Dans le cadre de l’ordonnance du 9 août 2017 portant transposition de la directive DSP2 du 25 novembre 2015, un amendement a été voté le 8 février à l’Assemblée nationale pour encadrer la pratique du « cashback »[i]. Actuellement à l’étude au Sénat, le projet de loi de ratification fixe ainsi les règles de droit interne de cette pratique, déjà applicable depuis l’entrée en vigueur de DSP 1 en 2009. Ce projet vise à concilier les objectifs de modernisation du marché des services de paiement et de protection des consommateurs.

En quoi consiste le cashback ? Le principe est simple. Le consommateur peut disposer d’espèces en contrepartie d’un paiement par carte correspondant au prix du bien acheté augmenté du montant des espèces ainsi obtenues. Ainsi, si le consommateur souhaite acheter une baguette à un euro, il peut, à la caisse de la boulangerie, régler 11 euros par carte bancaire et le commerçant lui rendra alors 10 euros en espèces.  Deux opérations sont donc réalisées en une seule : le paiement du bien ou du service et un retrait en espèces. Ce service se base sur le volontariat des commerçants, qui selon leur situation personnelle, le territoire où ils sont situés et le montant d’espèces qu’ils ont à traiter, développeront cette activité.

 

Un mode de consommation à succès en Europe

Dans certains pays européens, le cashback est proposé (Italie, Belgique, Allemagne, Royaume-Uni, Espagne notamment).  En Belgique par exemple, selon la FCD, 6 % des transactions bancaires aux caisses des magasins donnent lieu à du cashback.[ii] Quant au Royaume-Uni, le montant moyen d’une opération de cashback s’élève à 28 euros, le montant maximum étant de 112 euros[iii]. En moyenne, selon la BCE, le cashback en Europe représente 2% du montant retiré et est de l’ordre de 15 euros. En Allemagne, ce système a, de surcroît, permis à une Fintech de se développer. En effet, la néobanque mobile sans agence N26 s’est alliée au réseau de supermarchés Rewe pour permettre à ses clients de retirer de l’argent sans frais[iv]. En France, le cashback est déjà proposé aux clients du Crédit Agricole. La banque mutualiste a créé en 1989 le concept de « points verts ». 6 000 commerçants de proximité ont alors accepté de délivrer des espèces à leurs clients, à la condition qu’ils soient titulaires d’un compte au Crédit Agricole. Dans ce cadre, 180 000 opérations de retrait sont effectuées chaque année, pour lesquelles les commerçants reçoivent 82 centimes d’euro de commission pour chaque opération.

 

Le cashback : facteur d’attractivité pour les commerçants, opportunité pour les consommateurs

Le cashback présente des avantages à la fois pour les commerçants et pour les consommateurs.

Tout d’abord, le commerçant peut redistribuer plus rapidement les espèces qu’il reçoit dans le cadre de l’exercice de son activité, mais aussi pérenniser son activité.

Pour les consommateurs, cette pratique est attendue. Aujourd’hui, 55% des transactions sont effectuées en argent liquide. Ces transactions représentent 5% des montants[v]. Le cashback permet alors de réduire le nombre d’opérations de retrait, améliorant ainsi l’efficacité des paiements. De plus, ce service est un nouveau moyen de diversification pour le retrait des espèces du consommateur.

En particulier, ce service assure la qualité de la circulation de la monnaie fiduciaire sur l’ensemble du territoire. Cette fonction peut alors devenir essentielle dans certaines zones ayant un maillage pauvre en distributeurs de billets. Selon le Groupement Cartes Bancaires, il existe plus de 57 000 distributeurs automatiques en France, soit environ 850 par million d’habitants. Cependant, les distributeurs de billets sont répartis de manière inégale sur le territoire. De nombreuses agences ferment dans certains villages ou petites villes, du fait de la baisse de la fréquence. 3% des Français jugent l’accès à un distributeur difficile selon l’enquête de la BCE[vi]. Ainsi, dans les territoires ruraux où les distributeurs de billets sont plus rares, les consommateurs, en particulier les personnes âgées et à mobilité réduite, pourront accéder à des liquidités directement à la caisse des commerces de proximité. La pratique étant nouvelle en France, les consommateurs devront être bien informés lors de la prestation de ce service.

 

Les risques liés au cashback : le « cashblack »[vii]

Cependant, le cashback présente deux principaux risques : le risque de blanchiment et le risque de fraude. En effet, cette pratique est moins sécurisée que le paiement par carte, dont une trace est gardée. La circulation de monnaie au travers de ce service pourrait donc servir aux économies parallèles. Afin d’encadrer ce service, les commerçants devront distinguer dans leur comptabilité ce qui ressort de leur propre chiffre d’affaires et ce qui revient au retrait d’espèces.

Pour pallier à ce risque, un plafond de retrait sera défini dans l’amendement. Actuellement, le seuil n’a pas été fixé par l’Assemblée nationale. Lors de la dernière session, un plafond de 150 euros avait été évoqué[viii]. Par ailleurs, la Fédération du commerce et de la distribution (FCD) a estimé qu’un montant de 100 euros correspondrait aux besoins des consommateurs[ix]. C’est pourquoi, la Banque de France jouera un rôle de modérateur du service et sera en mesure de restreindre ou d’élargir ce service en cas d’augmentation anormale de faux billets en circulation.

 

 

 

 

[i] http://www2.assemblee-nationale.fr/documents/notice/15/rapports/r0607/(index)/depots

[ii] http://www.leparisien.fr/economie/quand-le-commercant-se-transforme-en-distributeur-de-billets-18-02-2018-7566783.php

[iii] http://www.leparisien.fr/economie/a-londres-vous-pouvez-retirer-de-l-argent-au-pub-18-02-2018-7566795.php

[iv] https://www.latribune.fr/entreprises-finance/banques-finance/retrait-d-especes-en-magasin-le-cash-back-debarque-en-france-767845.html

[v] http://www.rtl.fr/actu/debats-societe/cashback-quand-le-commercant-se-transforme-en-distributeur-de-billets-7792345363

[vi] (https://www.latribune.fr/entreprises-finance/banques-finance/retrait-d-especes-en-magasin-le-cash-back-debarque-en-france-767845.html

[viii] https://www.lesechos.fr/finance-marches/banque-assurances/0301301432783-bercy-leve-un-coin-du-voile-sur-lencadrement-du-cashback-2154031.php).

[ix] https://www.latribune.fr/entreprises-finance/banques-finance/le-cash-back-pourrait-etre-limite-a-150-euros-768519.html