C’est une révolution dans le secteur financier : l’apparition des FinTech est venue bouleverser les codes établis en s’appuyant sur les technologies numériques pour déployer des services financiers innovants. Venues rivaliser avec les acteurs traditionnels, les FinTech affichent des performances records avec une hausse des investissements de près de 75% entre 2015 et 2016. Elles démontrent une réelle motivation à se faire une place dans une industrie qui a généré en 2013 plus de 33 milliards d’euros en Europe. Mais la révolution ne se limite pas seulement à ces mutations technologiques et digitales, elle est également briguée par des bouleversements sociétaux et culturels impulsés par la génération Y.

Aussi connue sous le nom de « Millenials », cette génération d’individus nés entre 1980 et 2000 est en passe de devenir les consommateurs et les travailleurs de demain. Nés avec internet, un smartphone à la main, ils constituent la première génération « digitale native » qui a grandi dans un monde marqué à la fois par l’émergence des nouvelles technologies et par les crises économiques et financières. Fidélité aux marques, expérience client, usages digitaux ou conscience sociale, leurs habitudes de consommation constituent une rupture avec les générations précédentes obligeant les marques et les acteurs traditionnels à repenser leurs stratégies.

L’enjeu pour les FinTech est donc d’identifier comment exploiter ces leviers pour séduire cette nouvelle génération qui représentera la moitié de la population active, et qui pèsera plus de 7 milliards de dollars en actifs liquides d’ici 2020. Quels atouts ont donc les FinTech pour séduire cette nouvelle génération ? Comment adaptent-elles leurs stratégies à ces nouveaux consommateurs ?

Un contexte économique et social favorable à l’accroissement des FinTech

Lorsque l’on se penche sur les raisons qui dissuadent les Millenials à investir, 7% d’entre eux évoquent leur manque de confiance envers les conseillers financiers et 9% envers les marchés en général. Paul Redmond affirme que ce n’est pas la période durant laquelle les individus sont nés qui définit une génération, mais ce qui s’est passé durant cette période. Force est de constater que les Millenials ont grandi dans un contexte socio-économique difficile marqué par l’éclatement de la bulle internet puis la crise des subprime. Ces événements ont changé leurs attentes envers les institutions financières et provoqué un scepticisme général envers le monde de la finance. Cette méfiance a conduit les Millenials à opter pour des services financiers désintermédiés qui offrent une transparence totale. C’est à ce besoin que répondent les plateformes d’investissement ou de prêts participatifs comme Lendix ou KissKissBankBank. Investir par le biais du crowdlending permet à l’investisseur de reprendre le contrôle de son investissement, de s’engager et d’aider des projets d’entreprises qui ont du sens pour lui.

Par ailleurs, les Millenials ont développé une pensée responsable, écologique et accordent de l’importance aux valeurs ainsi qu’à leur conscience sociale. Cet état d’esprit est aussi une des caractéristiques de cette génération. Selon une étude menée par Cone Communication, 84% des Millenials affirment être plus enclins à consommer des biens ou services respectueux des critères RSE. Les Millenials ne considèrent ainsi plus l’argent comme le seul facteur de succès mais valorisent les marques qui prennent en considération la dimension écologique et sociale de leurs actions. Ainsi, certaines FinTech jouent sur la transparence et promettent d’investir dans des projets en ligne avec le système de valeur de cette génération. Par exemple, la plateforme Aspiration s’est spécialisée dans la finance durable en permettant à l’investisseur à la fois de sélectionner un projet socialement responsable pour placer son argent mais aussi de déterminer le pourcentage de commission qu’il souhaite reverser à la start-up. Ainsi, au travers ces offres, les Millenials peuvent concilier conscience sociale et désir de rentabilité de leurs investissements.

Un autre facteur de différenciation de cette génération se trouve du côté de son rapport et sa fidélité aux marques. Elle privilégie la qualité de la relation et la satisfaction des services proposés à l’ancienneté et la pérennité de la relation. La génération Y affiche clairement sa désaffection pour les services bancaires puisque selon une enquête FirstData, 71% des Millenials préfèrent aller chez le dentiste plutôt que d’écouter le discours de leur banquier. De cette manière, en 2017, la génération Y est celle qui se montrait la plus disposée à sortir de l’écosystème traditionnel puisque près des deux tiers déclarent avoir déjà eu recours aux services financiers non-traditionnels contre 44% pour les membres des autres générations.

Des business models en phase avec les codes et les projets identitaires de la génération Y

Greffés à leur téléphone portable, la technologie est une évidence pour cette génération dite « digitale native ». Les taux d’équipement en téléphones mobiles dépassent les 98% chez les 18-39 ans. Ils sont habitués à vivre dans un monde digitalisé où l’instantanéité est la norme. Cette connectivité permanente donne ainsi l’opportunité aux FinTech, ayant développé des services entièrement digitaux, de capter cette clientèle habituée à obtenir ce qu’elle souhaite au moment où elle le souhaite. Ces start-ups ont donc fait preuve d’une grande agilité stratégique : elles ont su identifier le gap entre les attentes de la génération Y et l’offre des firmes traditionnelles ; mais aussi capitaliser sur les dernières technologies pour offrir des services financiers instinctifs et rapides. En effet, cette génération perçoit encore les processus d’ouverture d’un compte comme longs et complexes et exprime une forte volonté de simplification. Les FinTech ont donc su dédiaboliser les services financiers tout en les adaptant aux usages mobiles de la génération Y. Débarrassés des procédures longues et fastidieuses, un virement entre amis se fait désormais en quelques clics sans avoir à saisir la trentaine de caractères d’un IBAN sur des plateformes comme Lydia. De même un paiement peut se faire directement à partir d’un smartphone sans utiliser sa carte bancaire.

Par ailleurs, les Millenials affichent une ouverture à l’introduction de nouvelles technologies dans les services financiers puisque 55% d’entre eux se disent prêts à interagir avec un service d’intelligence artificielle. Cette maturité en matière d’usage et de confiance dans les services digitaux constitue ainsi un atout pour les FinTech qui ont placé l’usage des nouvelles technologies au cœur de leur proposition de valeur.

La génération Y est donc, certes, digitale native, mais elle affiche surtout une grande sensibilité aux coûts dans un environnement qui les a habitués à obtenir des quantités d’informations gratuitement. C’est sur cet aspect qu’ont joué notamment les robo-advisors en démocratisant l’accès aux marchés financiers, comme Betterment ou Robinhood qui permettent d’investir pour quelques dollars de frais de courtage. Ces robos-advisors répondent également à un autre besoin : ils ne se contentent pas de réduire les coûts, ils permettent également de s’adapter à un profil unique en fonction des choix et des attentes du consommateur, afin de proposer un service entièrement personnalisé qui répond avec précisions à leurs besoins.

Une expérience client réinventée au cœur de leur stratégie de développement

D’autre part, en témoigne le succès de l’économie collaborative, les rapports à la propriété ont changé. Les Millenials n’ont désormais plus besoin de posséder, ils sont à la recherche d’une expérience de consommation qui doit passer par le plaisir et le divertissement, et surtout des parcours clients plus fluides et instinctifs. Selon le magazine INC, 76% d’entre eux préfèreraient dépenser de l’argent pour une expérience plutôt que pour des biens matériels. Les services financiers n’échappent pas à cette règle : certaines FinTech ont misé sur la gamification et l’UX design et se sont attachées à offrir des services ludiques. Elles ont réinventé les parcours clients pour susciter l’engagement du consommateur et le fidéliser. Parmi elles, on peut citer Moroku qui propose d’ajouter une dimension ludique et divertissante à la gestion des comptes. Au travers d’interfaces ultra-désignées, la start-up propose un service financier permettant aux consommateurs de faire appel aux mêmes moteurs psychologiques que ceux suscités par les jeux vidéo.

Un autre atout est à chercher du côté des appétences sociales et collaboratives qui fait partie intégrante de l’ADN de cette génération. Ainsi, certaines FinTech ont capitalisé sur cette caractéristique pour ajouter une dimension communautaire à leurs services financiers. C’est le cas par exemple de eToro, plateforme de trading social, qui permet aux utilisateurs de s’inspirer des stratégies des autres membres inscrits.

Il faut finalement comprendre que cette nouvelle génération cherche à retrouver dans le secteur bancaire et financier les mêmes codes que ceux qu’elle utilise au quotidien. Elle manifeste la volonté de pouvoir, tout en utilisant un service financier, satisfaire ce besoin de divertissement perpétuel, suivre sa communauté et interagir avec ses amis, disposer de messageries instantanées et satisfaire ses besoins en quelques clics. Ce sont ainsi ces codes que les FinTech ont su s’approprier et réinventer pour parler à cette nouvelle génération. Elles ont su imaginer de nouvelles solutions répondant mieux aux besoins de cette génération en matière de personnalisation, de simplicité, de rapidité et de transparence tout en s’adaptant à ses modes et moyens de communications. Elles ont joué à la fois sur le digital et le social pour délivrer un service rapide et agile, accessible partout, à tout instant et en apportant un service performant.