Le contexte économique et réglementaire a favorisé l’essor de l’Open Banking et de nouveaux acteurs bancaires.

Conjoncture économique, concurrence et règlementation sont aujourd’hui les trois éléments clés qui impactent la rentabilité des établissements bancaires. Sur le plan économique alors que le manque de dynamisme de la croissance joue sur le volume de la demande, les banques doivent en parallèle travailler avec des taux historiquement bas qui pèsent sur les marges. A titre d’exemple, le taux moyen du crédit immobilier en France sur les mois d’avril et mai 2018 étaient respectivement de 1,47% et 1,46% et devraient se maintenir jusqu’à la fin de l’été.

Evoluant dans un environnement toujours plus concurrentiel, les établissements bancaires doivent également faire face à l’arrivée sur le marché d’une nouvelle forme de concurrence représentée par les néo-banques et les fintechs. Ces nouveaux acteurs, à l’image d’Orange Bank, Lendix ou Lydia réinventent la relation client et les principaux usages bancaires obligeant ainsi les banques traditionnelles à revoir leur modèle de distribution et à adopter des stratégies d’acquisition et d’intégration de ces acteurs.

Enfin, sur le plan règlementaire la banque doit faire face à une série de nouvelles mesures imposées par les autorités prudentielles. Qu’il s’agisse du respect de ratios de capital et de solvabilité (Règlementation Bale III entrée en vigueur en 2013 et mise en vigueur probable d’un « Bale IV » en 2019) ou des récentes directives IFRS 9, Mifid et GDPR, ces mesures impactent l’ensemble des métiers et conduit le secteur bancaire à transformer en profondeur son organisation.

Dans ce contexte, l’enjeux consiste à identifier de nouveaux leviers de création de valeur et d’amélioration de la rentabilité. Si la revue des modèles de distribution, la digitalisation de l’organisation ou encore la performance des modèles opérationnels sont des sujets déjà identifiés avec de nombreux projets sont en cours, le partage et l’exploitation des données semblent de plus en plus intégrer les schémas directeurs et orientations stratégiques de la banque.

En ce sens, DSP2 (ou Directive sur les services de paiement 2) pourrait s’avérer être une opportunité. Cette Directive Européenne, entrée en vigueur le 13 janvier 2018, vise entre autres à reconnaitre les acteurs financiers tels que les agrégateurs et les services de paiement. Elle impose également aux établissements bancaires d’ouvrir l’accès à leurs systèmes d’informations pour partager les données clients via un canal de communication sécurisé dénommé API (ou Interface de programmation interopérable).

Il existe aujourd’hui deux types d’API :

  1. Les API dites d’information qui permettent d’obtenir des informations clients sur l’épargne, les crédits, les cartes bancaires etc.
  2. Les API dites de service, utilisées pour les paiements, simulations de crédits, études de solvabilité etc.

Le partage de données via les API, qu’il soit rendu obligatoire par la règlementation ou non, ouvre la porte de l’Open Banking et permet aux banques de collaborer avec de nouveaux acteurs financiers. Ces acteurs peuvent ainsi tirer tout l’avantage possible du partage et de l’exploitation de la donnée pour intégrer le processus bancaire et s’insérer au cœur de la relation client : certains évoquent la désintermédiation de la relation client. Dans cette désintermédiation, les nouveaux acteurs prennent en charge certaines opérations clients pouvant ainsi remettre en cause le positionnement des établissements bancaires traditionnels. Afin d’éviter de se transformer en simples fournisseurs de Back-Office ceux-ci sont donc amenés à se réinventer et à revoir en parti leur modèle économique.

Le modèle économique Open Banking adopté par les établissements bancaires dépendra du niveau de désintermédiation qu’ils sont prêts à accepter.

Pour l’heure, 3 modèles économiques autour de l’APIsation et de l’Open Banking semblent se dessiner :

  1. Le développement d’API en interne :

Par ce modèle, les banques souhaitent garder la main sur l’ensemble du processus bancaire et offrir l’expérience la plus complète possible au client. La banque développera des API à usage interne pour l’ensemble des métiers du groupe.

  1. Le développement de partenariats avec fintechs et autres acteurs du secteur financier :

Dans ce cas, les banques développent des API qui seront proposées à des acteurs du secteurs qui deviendront des partenaires. Ces acteurs offrent le plus souvent des services visant à compléter l’expérience client de la banque, ce qui lui permet de transférer partiellement la relation client à des partenaires qui eux, s’affranchissent des barrières réglementaires.

  1. L’adoption du modèle « Bank as a platform » :

La banque se transforme en « Supermarché de produits financiers » dans lequel fintechs, développeurs d’applications et autres acteurs du secteur pourront utiliser les API et les données clients. Via ce modèle les banques cherchent le plus souvent à déléguer la relation client, réduire les coûts de structure et le Time to market.

Dans le cadre de DSP2, il est imposé aux banques de fournir gratuitement l’accès aux données pour les agrégateurs et services de paiements. En revanche, pour tous les services non mentionnés dans la directive, l’enjeu réside dans l’évaluation du potentiel des API. D’ailleurs, comme l’explique Joao Simoes, Directeur des Opérations à la Direction Informatique de la Bred aux Echos : «Tout le monde se cherche encore, on a du mal à distinguer les interfaces de programmation (API) qui généreront des revenus de celles qui n’en généreront pas ».

Les établissements bancaires français ont pris la mesure des enjeux sur le partage des données clients et semblent de plus en plus se transformer en « Bank as a platform ».

Les banques françaises montrent un intérêt de plus un plus important pour l’Open Banking et la désintermédiation de tout ou partie de la relation client. Elles optent donc pour des modèles permettant d’élargir au maximum la diffusion des produits et services :

  • BPCE: Le Groupe BPCE devrait ouvrir à court terme sa place de marché proposant des API d’informations et de services à des acteurs tiers. Les produits et services proposés sont le plus souvent commercialisés en marque blanche.
  • Société Générale: Le groupe vend ses produits en marque blanche en passant par des partenaires sélectionnés, notamment les néo-banques. Une plateforme de mise à disposition d’API devrait voir le jour en 2019.
  • Crédit Agricole SA : Considéré comme le pionnier français de l’Open Banking, le Crédit Agricole a effectué ses premiers pas DSP2 en 2012 lors du lancement de CA store. Le concept : lancer une plateforme d’open API permettant à de nouveaux acteurs de développer des applications en se basant sur les API Crédit Agricole. Cette plateforme a permis à la banque de constituer un réseau de partenaires « Digiculteurs » et de maitriser l’écosystème qui utilise ses données.
  • BNP Paribas: Le groupe met à disposition des API via la plateforme OpenBank Project. L’idée étant une fois de plus de proposer des API à un réseau d’acteurs du secteur bancaire.

En Europe, les deux banques britanniques HSBC et Barclays ont chacune développé une plateforme d’open API dans laquelle elles proposent des API d’informations liées à la localisation des agences et distributeurs, aux produits et services ou encore aux informations clients. Chez notre voisin outre-rhin, Deutsche Bank affirme sa volonté de s’engager dans une réelle stratégie Open Banking. Elle a d’ailleurs récemment acquis Quantiguous Solution, start up indienne qui va l’accompagner dans le développement et l’amélioration sa plateforme Open API. A ce jour la banque allemande propose déjà des API d’informations sur ses clients et leurs comptes bancaires. De nouvelles API sur la solvabilité client, les informations cartes bancaire ou les portefeuilles d’investissement devraient voir le jour prochainement.

La palme d’or européenne de l’Open Banking revient à BBVA, deuxième banque espagnole derrière Santander, qui a lancé en 2017 sa plateforme d’Open Banking avec 8 API. BBVA a fait le choix d’entrer de plein pied dans la désintermédiation de la relation client et déclarait à ce sujet au journal Les Echos qu’« être désintermédié n’est pas un problème si cela permet de mieux gagner sa vie ».