à traiter un volume plus important de données et à disposer davantage d’informations sur les investisseurs finaux.

C’est dans ce contexte qu’il est essentiel pour les gérants d’investir dans les technologies. En faisant cela, les gérants pourront non seulement stocker d’importants volumes de données et être plus efficace dans l’exécution des tâches ; mais ils pourront également approfondir leurs connaissances clients et par conséquent mieux répondre à leurs besoins.

Par ailleurs, l’introduction des plateformes digitales «  robo-advisors » dans l’industrie de la gestion d’actifs constitue également une opportunité indéniable pour les sociétés de gestions traditionnelles qui les perçoivent plus comme des partenaires que des concurrents directs. En effet, tout en proposant un service instantané, accessible en permanence et par n’importe quel canal – any time, any where, any device – les robo-advisors apportent une vraie amélioration de l’expérience client. Ils permettent également de s’adresser à une population avec un fort potentiel futur (Générations X, Y & Millenials), et misent sur l’éducation financière de l’investisseur et sur sa responsabilisation autour de la décision d’investissement.

Face à ces enjeux, comment les sociétés de gestion peuvent-elles maintenir une efficacité de leur modèle opérationnel ?

Parmi les éléments qui semblent être indispensables pour assurer une efficacité du modèle opérationnel des sociétés de gestion, nous nous concentrerons sur les trois suivants :

  1. La qualité des données: tout en répondant aux exigences réglementaires (Bâle II, BCBS 239, etc.), une bonne qualité des données permettra aux gérants d’accroître leur flexibilité, d’améliorer leur temps de réponse et par conséquent de rester compétitif tout en assurant un service de meilleure qualité.
  2. Les opportunités digitales: en investissant dans les nouvelles technologies, les sociétés de gestion pourront améliorer chaque élément de leurs chaines de valeur :
  • Asset acquisition : les gérants pourront améliorer leurs offres à travers une meilleure exploitation de la donnée client grâce à une intégration aux réseaux sociaux ; mais aussi fidéliser la relation client en automatisant les activités de marketing (par exemple, lancement de campagne de publicité automatiquement adapté aux besoins des clients)
  • Portfolio management : les gérants pourront améliorer la définition de leurs stratégies d’investissement en se connectant aux plateformes qui partagent de façon publique les idées d’investissement d’autres sociétés de gestion
  • Asset administration : les gérants pourront réduire leurs coûts et améliorer l’efficacité de leurs modèles en investissant dans les nouvelles technologies pour leurs activités de middle et back office notamment.
  1. L’outsourcing: en réévaluant leurs priorités d’outsourcing et en se focalisant sur leurs compétences clés, les gérants créent plus de valeur. En effet, une partie du Front Office (pre-trade compliance, commoditised trade execution, cash&currency management) est exécutée plus efficacement par des compagnies tierces.

Ainsi, dans un tel contexte de pression réglementaire, de besoin de transparence, et surtout de pression sur les tarifs, n’est-il pas plus avantageux de favoriser une gestion passive par rapport à une gestion active ?En effet, la gestion passive permet de répondre aux exigences réglementaires puisqu’elle permet non seulement de faire baisser les frais de gestion mais impose également aux gérants de démontrer que les tarifs proposés sont bien justifiés tout en générant une performance voire supérieure, notamment dans un marché haussier, que la gestion active.