Le 23 juin 2016, une majorité de britanniques votaient en faveur du Brexit, soit la sortie de l’Union européenne. Une première dans l’histoire de l’UE. Les sujets sur fond d’immigration, de contrôle des frontières, de souveraineté et de liberté économique sont largement abordés lors de la campagne. La finance cependant, qui risque probablement d’être fortement  affectée par le Brexit, n’occupe que le second plan des débats. Ce secteur est pourtant d’ampleur considérable car il emploie plus de 2 millions de personnes au Royaume-Uni et compte pour 25% de la finance européenne.

De nombreuses banques ont ainsi annoncé qu’elles pourraient être amenées à réduire leurs effectifs sur le sol britannique si le Brexit l’emportait, se rétractant parfois par la suite. HSBC qui annonçait vouloir déplacer 1000  emplois vers Paris a finalement confirmé après-coup son engagement sur le marché britannique. Mais même si les banquiers ne fuient pas à date la capitale britannique, les embauches se font plus rares. Les Fintechs quant à elles, pourraient être amenées à quitter l’île, qui pourrait ne plus leur offrir le même accès au marché unique suite aux négociations à venir sur les conditions de sortie de l’état.

Cette incertitude ambiante sur l’avenir du Royaume-Uni au sein de l’Union et sur la capacité du pays à offrir un environnement favorable au développement des nouvelles technologies financières amène certaines villes du continent à prospecter les indécis de la City. En France, La défense invite les grandes institutions à essayer Puteaux. Manuel Valls de son côté tente de simplifier les démarches entrepreneuriales et de favoriser le régime des expatriés en France.

La France, l’Allemagne et le Luxembourg se proposent d’accueillir les Fintechs londoniennes

À court terme, l’incertitude sur l’avenir de l’écosystème londonien risque très certainement de ralentir les investissements. Certaines Fintechs envisagent donc de faire route vers le vieux continent, elles sont désormais le cœur de cible de plusieurs places financières européennes qui voient en elles des potentiels de développement à long-terme.

Berlin, Luxembourg

berlinlondonLe parti libéral allemand Freie Demokraten (FDP) courtise à Londres ses prospects avec ce message « Dear start-up, keep calm and move to Berlin ». La capitale allemande semble offrir un environnement propice au rapatriement des start-ups, en effet depuis le Brexit une cinquantaine d’entre elles auraient engagé des démarches accompagnées par des institutions locales. Au-delà de son positionnement dans le marché unique, Berlin est une ville attractive en termes de coûts d’installation et ressources humaines. L’« Investitionsbank » prend, par exemple, en charge la moitié des coûts salariaux lors de la première année d’activité.

Le Luxembourg est quant à lui allé un cran plus loin en envoyant ses ministres de la Finance et de l’Economie faire la promotion, au Level 39 à Londres, du LHoFT le Luxembourg House of Financial Technology qui assure l’évolution technologique et l’innovation de la finance au Luxembourg.

Paris

Paris, qui occupe une place importante dans l’écosystème des fintechs en europe, voit une opportunité d’affirmer son positionnement. Plusieurs initiatives ont ainsi été annoncées suite au vote du Brexit.

Du côté politique, M. Valls annonce puis inaugure début novembre  l’ouverture d’un guichet unique par Business France pour les entreprises et particuliers qui désirent s’installer en France. Il tente également de réduire la pression fiscale en proposant une baisse de l’impôt des sociétés de 33.33% à 28%.

18102016_paris_la_defenseLes régulateurs quant à eux s’adaptent. En juin l’AMF a créé sa division Fintech, « Innovation et compétitivité » qui aura pour objectif d’identifier les sujets de compétitivité et d’innovation importants et nécessitant un positionnement du régulateur en France comme à l’international. Elle démontre un souhait d’adaptation de la régulation et de création d’un environnement favorable au développement des Fintechs et essaye de conquérir les britanniques. Depuis septembre, elle propose aux financiers Londoniens de souscrire à un « 2WeekTicket ». Un programme agile leur permettant d’obtenir une pré-autorisation en moins de deux semaines pour s’établir sur le sol français.

L’ACPR de son côté simplifie les démarches d’accréditation afin de faire face à la perte potentielle du passeport européen des Fintechs londoniennes. Ainsi elles pourront désormais, sous réserve d’avoir au moins une filiale en France,  transformer leurs accréditations FCA en accréditations ACPR, valables en Union européenne, grâce à un processus simplifié.

Paris cherche aussi à mettre en avant sa stratégie long-terme d’appui au développement des jeunes entreprises 2.0, comme le montre notamment la construction de deux incubateurs de taille – Le Cargo et Station F- devant voir le jour dans les prochains mois. Sebastien Burlet, créateur de Lemon Way, ajoute lors d’une interview pour France 24 : «  nous avons des aides et subventions que l’on retrouve moins dans les pays anglo-saxons. Des entreprises ont 3, 5, 10 millions d’euros de subventions européennes ». Il assure de plus que la réputation du régulateur français est un atout de taille face aux autres capitales européennes.

Des enjeux financiers et économiques de poids  

Les Fintechs européennes se sont historiquement implantées à Londres, la capitale financière, car elles y bénéficiaient d’une attention particulière de la part de la FCA (Financial Conduct Authority). Le ralentissement du dynamisme de l’écosystème start-ups pourrait entrainer un réel manque à gagner pour la Fintech britannique, qui est aujourd’hui la plus dynamique d’Europe. Sur les 6 premiers mois de l’année 2016, ce ne sont pas loin de 116 levées de fonds de plus de 750k€ qui ont été recensées outre-manche pour un total de 443 millions d’euros investis, alors que l’Allemagne et la France n’atteignent que, respectivement, 239m€ et 63m€.  Londres est la ville où l’on investit le plus devant Dublin, Berlin et… Paris.

Le hard-Brexit est redouté du côté des Fintechs. Elles pourraient perdre leur licence européenne et voir ainsi leurs charges augmenter pour réaliser leur activité dans l’Union, elles redoutent également que l’embauche des talents ne devienne difficile, le Royaume-Uni ne permettant plus de répondre à leurs besoins de recrutement.

Les enjeux financiers et économiques incitent les grandes villes à jouer du coude pour prospecter les start-ups du secteur financier. Paris pour sa part semble prête à accueillir les entreprises désireuses de venir s’y installer. De nombreuses personnalités et acteurs du monde financier vantent les atouts parisiens et la régulation qui tend à s’assouplir. L’instabilité fiscale cependant ou les élections de 2017  sont autant de paramètres à prendre en compte pour ces petites structures qui sont à la recherche d’un environnement stable. Le Brexit reste une belle opportunité pour Paris de séduire les entrepreneurs londoniens, à condition que les efforts soient maintenus et concrétisés.