Le terme « Fintech », contraction de « Finance » et « Technologie », désigne une start-up innovante qui s’appuie sur la technologie et mise sur l’évolution des usages clients pour repenser les services bancaires et financiers. Prêt au particulier, prêt aux entreprises, transfert d’argent, compte bancaire sans banque, conseiller en gestion robotisé… la quasi-totalité des métiers financiers sont ciblés.

Or, secteur financier rime avec règlementations. Ainsi, comment se positionnent ces start-up financières dans un environnement si règlementé ? Et quel regard porte le régulateur à leur égard ?

L’apparition des Fintech, une difficulté supplémentaire pour le régulateur

Bâle 3, MIFID 2, AIFM… l’actualité règlementaire est particulièrement dense dans l’industrie financière et bancaire. Si les autorités de régulation (l’AMF et l’ACPR) avaient déjà fort à faire avec les acteurs traditionnels, l’arrivée des Fintech ne va pas leur faciliter la tâche. Réguler ces start-up technologiques est en effet loin d’être trivial.

Des obstacles très variés

Premier écueil, la règlementation actuelle. Pour Corso Bavagnoli, chef du service du financement de l’économie à la Direction Générale du Trésor, le développement des Fintech « engendre un changement de paradigme car la réglementation financière a jusqu’à présent été bâtie autour des acteurs existants ». La règlementation actuelle, n’est, de fait, pas adaptée aux nouveaux entrants que sont les Fintech et doit être repensée pour les intégrer.

Autre difficulté, la technologie. Dans le secteur bancaire, l’innovation se traduisait, jusqu’à très récemment, par une grande complexité dans la création de produits financiers. Désormais, le premier vecteur  d’innovation est la technologie. Blockchain, intelligence artificielle ou Big data sont autant de termes que l’on associe aux Fintech. Cependant, les enjeux et risques relatifs à ces nouvelles technologies sont encore mal maîtrisés. L’annonce du Financial Stability Board (FSB) d’étudier les implications des technologies – et particulièrement de la Blockchain – sur la stabilité financière mondiale illustre ces préoccupations.

Dernier point à prendre en compte : le risque de comparaison avec des pays plus favorables aux Fintech. Grâce notamment à leur dimension technologique, les Fintech, sont facilement délocalisables. Des obstacles trop importants pourrait les pousser à s’exporter à l’étranger dans un pays où la règlementation est moins contraignante. De plus, le passeport européen permet à des Fintech ayant obtenu un agrément bancaire dans un pays européen où le régulateur est moins exigeant, d’exercer en France. Une règlementation française trop lourde reviendrait à les faire fuir vers des pays voisins plus attractifs.

Un challenge pour le régulateur

Ces obstacles incitent légitimement le régulateur à la précaution. Une dérégulation totale ne servirait ni l’économie, ni les banques, ni les Fintech, ni le client final. D’un autre côté, les Fintech participent à l’économie française via la création d’emplois qualifiés ou l’innovation dans les services. Aussi, il serait contraire aux intérêts économiques français de tuer dans l’œuf le mouvement amorcé.

C’est un réel défi qui se présente donc au régulateur : protéger l’investisseur, le client et l’économie tout en accompagnant le développement de l’écosystème Fintech français. Par ailleurs, un trop grand attentisme du régulateur pourrait handicaper les Fintech française face à leurs homologues étrangers. Challenge difficile donc, mais aussi particulièrement intéressant.

Fintech avantage ou barrière

La règlementation, atout ou barrière pour les Fintech ?

Avantage aux Fintech ou aux acteurs traditionnels ?

Le contexte juridique et règlementaire a permis l’arrivée des Fintech. Pour illustration, le cadre juridique favorable à l’open data et aux API, leur a permis d’accéder à une vaste quantité d’information bancaire.

Un autre avantage pour les Fintech est leur spécialisation. Leurs activités se cantonnant souvent à un métier spécifique (le prêt au particulier ou le transfert d’argent par exemple), elles sont concernées uniquement par la règlementation relative à ce métier. Les banques ont, à contrario, un spectre d’activités bien plus large et doivent composer avec une multitude de règlementation.

Si ces points sont globalement partagés, d’autres suscitent le débat. Certains estiment ainsi que la règlementation actuelle est une barrière à l’entrée protégeant les acteurs traditionnels tandis que pour d’autres les Fintech jouissent d’avantages illégitimes par rapport aux acteurs de la place.

S’il est difficile de faire la lumière sur ces avis opposés, le poids règlementaire est effectivement important pour les banques et assurances. BNP Paribas avait estimé à 500 millions d’euros le coût des nouvelles taxes et règlementation sur son résultat net pour l’année 2016. Le montant investit dans la mise en conformité ne pourra mécaniquement pas être mis au service de l’innovation et les services.

Du côté des Fintech, la difficulté et la longueur pour obtenir un agrément en France sont souvent mises en exergue. Il a par exemple fallu deux ans d’échanges entre la Fintech Prêt d’Union et l’ACPR pour lui permettre d’obtenir l’agrément d’ « établissement de crédit prestataire de services d’investissement ». De plus, le coût de mise en conformité règlementaire peut se révéler conséquent pour ces petites structures et représenter ainsi une réelle barrière pour les Fintech.

L’agrément, un argument commercial et marketing

Un « grand actif marketing». C’est en ces termes que Geoffroy Guigou, fondateur de Prêt d’Union, décrit l’agrément  obtenu par son entreprise. C’est aujourd’hui encore, la seule Fintech agrémentée établissement de crédit prestataire de service d’investissement. Outre sa valeur règlementaire, l’agrément est un fort argument commercial et un facteur de différenciation. Il peut en effet permettre de rassurer sur le sérieux d’une Fintech et instaurer un climat de confiance avec clients et investisseurs. Même son de cloche pour Eric Charpentier, fondateur de Payname, plateforme de paiement entre particulier, pour qui l’agrément « est un gage de qualité et de pérennité».

Le pouvoir du régulateur

Comme dans tout secteur régulé, les choix effectués par le régulateur peuvent avoir des répercussions conséquentes sur les nouveaux acteurs. Le cas d’Unilend aux États-Unis en est un exemple. Cette start-up outre-Atlantique, spécialiste du prêt participatif aux PME, a en effet connu une chute de 30% de son action et une forte remise en question de son business model suite à une décision de la cour d’appel américaine pouvant la contraindre à abaisser les taux d’intérêts qu’elle propose. Si aujourd’hui la Fintech continue d’exercer, avec 16 millions d’euros de prêts accordés depuis fin 2013, cette décision a l’espace d’un instant remis en question son existence.

Une décision du régulateur peut ainsi sonner le glas de plusieurs Fintech. Aussi, celles-ci ont tout intérêt à intégrer l’aspect règlementaire au plus tôt dans leurs activités et à considérer cela comme un avantage compétitif. En effet, si le régulateur est amené à statuer sur des sujets les concernant, cette approche leur permettrait de subsister tandis que leurs concurrentes, moins en conformité avec la réglementation, seraient fortement pénalisées, voire interdites d’exercer.

Quels moyens d’échange entre Fintech et régulateur ?

Se regrouper pour mieux échanger

En France, l’écosystème Fintech se regroupe comme en témoigne la création de France Fintech en juin 2015. Cette association est destinée à « fédérer une communauté, faire avancer la ‘fintech’ et parler aux autorités, aux journalistes » précise Alain Clot, son président. France Fintech sera notamment le point de contact privilégie avec les autorités de régulation. La récente rencontre, le 11 mars dernier, entre les représentants des Fintech françaises ainsi que Jonathan Hill, Commissaire européen à la stabilité financière, aux services financiers et à l’Union des marchés de capitaux, en est le parfait exemple.

L’exemple outre-manche

Le régulateur anglais est souvent pris comme exemple par les entrepreneurs français.  Ce dernier adopte en effet une démarche particulièrement proactive et revendique vouloir attirer les Fintech sur son sol.

Il a ainsi mis en place une cellule spécialisée fin 2014, le FCA Innovation Hub, afin d’accompagner les Fintech et de réfléchir avec elles sur les modifications réglementaire nécessaires. Ce Hub constitue un point d’échange privilégié entre régulateur et Fintech et vise à accompagner ces start-up face à la barrière règlementaire. Mr. Wheathley, Directeur Général du FCA avait d’ailleurs – non sans humour – rappelé les challenges et les coûts potentiels liés à la réglementation pour les Fintech : « Un entrepreneur peut obtenir des interprétations différentes [de textes réglementaires] de la part de plusieurs avocats. Et échanger avec un seul avocat est déjà bien assez cher ».

Si le régulateur britannique se montre plus entreprenant, il n’en reste pas moins qu’en France, les signaux sont positifs. D’un côté, le régulateur affiche la volonté d’accompagner l’arrivée de ces nouveaux acteurs, de l’autre, les Fintech veulent prendre part aux évolutions règlementaires et se regroupent pour se faire entendre.