Aujourd’hui, l’automatisation des machines ne se fait pas que dans les usines. Ce phénomène touche également des métiers dit « prestigieux » tels que les métiers de la finance et plus précisément ceux du trading. Dès l’année 2000, le MIT Technology Review  affirmait que sur les 598 traders qui officiaient pour le compte de Goldman Sachs au sein du bureau de New-York, il n’en resterait plus que deux. D’autre part, on apprend également que le travail effectué par un ingénieur a pu remplacer celui de trois traders. Ces évolutions dans le monde de la finance sont liées à une révolution qui ne cesse de s’accélérer et de se banaliser : le « trading algorithmique » aussi appelé « trading à haute fréquence ». Avec une part de marché de 60% sur Euronext et près de 90% aux États-Unis, le Trading Haute Fréquence (THF) est devenu incontournable ces dernières années . Beaucoup en parlent mais peu en connaissent les tenants et les aboutissants…

 

Qu’est-ce que le trading à haute fréquence ou trading algorithmique ?

Un robot trading ou encore le trading à haute fréquence n’est rien d’autre que la résultante d’algorithme de trading. Concrètement, ce sont des codes qui permettent, en toute autonomie, à un logiciel, de réagir à différentes fluctuations des marchés financiers en omettant complètement l’aspect psychologique que revêt le métier de Trader. On distinguera trois types de robots :

  • Les robots trading actifs 

Les robots trading actifs sont les plus communément utilisés. Ces derniers appliquent les instructions inscrites dans leur code de façon continue. Ils ouvrent et clôturent les ordres sur les marchés sans aucune intervention extérieure. Ils fonctionnent en toute autonomie et le cœur de leur réussite réside dans la capacité du code à s’adapter aux différentes évolutions des marchés.

  • Les robots trading passifs 

Ces algorithmes sont paramétrés différemment. Ils sont qualifiés comme étant « passifs » car ils ont pour vocation d’analyser les marchés et d’avertir le trader dans le cas où une configuration similaire à celle à laquelle il doit réagir se présente. Ces algorithmes n’ont pas un rôle d’acheteur ou de vendeur, ils n’ont pas non plus un rôle de conseil mais un rôle d’alerte afin de tenir en éveil le trader sur les évolutions du marché auxquelles il doit s’intéresser.

  • Les robots advisors

Les plus connus par le grand public sont les « robots advisors ». Utilisés en banque de détails ou en banque privée afin de réaliser les allocations d’actifs, ils sont souvent assimilés à une aide pour le conseiller clientèle ou le banquier privé. Ces applications conçues par les banques permettent, en fonction du profil risque/rendement du client, de lui proposer l’allocation d’actifs la plus adaptée à son profil.

Néanmoins, à l’heure où le trading « amateur » se vulgarise, on observe la naissance d’une multitude de plateformes qui permettent à des non-professionnels d’investir sur les marchés financiers. Cela n’est pas sans risque car l’algorithme est souvent programmé pour prendre un maximum de risque et les non-initiés peuvent y laisser des plumes.

 

Intérêts et limites du trading à haute fréquence pour les banques 

Certaines le perçoivent comme une opportunité pour l’économie, d’autres comme un véritable danger, mais qu’en est-il vraiment ?

Une banque qui investit massivement dans le trading à haute fréquence peut en tirer deux avantages principaux:

  • Le coût : la mise en place du THF a permis aux banques de réduire leurs efforts de recrutement tout en maintenant, voire en augmentant, leurs productivités. Les traders sont peu à peu remplacés par des machines qui ne nécessitent que peu de maintenance.
  • Liquidité : la vitesse d’exécution entraîne une intensification des échanges qui se traduit par une augmentation des liquidités disponibles.

Du côté des limites observées, la démocratisation du trading à haute fréquence a rendu son utilisation facile. Les non-professionnels peuvent accéder à des plateformes en ligne tels que « Binbotpro ». Ce site donne accès à plusieurs logiciels de trading tels que « Rising East » rendu célèbre par le vol du code utilisé par Goldman Sachs. Les prix d’entrée vont de 250€ à 3000€. Ces logiciels ont des stratégies qui sont payantes seulement si les conditions du marché sont favorables. La plupart de ces logiciels sont ont fait leur apparition suite aux vols de codes auprès des banques. Ces dernières s’abstiennent de déposer des brevets, afin de ne pas dévoiler leur « cuisine interne ».

Les algorithmes responsables de krach boursiers ?

Le THF est soupçonné d’être responsable de mouvements brutaux des cours sur les marchés.  En accélérant les transactions, il est capable de faire augmenter ou chuter les cours en un court lapse de temps. A tel enseigne que l’algo-trading aurait provoqué la chute du Dow Jones de 1.175 en une seule journée à la fin du mois de janvier 2018. Un autre exemple est celui du « flash crash » du 6 mai 2010. Ce jour-là, en 4 minutes et 30 secondes, le Dow Jones a perdu 1000 milliards de dollars (cinq fois le PIB du Portugal en 2016).

La vélocité et la complexité des robots trader échappent parfois à l’esprit humain et peuvent engendrer des dérives sur les marchés. La mainmise des algorithmes de trading sur les marchés est susceptible de conduire à une déshumanisation du métier de banquier d’affaires. Cependant, nous aurons toujours besoin d’ingénieurs afin de faire évoluer les algorithmes.

 

Le cadre règlementaire : les Etats-Unis déjà bien armés contre les effets du THF

Aux Etats-Unis, le trading algorithmique a déjà plus d’ancienneté et surtout un cadre légal bien plus avancé :

  • La SEC (Securities and Exchange Commission) surveille le comportement des sociétés de trading à haute fréquence et sanctionne quand les règles ne sont pas respectées,
  • Le MIDAS (Market Information Data Analytics System) oblige les THF à collecter tous les ordres modifiés, annulés et échoués afin de les envoyer à la SEC,
  • Le RSCI (Regulation Systems Compliance and Integrity) est en charge de mettre en place de nouvelles règles afin de tester les algorithmes et leur effets potentiels sur les marchés,
  • La FINRA (Financial Industry Regulatory Authority) qui est sous surveillance de la SEC, répertorie les sociétés pratiquants le trading à haute fréquence. Ces dernières sont soumises à plusieurs stress tests et sont sous surveillance de la FINRA qui supervise la quasi-totalité des courtiers opérants sur les marchés financiers,
  • Enfin, la CFTC (Commodity Futures Trading Commission) est chargée de la supervision sur les marchés des matières premières et des dérivés aux Etats-Unis.

L’Europe, quant à elle, est encore en réflexion sur la mise en place de son cadre règlementaire avec deux textes qui définissent le THF:

  • La directive MIF II (Marchés des Instruments Financiers) : elle a pour objectif de « garantir l’égalité des conditions de concurrence sur les marchés financiers et permettre à ceux-ci de servir l’économie, au soutien de la croissance et de l’emploi »,
  • La directive MAR (Market Abuse Regulation) : elle a pour rôle d’empêcher les manipulations de cours des indices de référence (EURIBOR, LIBOR) et de lutter contre les abus de marchés. L’ESMA (European Securities and Markets Authority) se chargera de définir le cadre règlementaire et d’apprécier les sanctions envisageables en fonction des différentes situations.

 

Plusieurs idées sont débattues comme le fait de conserver les algorithmes au moins durant 5 années, d’envoyer le détail des codes aux autorités compétentes ou encore de communiquer les informations détaillées sur les transactions (identité de l’investisseur, ration d’ordres annulés, etc.) Ces informations pourront, par exemple, permettre d’identifier des abus de marchés potentiels (quote stuffing, spoofing, etc.). En somme, de nombreux travaux de régulation du trading algorithmique sont à mener pour assurer une utilisation sécurisée face aux nouveaux risques qu’ils générent sur les marchés financiers.