Spoofing, Front Running et manipulation des indices sont des techniques de manipulation boursière et de délit d’initiés associées dans la presse à des amendes records. La manipulation du Libor apparue en 2012, étant à l’origine d’un total d’environ 10 milliards de dollars d’amendes, en est un parfait exemple. Ces abus venant dérégler les marchés et porter préjudice aux investisseurs ont amené les régulateurs à accroître leur vigilance et renforcer le cadre réglementaire sur les institutions financières.

Suite au précédent article de la série Abus de Marché (Le Point sur les Pratiques de Surveillance des Marchés Financiers) définissant le cadre réglementaire et les principaux enjeux de la lutte contre les abus de marchés, nous allons maintenant nous intéresser au dispositif de contrôle permettant à la fonction Conformité la prévention (pre-trade) des abus de marchés et la surveillance des transactions (post-trade) via le contrôle des opérations et des communications électroniques.

L’efficacité d’un dispositif de contrôle permettant la surveillance des abus de marché commence par la définition d’une taxonomie des risques, du périmètre des entités couvertes et des instruments traités. Cette base constitue la situation à laquelle doivent s’appliquer les contrôles.

Bien que les institutions financières de la place aient saisi la nécessité d’un dispositif aussi automatisé que possible de surveillance des transactions réalisées (post-trade), les contrôles préventifs (pre-trade) ne sont pas encore généralisés au sein de la place.

Alors que les contrôles automatisés post-trade sont mis en place via la surveillance des opérations réalisées, une des approches pour répondre au besoin d’un dispositif préventif automatisé est la mise en place d’une surveillance des communications électroniques. Nous nous intéresserons ci-dessous à chacune de ces deux approches.

Contrôles post-trade via la Surveillance des opérations réalisées

Le but de ces contrôles, souvent assimilés à des modèles de détection des abus de marché, est de détecter des comportements suspects sur la base de seuils et de paramètres prédéfinis et revus régulièrement. Une fois les seuils atteints et l’alerte générée, cette dernière sera ensuite analysée par les équipes de surveillance (de plus en plus souvent via le nearshoring / offshoring des équipes en charge du 1er niveau d’analyse) puis escaladée vers un 2ème niveau ou clôturée.

Vient ensuite la nécessité de s’assurer d’une bonne classification et gestion des alertes (false positive, low, medium et high impliquant la déclaration de transactions et d’ordres suspects ou STOR vers les organes de contrôle comme l’AMF (Autorité des Marchés Financier) pour la France), la révision régulière des différents seuils, paramètres et exclusions des modèles. Finalement, l’implémentation d’une assurance qualité et de contrôles qualité permettront de garantir l’efficacité et la durabilité du dispositif.

Contrôles pre-trade via la Surveillance des communications électroniques

Afin de se conformer à l’obligation réglementaire de mettre en place un dispositif de prévention des abus de marché, les acteurs de la place se voient contraints de coupler leur dispositif de contrôles post-trade à une nouvelle typologie de contrôles, réalisés en amont : les contrôles pre-trade.

L’obligation d’enregistrement des communications professionnelles (communications électroniques et conversations téléphoniques) de certains métiers donne naissance à de nouvelles opportunités. L’implémentation de contrôles manuels ou automatisés est ainsi facilitée. Dans le cadre de contrôles automatisés, les communications électroniques peuvent être monitorées à l’aide de mots-clés ou lexiques prédéfinis déclenchant des alertes qui seront analysées par les équipes de surveillance. Le recours aux nouvelles technologies ou Speech-to-text permettront également de renforcer le dispositif existant et de se positionner comme précurseur en termes de prévention des abus de marché. Bien entendu, une surveillance des communications professionnelles ne sera pas la seule approche existante pour mettre en place des contrôles préventifs.  La pertinence de l’approche retenue réside dans une analyse fine des différentes solutions disponibles, de leur degré de maturité, et de leur caractère approprié et proportionné par rapport à l’échelle, au volume et à la nature des activités.

Dans la même logique que pour les contrôles post-trade, il semble nécessaire de mettre en place et de formaliser les processus de classification et gestion des alertes, la révision régulière des mots-clés et lexiques et du personnel monitoré ainsi que l’implémentation d’une assurance qualité et de contrôles qualité.

Diagnostic du dispositif de Surveillance des abus de marché

Le dispositif de contrôle d’abus de marché des fonctions Conformité a bien souvent été construit étape par étape afin de répondre à l’évolution du contexte réglementaire et au développement de nouvelles activités. Aujourd’hui, l’importance réside dans la réalisation d’un diagnostic du dispositif de contrôles des abus de marché. Pour ce faire une approche méthodologique rigoureuse et harmonisée est privilégiée :

  • Analyse de l’existant : Cartographie de l’existant, définition du périmètre, réunions avec les parties prenantes concernées pour comprendre l’état actuel du cadre de surveillance
  • Analyse des écarts : Analyse de la couverture des contrôles afin d’identifier tout écart potentiel et justifications (rationales)
  • Analyse de la cible : Recommandations et définition du plan d’action pour atteindre la cible

L’exercice réalisé étant dépendant de l’activité, des processus, des outils et du cadre réglementaire, il sera nécessaire d’intégrer la logique de cet exercice dans la durabilité, le Business As Usual.

Les équipes de surveillance des abus de marché étant concentrées sur les activités opérationnelles, les alertes étant à volumétrie variable et devant être traitées dans des délais raisonnables, un accompagnement par des experts externes peut s’avérer pertinent. En effet, ceux-ci seront dotés d’accélérateurs, mais également de la connaissance et de la légitimité requise, point clé dans la réalisation d’un diagnostic abouti et de la mise en place des processus opérationnels nécessaires pour garantir la pertinence, l’efficacité et la durabilité du dispositif de contrôles.

Finalement, il conviendra de prendre également en compte les éléments suivants :

  • Le cadre procédural (politique de dénonciation / whistleblowing, politique pour les opérations pour compte personnel / personal account dealing)
  • La formation du personnel impliqué dans l’organisation ou l’exécution des transactions ainsi que le personnel chargé de la détection des abus de marché
  • Le pilotage de la fonction Surveillance des abus de marché via le suivi des KPI (Key Performance Indicator) et du reporting
  • L’importance de la formalisation de l’ensemble des activités dédiées à la prévention et la détection des abus de marché, vitrine de la Conformité