Crue de la Seine à Paris : quelles leçons peut-on en tirer ?
La Préfecture de Police de Paris organisait, du 7 au 18 mars 2016, l’exercice de gestion de crise Sequana 2016 visant à planifier, sensibiliser et
gérer la reprise de l’activité en cas de crue centennale. Dans la nuit du 3 au 4 juin 2016, la Seine a atteint un pic à 6,10 mètres.
Bien que le pic de crue ne soit pas comparable à celui de 1910, les conséquences financières et humaines de cette cruesont considérables. Quelles sont alors les leçons que nous pouvons tirer de cette crue ?
Les conséquences de la crue
La crue de juin dernier a entraîné de nombreuses perturbations et provoqué des pertes financières. En effet, la SNCF a annoncé le 2 juin l’interruption du RER C, la circulation sur les voies sur berge a été interrompue entraînant de graves perturbations pour des milliers d’usagers. Plusieurs musées ont également été fermés, dont le Louvre, afin d’évacuer les œuvres en réserve. De plus, selon l’Argus Assurance, près de 80 000 sinistres ont été déclarés et un coût global de 2 milliards d’euros a été évoqué.
19 000 foyers ont été privés d’électricité dans le Loiret et l’Ile de France et près de 20 000 personnes ont été évacuées. Les conséquences humaines ont également été importantes car la crue a causé la mort de 4 personnes et blessé 24 autres.
Malgré l’exercice de crise organisé par la Préfecture de Police de Paris pour prévenir cet événement, la crue de juin dernier a mis en évidence des failles dans la modélisation de saisonnalité de la crue, ainsi que des dysfonctionnements opérationnels comme la panne des capteurs de mesure lors du suivi de cette catastrophe. Ces éléments doivent conduire les autorités, les collectivités et les entreprises à revoir les dispositifs et procédures de prévention et protection en place.
Des faiblesses dans le dispositif de prévention et de détection…
Une première faiblesse réside dans la modélisation de saisonnalité de l’évènement. En effet, la crue de juin dernier est intervenue en dehors de la période de risque maximum qui s’étend de novembre à mars. La notion de saisonnalité n’est pas pertinente dans le cadre d’une crue centennale car celle-ci a une faible probabilité d’occurrence. De même, les hypothèses de vitesse de montée des eaux, basées sur les données de 1910, ont
été remises en question par l’épisode de 2016. En effet, la montée des eaux a été bien plus rapide (deux fois plus) dans la réalité que ce qui est travaillé dans les scénarios de crise.
Un second dysfonctionnement a été mis en exergue : les indicateurs de mesure. En effet, pendant plusieurs heures le pic de la crue de Seine a été sous-estimé du fait d’un problème technique. Les capteurs ont cessé de fonctionner et une mesure de contournement manuelle a dû être mise en place. Ce dysfonctionnement est probablement dû à des déchets qui ont percuté les capteurs de mesure et a causé un temps de réponse plus long de la part des opérateurs entraînant un déclenchement tardif des mesures de protection.
Le dernier problème rencontré lors de la crue de juin dernier concerne le dimensionnement des solutions mises en œuvre pour contenir la crue : les lacs-réservoirs. Ce système est censé éviter une crue aussi importante que celle de 1910. Cependant, dès le 27 mai dernier, ils étaient à 90% de leur capacité de stockage. Cette situation s’explique notamment par le fait que l’apport des affluents de la Seine ait été sous-estimés lors de la modélisation du scénario de crise.
Le niveau de la Seine aurait donc pu monter de façon considérable si les précipitations s’étaient maintenues du fait de la saturation des bassins de rétention en amont de Paris.
…qui peuvent être comblées
Le premier axe d’amélioration concerne la sécurité des indicateurs de mesure. Bien qu’ils soient déjà protégés au sein des puits dans la Seine, ces protections n’ont pas permis de sécuriser les capteurs pendant la montée des eaux. La protection de ces capteurs est essentielle puisque les plans d’actions sont déclenchés en fonction du niveau des eaux.
Le second axe d’amélioration porte sur la planification d’un nouvel exercice de simulation de crue. Ce prochain exercice de crise sera l’occasion pour les autorités de revoir les dispositifs et procédures de prévention et de protection ainsi que les scénarios de crue et tout particulièrement la saisonnalité. En effet, la crue de juin dernier nous prouve qu’il n’est pas pertinent d’établir une période de risque maximum. Par conséquent, la notion de saisonnalité ne devrait pas être un paramètre pour se préparer à une crue centennale. Les autorités et établissements doivent donc être en mesure de gérer ce type d’évènement tout au long de l’année. Si les autorités les collectivités locales et les entreprises classées opérateurs d’importance vitale (OIV) vont participer à un nouvel exercice de simulation, les grands groupes bancaires ont également un rôle à jouer. Ces établissements devront effectuer un audit de leur dispositif et s’exercer au-delà de cet exercice de place. Car le seul moyen de gérer une telle situation de crise est de s’exercer afin de tester les dispositifs en place et de favoriser la coordination des acteurs.
La crue de juin 2016 n’est pas comparable à celle de 1910, et pourtant les dégâts ont été conséquents et les perturbations nombreuses. Cependant, cette crue aura permis de mettre en exergue les dysfonctionnements et difficultés rencontrés par les autorités, collectivités locales et entreprises pour se préparer à une crue centennale aussi conséquente que celle de 1910.
Cette crue n’est que la 7ème plus importante depuis 1910, et bien que peu probable, la crue centennale est un risque réel auquel nous devons faire face : n’oublions pas que 5 crues dont le pic dépassait 6,50 mètres ont été recensées entre 1910 et 1960.