Ces dernières années, la place de la Conformité au sein des grandes Banques de Financement et d’Investissement françaises a fortement changé. D’une simple fonction de contrôle, les BFI ont fait de la Conformité une véritable culture, un axe de développement mis en valeur dans tous leurs plans stratégiques. BankObserver se propose de faire un état des lieux de la place de la conformité au sein des banques en discutant du chemin parcouru et des enjeux encore à relever.

De la Fonction à la Culture Conformité

Le rôle de la fonction est de protéger l’établissement en gérant le risque de non-conformité. Ce risque est défini par le Comité de Bâle comme un risque de sanction judiciaire, administrative ou disciplinaire, de perte financière, d’atteinte à la réputation du fait de l’absence de respect des dispositions législatives et règlementaire, des normes et usages professionnels et déontologiques, propres aux activités des banques.

A la suite de multiples amendes, les BFI ont décidé d’investir massivement dans leur département de conformité. Par exemple, ces cinq dernières années, les effectifs de la direction de la conformité de Crédit Agricole Corporate & Investment Bank (CACIB) ont progressé de plus de 40 %. Ainsi, CACIB entend sécuriser la maîtrise des risques dans son plan « Ambition Stratégique 2020 ».

CACIB n’est pas le seul groupe à mettre en valeur sa fonction Conformité. Pour ce faire, les BFI ont décidé d’appliquer une approche dite de « Conduct Risk ». Selon l’ACPR, le Conduct Risk « peut se définir comme le risque encouru par les clients, les institutions financières ou les marchés, du fait des comportements inappropriés d’un ou plusieurs acteurs des secteurs de la banque ou de l’assurance, qu’il s’agisse d’une institution financière ou de ses personnels ». La vente de produits qui ne sont pas adaptés aux besoins du client ou encore l’existence de conflit d’intérêt entre vendeurs et clients sont des exemples concrets de « misconduct » que les banques ont à gérer.

Dans cet optique, les banques ont décidé de réviser leurs Codes de Conduite (BNP, CACIB, Natixis, Société Général). Existants dans certains établissements depuis 2008 comme à la BNP, ces codes ont été revus en profondeur pour s’adapter à l’évolution règlementaire et éthique du marché mais aussi pour renforcer la place de la fonction Conformité au sein de l’organisation.

Les limites de cette approche

Malgré le désir de changer les comportements au sein des organisations, nous remarquons que le discours du management des banques résonne difficilement jusqu’au strates éloignées des Directions Générales. Concernant l’implémentation des codes de conduites au sein de leurs banques respectives, les avis des opérationnels divergent fortement selon leur fonction mais une idée commune en ressort, l’essence des codes de conduites présentée par le top management est peu relayée par le middle management. Certains vont jusqu’à remettre en question l’existence même de ces codes en argumentant qu’il n’ait nul besoin de rédiger de genre de code lorsqu’on connait son métier et les règles qui lui sont propres. D’autres, à l’inverse, estiment que les codes de conduites restent trop vagues et qu’il existe un réel besoin d’établir des règles strictes dans l’intérêt de tous les collaborateurs.

Si les opinions sur le sujet ne s’accordent pas, les amendes, quant à elle, continuent d’affluer. L’été dernier, l’ACPR infligeait une amende de cinq millions d’euros à la Société générale parce qu’elle a manqué à ses obligations en matière de lutte contre le blanchiment d’argent. Dans le même temps, la BNPParibâs écopait d’une amende de dix millions d’euros pour la même raison.

Sur quels leviers les banques peuvent-elles agir ?

Force est de constater que le chemin vers une vraie Culture Conformité est encore long. Les BFI se doivent de poursuivre leur travail de transformation managériale et culturelle.

La conduite du changement passe tout d’abord par une transformation managériale qu’il faut mener au sein des organisations. Le discours du middle-management diffère souvent des axes développés par le top-management. Pour remédier à cela, il est primordial de replacer la fonction Conformité au centre de l’organisation de la banque et de ne plus la considérer comme une simple fonction support. Introduire des critères de respect des codes de conduite lors des évaluations annuelles parait pertinent pour porter cette transformation et ainsi réduire les effets néfastes du pilotage par la performance financière.

En parallèle, pour transformer les comportements, les banques ont, pour la plupart, choisi l’option des formations en ligne, ou e-learning. On observe une certaine inefficience de ces formations obligatoires que la plupart des collaborateurs déclarent faire par contrainte et sans en mesurer l’importance.

Les premiers changements sont donc à réaliser par une formation en présentielle, à minima auprès des collaborateurs dont la fonction représente le plus de risque. Les Front-Office, en contact régulier direct avec le client, doivent faire l’objet d’une attention particulière. A l’heure actuelle, le passage de la certification AMF (ou l’équivalent dans les pays étrangers), suivi d’un entretien avec des collaborateurs du département de Conformité, suffisent à pouvoir engager la banque dans une transaction pour le reste d’une carrière. Il apparait comme nécessaire de mettre en place un suivi plus régulier des collaborateurs exposés via des formations spécifiques et plus régulières.

La fonction Conformité a parcouru beaucoup de chemin depuis la naissance des premiers contrôles au sein des banques. Si le discours des Directions Générales semble bien orienté pour faire des BFI des organisations plus éthiques, il semblerait que beaucoup de sujets restent à être adresser à un niveau plus opérationnel. La transformation culturelle doit donc être incarnée au plus haut niveau, avec un sponsorship fort de la Direction, et permettre une prise en compte du critère de bonne conduite à tous les niveaux de l’organisation